Les chrétiens de Fondacio vivent leur foi chrétienne dans un mouvement qui les amène à en témoigner et à annoncer l’Evangile. Et, dans le même temps, ils s’inscrivent dans la culture et la société d’aujourd’hui, en mettant en valeur le développement personnel et la prise en compte des engagements dans la vie sociale et politique (3).
Fondacio se caractérise également par son existence comme un rassemblement de “laïcs” vivant pleinement en disciples de Jésus-Christ dans une dimension communautaire. Cette figure a une portée quasiment révolutionnaire par rapport à la conception cléricale du religieux dans un milieu catholique traditionnel.
Enfin, Fondacio est aussi devenue une communauté internationale présente sur de nombreux continents. C’est là une source de force et d’opportunités. De même, elle a persévéré dans la dimension oecuménique, potentialité d’un christianisme pluriel.
Ainsi, au cours des trois dernières décennies, et, malgré une crise interne majeure au début des années 90, Fondacio est parvenue à suivre et à développer ses intuitions initiales, échappant notamment à la tentation du repli identitaire influente durant cette période. Pour réaliser cette trajectoire, Fondacio a su mobiliser ses compétences spirituelles, relationnelles et culturelles et s’inscrire dans des légitimités convergentes. C’est une source d’enseignement.
Cette évolution s’est appuyée sur une théologie fortement inspirée par le Concile Vatican II. Cette constatation apparaît clairement dans les actes d’un récent colloque au cours duquel le mouvement a voulu faire le point sur ses orientations à partir d’une relecture de son histoire et d’un dialogue avec des théologiens (1).
Ecoutons donc l’un d’entre eux, Hervé Legrand, connu pour son expertise et son ouverture dans le champ de l’ecclésiologie catholique (4):
“Les chrétiens de Fondacio se veulent ancrés”dans l’amour de Dieu pour l’homme et pour le monde”…. Ici affleure un héritage conciliaire décisif pour un témoignage chrétien auprès des occidentaux d’aujourd’hui. …Face à une culture contemporaine, dont l’altérité est certes considérable, on ne se laisse aller ni à l’effroi, ni à l’enthousiasme. Le souci premier n’est pas d’ailleurs de se situer face à la société, mais d’y tenir sa place avec autant d’intelligence que de cordialité…
Fondacio est à l’abri, m’a-t-il semblé, du genre de dérive qui consiste à accuser les autres, par exemple, de propager la “sécularisation”, alors qu’elle est aussi, au moins partiellement, un effet de nos propres insuffisances…. Ici on ne voue pas aux gémonies l’individualisme. (Au contraire), Fondacio veut favoriser “le développement personnel” pour aider l’homme à grandir, à donner le meilleur de lui-même….”(Selon Gérard Testard), c’est une manière de prendre en charge l’individualisme du monde occidental actuel. …. Nous travaillons à l’unification des personnes: vie spirituelle et vie humaine, vie psychique, vie corporelle, intellectuelle et relation à Dieu, à l’Eglise, aux autres…”
Aujourd’hui, la place des baptisés comme ceux de Fondacio, dans la mission universelle va désormais de soi….. La situation contemporaine n’est pas, en effet, sans traits communs avec l’Antiquité. La conversion de ce monde n’a été l’oeuvre ni de prêtres, ni de congrégations missionnaires. Elle a résulté du témoignage de chrétiens, et notamment de l’influence de chrétiennes que l’on oublie trop souvent…”
Au total, la lecture des actes de ce colloque ne nous apprend pas seulement à mieux comprendre la dynamique de Fondacio. Elle montre aussi les questions que cette dynamique suscite, et, en réponse, un travail de maturation théologique permettant de légitimer et de développer les acquis de cette oeuvre innovante.
Il y a une parenté entre l’approche de ce mouvement et celle de Témoins (5). En effet, Fondacio, dans le contexte d’un catholicisme d’ouverture mettant à l’oeuvre une dimension oecuménique, Témoins, dans une mouvance chrétienne interconfessionnelle, se rejoignent dans le souci d’allier conviction de foi et ouverture culturelle, et de promouvoir de nouveaux visages d’Eglise. Voici un livre qui nous appelle à réfléchir et à espérer.
Jean Hassenforder
(1) Aimer l’Eglise. Aimer le Monde. (Sous la direction de Gérard Testard). Cerf, 2005
Ce livre présente d’abord deux expériences de communautés de laïcs en église : Fondacio et Sant’Egidio, à partir desquelles le théologien, Christophe Theobald, engage une réflexion sur la présence de ces communautés dans l’actuelle transformation de la figure de l’église catholique. Le livre envisage ensuite les défis actuels pour l’Eglise et les perspectives d’avenir. Notons, entre autres, plusieurs contributions sur des sujets majeurs : une analyse de la mise en oeuvre du Concile Vatican II : réalisations et blocages (Hervé Legrand) ; comment accueillir chrétiennement nos contemporains en difficulté (Lytta Basset)…
Site internet de Fondacio: www.fondacio.org/france
(2) Landron (Olivier). Les communautés nouvelles. Nouveaux visages du catholicisme français. Cerf, 2004
La plupart des communautés nouvelles étant issues du Renouveau charismatique, cette étude historique nous montre également le parcours de ce courant en France dans le contexte de l’évolution du catholicisme français au cours de ces trois dernières décennies.
Elle met en évidence le rapport différencié de ces communautés avec les pratiques traditionnelles. Certaines s’y enracinent dès le départ. D’autres y sont ramenées et renchérissent parfois. Certaines enfin parviennent à garder le cap du Renouveau Conciliaire dans son inspiration biblique, sa présence au monde, son ouverture
oecuménique. C’est le cas de Fondacio. Ce livre, à travers un imposant recueil de données, est une contribution historique majeure qui permet une relecture de cette histoire.
(3) Pina (Martine). Voyage au pays des charismatiques. Ed de l’Atelier, 2001
Issue d’une thèse de sciences politiques, cette étude sociologique de plusieurs communautés charismatiques met en évidence des attitudes contrastées vis-à-vis de la société globale. Fondacio se caractérise par son ouverture et son esprit démocratique.
(4) Legrand (Hervé). La rencontre de Fondacio à Bruxelles. Quelques impressions d’un ecclésiologue. Postface, p 223-235 in: Aimer l’Eglise. Aimer le Monde.
(5) L’estime de Témoins pour ce mouvement s’est manifestée dans une interview du président de Fondacio.
Propos recueillis auprès de Jacques Martin. Témoins, N° 135, mai-juin 2001, p3
Références: Groupe Recherche Témoins