Dans son introduction, Jean-Claude Guillebaud évoque bien un flottement initial face à la nouveauté du phénomène, cette inquiétude à laquelle nous faisions précédemment allusion. Ainsi écrit-il : « La longue préparation et l’écriture de ce livre m’ont changé. Profondément. Trois années de lectures et de travail ont sensiblement apaisé la crainte qui, au départ, m’habitait. Comme tout le monde, j’étais alarmé par l’immensité des changements auxquels nous devions faire face… Je redoutais un engloutissement progressif des valeurs fondatrices dont la culture européenne, qu’on le veuille ou non, est encore dépositaire. L’avenir me semblait annonciateur de violences nouvelles et de barbaries renaissantes. Il est toujours difficile d’accepter l’idée qu’à l’engloutissement succède, ou peut succéder, un surgissement. Or, c’est bien ce qui se passe. Nous sommes véritablement au commencement d’un monde. J’ai appris et j’apprends encore, à regarder en face cette métamorphose… » (p.9).
Dès lors, à partir d’une approche historique et sociologique bien informée, Jean-Claude Guillebaud invite le lecteur à le suivre dans un parcours où il analyse successivement la « séquence coloniale », les problèmes qui apparaissent actuellement à la fin de cette séquence (« Après l’Empire »), l’apparition progressive d’une configuration nouvelle que Jean-Claude Guillebaud appelle « une modernité métisse ».
Selon l’auteur, « le monde nouveau qui naît sous nos yeux… correspond à l’émergence d’une modernité radicalement « autre ». Elle ne se confond plus avec l’Occident comme ce fut le cas pendant quatre siècles . Une longue séquence historique s’achève et la stricte hégémonie occidentale prend fin. Nous sommes en marche vers une modernité métisse… ».
Par delà les discours qui mettent l’accent sur l’activation des conflits, un « choc de civilisations », on doit voir le mouvement en profondeur. « En réalité, au delà des apparences, les civilisations se rapprochent les une des autres. De l’Afrique à la Chine et de l’Inde à l’Amérique latine, Jean-Claude Guillebaud examine posément l’état des grandes cultures en mouvement, pour décrire l’avènement, prometteur et périlleux, d’une véritable modernité planétaire… »
Le commencement d’un monde.