Chacun a son histoire et a besoin d’être écrite et respecté :
Françoise RONTARD nous dit comment elle vit son handicap en cherchant à être authentique dans sa vie et dans sa foi.
Disons le d’entrée : je suis infirme et cela induit chez moi depuis toujours deux aspirations contraires : guérir ou être acceptée telle que je suis.
Guérir je m’y suis éfforcée toute mon enfance dans divers centres de rééducation. Des amis qui m’acceptent comme je suis j’en ai trouvés partout : à l’école, au lycée, au travail, à l’église etc, etc.
Dans certaines églises je rencontre aussi parfois de bonnes âmes qui ne manquent pas de me rappeler que le Seigneur guérit.
Je n’en doute pas et pourtant mon handicap demeure.
Dois-je m’affliger de ce paradoxe ? Dois-je en sourire (jaune) et me sentir l’objet d’une plaisanterie à la Pierre Dac (“Il peut le faire!”), dois-je en conclure que le Seigneur ne veut pas le faire ? Non. Le plus simple est d’admettre que je manque de foi.
Je l’admets. Ce n’est pas ce qui me chagrine. Les chrétiens qui déplacent les montagnes ne courent pas les rues.
Ce qui me me chagrine ce n’est pas de ne pas guérir c’est l’impératif de devoir guérir.
Il est une prédication subtile ou carrée qui proclame que le salut de Dieu doit progressivement s’étendre à toute la personne : esprit, âme et corps. Lors donc que dans une réunion (ou une conversation) j’entends ce discours, moi qui crois, au combien, que le Seigneur peut agir sur mon corps et que rien ne se passe, je sens très vite qu’au milieu de ces bien portants pleins de foi je n’ai pas ma place: je fais tache, je mets visiblement en échec la puissance de Dieu, je suis le contre exemple de la conviction générale.
Certes tout le monde reste gentil avec moi. Trop parfois. De toute façon le mal est fait: on a clamé haut et fort : “le Seigneur guérit” comme s’Il allait guérir tout le monde et l’on n’a pas eu une seule parole pour qui, éventuellement, garderait sa maladie.
Evidemment, penseront certains, donner à l’avance une parole d’amour à l’adresse de ceux qui ne guériront peut-être pas revient à douter de Dieu et à réduire d’office le nombre des miracles possibles.
Quand les hôpitaux seront vides et que je serai la dernière à boiter au milieu d’une humanité parfaitement saine de corps et d’esprit je reconsidererai la question ou j’aurai peut-être alors la foi pour sauter par dessus les montagnes.
En attendant je persiste malgré tout à croire que le Seigneur n’aime et j’attends de lui ce corps glorieux qu’évoque Paul en 1 Cor.15,43 et plus encore la cité sans deuil et sans larme du monde à venir.
Françoise RONTARD
Paray-Vieille Poste – (91)