Dans son analyse, l’auteur accorde une place importante aux transformations qui interviennent dans le champ religieux. « La façon dont la religion est quotidiennement vécue et pratiquée, les liens qui rattachaient chaque confession à une « civilisation donnée », les modes d’expression de la croyance, et jusqu’au contenu de celle-ci, tout cela fait l’objet d’une métamorphose accélérée ». Le chapitre particulièrement consacré à cette question : « La mondialisation du religieux » (p.205-253) nous apporte des éclairages originaux ».
En phase avec de nombreux sociologues, JC Guillebaud met en évidence « l’intensification planétaire de ce qu’on pourrait appeler la « demande religieuse ». Comme l’a montré l’anthropologue Cliffort Geertz, cette situation appelle une compréhension des démarches personnelles, « un effort d’analyse phénoménologique et herméneutique ».
Dans la même perspective, au niveau même de la pensée, on entre de plus en plus dans une « ère de l’interprétation ». Et, dans ce mouvement, il cite des philosophes comme Michel Serres, Julia Kristeva, ou Gianni Vattimo. Selon ce dernier, « la réapparition de la religion comme « sujet d’avenir » coïncide avec une transformation annoncée de la « façon de croire » (p.211). Par ailleurs, les grandes spiritualités s’identifient de moins en moins à une civilisation particulière, à un espace géographique donné. Elles s’évadent du territoire. Le religieux se fait voyageur, il se vit en terme de diaspora : désoccidentalisation du christianisme, occidentalisation du bouddhisme…
A partir des travaux de Pierre Legendre (p. 229-261), Guillebaud apporte un autre éclairage original, en mettant en évidence la manière dont le « concept de religion est inséparable de la « structuration normative » héritée de l’empire romain ». Ainsi pourrait-on parler d’un « romano-christianisme ». Dans la logique constantinienne, l’Eglise n’a pas seulement héritée de formes institutionnelles hiérarchiques aujourd’hui remises en question par « la mobilité, le nomadisme, la diaspora », elle s’est aussi réappropriée un héritage conceptuel. « A la loi juive, s’est substitué le droit romain… Cet emprunt, jamais avoué, a ajouté en quelque sorte à l’Evangile une deuxième Bible : le rationalisme instrumental élaboré par le normatif romano-catholique » (p.230). C’est dire combien la forme catholique du christianisme est particulièrement interpelée. Le terme : religion est lui-même remis en question. « L’usure irrémédiable du mot « religion » autorise une reformulation radicale du message évangélique » (p231).
La mondialisation du religieux.