Inviter l’art à prendre de l’altitude pour atteindre à plus de profondeur, est-ce ainsi que peut se dire l’objectif du collectif cinéma ” Vues d’en haut” que nous présente l’interview de Tim Héron ? A découvrir.
Dans un monde où, sans doute plus que jamais, la foi chrétienne est perçue comme étant un concept dépassé et archaïque, il est important de savoir allier culture et foi, sans insister sur l’une aux dépens de l’autre. L’équilibre entre intégrité artistique et spiritualité vivante est difficile à maintenir, mais c’est pourtant l’objectif que ce sont fixés les artistes du collectif cinématographique Vues d’en Haut.
Ce collectif interconfessionnel, fondé en 2007, rassemble scénaristes, réalisateurs, comédiens et techniciens qui cherchent à réaliser des films qui reflètent leur sensibilité chrétienne. Notons que parmi eux, l’on compte la comédienne et chanteuse Rona Hartner. A travers le collectif et son site Internet, les artistes peuvent partager leurs idées, proposer leurs services ou encore solliciter de l’aide pour leurs projets. Ce qui les unit n’est donc pas seulement leur passion commune pour le cinéma, mais aussi et surtout le fait qu’ils cherchent leur muse dans leur foi en Dieu. Je vous invite à découvrir le site de ce collectif plein de potentiel à l’adresse suivante : http://www.vuesdenhaut.free.fr/.
Mais Vues d’en Haut est avant tout le fruit d’une amitié, entre deux passionnées du cinéma, Anne et Véro. Anne Raveau, photographe à Reims, a pris le temps de répondre à quelques questions.
TH : Quel est le but du collectif Vues d’en haut, son mode de fonctionnement, ses aspirations ?
Anne R : Le collectif Vues d’en haut a pour but de mettre en relation des chrétiens actifs dans le milieu du cinéma et de l’audiovisuel afin de favoriser la création de films de qualité. Son mode de fonctionnement est très simple. Nous avons un site web qui sert d’outil de base pour relayer les projets de films. Les personnes intéressées s’inscrivent via le site ou peuvent nous envoyer un mail et ils reçoivent un mot de passe. Ce dernier leur permet de visualiser les projets des autres membres et de les contacter. Ils peuvent aussi déposer leurs propres projets.
TH : Le collectif est le fruit d’une amitié entre toi et Véro. Comment vous êtes-vous rencontrées et qu’est-ce qui vous a donné l’idée de commencer un tel projet ?
Anne R : Nous nous sommes rencontrées presque par hasard à travers internet. Véro avait des amis que je connaissais. On a commencé à discuter sur nos passions communes, la foi et le cinéma. Je suis allée voir Véro à Paris. Au fil des discussions, l’idée du collectif a germé. On a pensé que beaucoup de personnes pouvaient se réunir sur des projets cinématographiques et donner toute leur énergie, toute leur capacité de service à l’aboutissement d’un projet artistique commun alors pourquoi pas des chrétiens…
TH : Dans la charte du collectif, il est écrit que l’un des objectifs est d’ « écrire des projets à l’image de notre foi ». Penses-tu que la foi chrétienne est mal ou trop peu représentée dans le monde du 7ème art? Est-il possible d’allier art et foi , de créer quelque chose qui peut plaire à un large public et ne pas être limitée à la communauté chrétienne?
Anne R : Il y a et il y a eu quelques tentatives dans le milieu du 7ème art pour représenter la foi chrétienne, Ordet(1), La passion du Christ(2), de façon plus subtile Land of Plenty(3). Mais il y a une prise de risques, il faut autant de créativité que de sensibilité et les artistes chrétiens ont parfois du mal à se positionner. Ils cherchent à faire une démonstration de leur foi avec un avant et un après alors qu’un film est avant tout une affaire d’émotions et de relations comme dans la vie.
Il est bien sûr possible d’allier l’art et la foi. Il est même possible de faire cela et de rester pertinent dans la société actuelle. En hébreu, les deux mots ont la même racine et ce n’est pas étonnant. Dans l’art comme dans la foi, il faut avoir confiance et à partir de là on peut créer quelque chose.
T H : Pour conclure, y-a-t-il un artiste de sensibilité chrétienne qui t’inspire particulièrement ?
Anne R : Oui, Christian Bobin, c’est un écrivain poète qui parle de choses simples, des gens, de la nature. Il mêle profondeur et légèreté dans son style et ses thèmes mais ce qui est très fort, c’est que son écriture donne de la joie, c’est une parole rafraîchissante qui fait penser à la Bible. D’ailleurs il a fait la plus belle description de la Bible que je connaisse « La Bible est le seul livre d’air- un déluge d’encre et de vent. Un livre insensé, égaré dans son sens, aussi perdu dans ses pages que le vent sur les parkings des supermarchés, dans les cheveux des femmes, dans les yeux des enfants. Un livre impossible à tenir entre deux mains calmes pour une lecture sage, lointaine: il s’envolerait aussitôt, éparpillerait le sable de ses phrases entre les doigts… »(4)
Sinon, je pense à un cinéaste, John Cassavetes, il n’était pas chrétien mais il a tenu dans ses œuvres à représenter l’amour. Cette volonté donne un sens et une humanité profondes à ses films. Il y a quelque chose de spécial qui me fait vibrer dans le jeu des acteurs, quelque chose de l’amour inconditionnel de Dieu, de la grâce malgré l’imperfection des hommes.
Tim Héron
Notes
1) Ordet, Carl Theodor Dreyer, 1955. Le film est une adaptation d’une pièce du pasteur luthérien danois Kaj Munk, assassiné par la Gestapo en 1944.
2) La Passion du Christ, Mel Gibson, 2004.
3) Land of Plenty, Wim Wenders, 2004
4) Le Très-Bas, Christian Bobin, Ed. Gallimard, 1992. A remporté le Prix des Deux Magots et le Grand Prix Catholique de Littérature en 1993.