C’est un peu après midi et demi que j’arrivai à Maincy, non loin de Vaux-le-Vicomte et du célèbre château de Fouquet, juste au nord de Melun. Là, près de l’église, dans ce village rénové avec goût, je trouvai sans peine le foyer de jeunes. À peine entré dans la belle bâtisse, je trouvai Marc, l’éducateur de permanence qui m’accueillit chaleureusement, et nous voilà rapidement partis à la découverte des lieux. Beaucoup de cachet à l’intérieur de la maison, beaucoup de chaleur aussi, avec cette grande salle commune, ses poutres de chênes, sa cheminée ; là je salue deux jeunes qui regardent la télévision. Le prêtre de Maincy qui avec les premiers jeunes en difficulté a relevé les ruines de cette bâtisse (voisine du presbytère) a voulu leur offrir du beau, et ce fut possible grâce à son génie de la récupération ! Touchant aussi est le respect pour les origines du foyer que se transmettent les jeunes (ils ne restent en général que de six mois à un an) ; la grande table commune, réalisée par le prêtre fondateur, en marqueterie de Versailles est particulièrement l’objet.
À l’étage, la visite d’une chambre est l’occasion de rencontrer quelques jeunes qui avaient été avertis de ma visite. Les chambres sont agréables avec leur aspect rustique, mais un gros souci de l’association est de réussir à obtenir les subventions pour passer de chambres de trois ou quatre places et sanitaires communs à des chambres individuelles avec sanitaires intégrés.
C’est alors que nous parlions sur la grande pelouse à l’arrière de la maison que nous ont rejoints Gilles, un autre éducateur, et Maurice, directeur du foyer depuis quelques mois Après quelques mots échangés, il était temps de passer à table ; heureusement que les horaires sont un peu plus souples le week-end ! J’étais soulagé de retrouver une dizaine de jeunes autour de la table car Marc craignait que la plupart ne s’éclipsent à cause de ma présence ; j’ai ressenti très vite ce mélange de pudeur et de fierté qui fait, par exemple, qu’ils préféreront être pris en photo plus tard quand ils seront sortis de leur galère.
Le repas pris en commun est un moment important dans la vie du foyer, en particulier le soir, en semaine, vers 19 heures. C’est un point de repère, un moment de rassemblement, d’incitation à l’ouverture aux autres, d’attention à l’autre ; chacun pouvant s’y exprimer, c’est un moment important pour l’éducateur pour capter que tel ou tel passe par un cap difficile ou traverse un coup de blues . Plus tard l’éducateur verra le jeune en tête à tête. Le soir, l’éducateur peut s’attarder un moment avec les jeunes devant la télévision, tout en restant disponible pour faire face à des besoins particuliers, en particulier aux “ angoisses du soir ” que traversent plusieurs. Les jeunes qui séjournent aux Copains de l’Almont sont si divers avec des parcours tellement différents ; l’évolution et le rythme de chacun sont à respecter.
Le foyer est un CHRS, Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale ; il peut recevoir douze jeunes hommes, de 18 à 25 ans, à Maincy et un appartement de trois places existe dans un village voisin pour des jeunes qui semblent presque prêts à assumer l’indépendance complète. Ici les jeunes viennent volontairement, même si parfois pour certains, aller aux Copains de l’Almont est l’alternative à une solution beaucoup plus “ raide ” offerte par un juge. Pour de plus en plus de jeunes, le foyer est un refuge parce qu’ils ne sont pas acceptés par le nouveau compagnon de leur mère ; face à cette situation un jeune récemment n’avait trouvé, comme seul abri, que la cave de son immeuble. Un pensionnaire actuel du foyer est un zaÏrois qui demande le statut de réfugié politique.
Les premiers jours, les premières semaines au foyer sont capitales. Un jeune arrive et l’équipe d’éducateurs doit évaluer sa situation matérielle, administrative, psychologique ; il faut aller au plus urgent. Le garçon n’entre au foyer que s’il accepte les quelques règles et une participation aux taches communautaires, mais en dehors de cela l’accent est mis sur la confiance faite aux jeunes ; ils peuvent ainsi ressortir après le repas du soir pourvu qu’ils soient rentrés avant 23 heures en semaine et avant 1 heure le samedi soir. Pour certains vont commencer rapidement quelques heures de travail quotidien avec un éducateur technique dans l’atelier du foyer ; elles permettront de repérer les goûts, les prédispositions de chacun pour tel ou tel travail manuel, de leur montrer qu’ils peuvent réussir de belles choses ; cette activité est utile aussi pour apprendre ou réapprendre à des jeunes qui vivaient sans aucune contrainte à se discipliner, à respecter des horaires, à mener une tâche de manière suivie. Mais pour d’autres il faudra attendre un peu plus, leur laisser du temps pour “ poser les valises, oublier, réfléchir ”. Parmi les 15 résidents, certains ont trouvé ce qui leur plaît et sont dans une formation qui leur donnera un diplôme reconnu sur le marché de l’emploi, dans la restauration, le bâtiment souvent ; mais l’AFPA, par exemple, ouvre des horizons très variés. D’autres travaillent, souvent en intérim pour commencer ; mais quelle fierté, me dit le directeur du foyer, de porter la tenue de leur entreprise lorsqu’ils rentrent du travail. Et puis travailler permet d’apporter au foyer une contribution financière mensuelle ; c’est déjà se prouver que l’on peut s’assumer.
Les projets sont multiples comme l’élevage de quelques animaux poules, canards, lapins, la mise en route d’un potager et plus conséquent le démarrage de l’entreprise d’insertion (second œuvre dans le bâtiment et entretien d’espaces verts pour commencer) toujours dans l’option d’amener à une certaine compétence ces jeunes résidents au travers d’activités où ils se sentent bien et où ils s’épanouissent..
Ce samedi, une fois le repas terminé, le foyer était animé : quatre jeunes désiraient prendre le train et Marc les conduisit à la gare ; et puis d’autres jeunes arrivèrent, l’un d’eux rentrant par exemple de l’hypermarché où il travaille. Au cours de ma visite, j’ai été frappé par la bonne entente et le respect entre des jeunes d’origines si variées ; cela a été très beau lorsqu’il y n’y a pas si longtemps, l’un des jeunes a été tué dans un accident avec son vélomoteur. Les autres résidents ont été choqués, et plusieurs parmi lesquels des jeunes de culture musulmane, convaincus que Stéphane aurait souhaité une cérémonie catholique ont pris l’initiative d’aller voir le prêtre le plus proche (il n’y en a plus à Maincy) pour lui faire cette demande. Voilà pour moi un bel exemple de tolérance et d’amitié.