« Une vérité qui dérange » … une vérité qui libère…
Nous sommes aujourd’hui avertis du danger qui nous menace. Les causes et les effets du réchauffement climatique sont de plus en plus mis en évidence. Et l’on sait aussi que, pour faire face à cette menace, le temps presse, car, comme pour faire changer de cap un grand navire, un délai est nécessaire. Il faut donc agir vite, dès maintenant. A travers des conférences politiques, scientifiques, beaucoup de gens oeuvrent en ce sens. Mais les intérêts, les aveuglements, les routines s’interposent. Voilà pourquoi, il faut accroître et accélérer la prise de conscience, susciter une mobilisation des esprits. Ainsi, le film réalisé par Al Gore aux Etats-Unis est particulièrement bienvenu. Le titre initial : « An inconvenient truth », et le titre français : « Une vérité qui dérange » (1) nous appelle à chercher la vérité. La vérité qui dérange, c’est aussi une vérité qui libère.
L’itinéraire d’Al Gore.
On se rappelle la carrière politique d’Al Gore aux Etats-Unis. Vice-président durant la présidence de Clinton, Al Gore s’est présenté à l’investiture présidentielle en l’année 2000. Et il a échoué de très peu, face à Georges Bush. Mais il est bon maintenant d’en savoir plus sur l’itinéraire de cette personnalité qui, depuis plusieurs années, s’est engagée dans une campagne contre le réchauffement climatique alors que le président des Etats-Unis en exercice s’opposait à la ratification du protocole de Kyoto par son pays, limitant ainsi les effets de celui-ci.
Al Gore, fils d’un sénateur américain, a été élevé dans une culture chrétienne au carrefour d’un milieu baptiste et d’un milieu épiscopalien (forme de l’anglicanisme aux Etats-Unis). Il a été confronté dans sa jeunesse à un problème de conscience. Alors que les méfaits du tabac ont commencé à être dénoncés dès 1964 par l’administration américaine de la santé, sa famille a continué à en cultiver dans une ferme du Tennessee. Or, dans les années 80, sa sœur est morte d’un cancer au poumon imputé au tabac. Les Gore en ont tiré la leçon et ont cessé cette plantation. Mais cette expérience a marqué un homme déjà sensible aux exigences de la conscience morale. A la même époque, un accident très grave chez son fils l’a interpellé sur le plan spirituel (2). Dans une culture ou la foi chrétienne s’exprime à la fois sur le plan personnel et sur le plan de la société, Al Gore s’est senti appelé à écrire un livre exprimant sa vision écologique : « Earth in the balance. Ecology and the human spirit »(3).
En campagne contre le réchauffement climatique.
En effet, dès ses études dans les années 60, Al Gore a suivi les cours d’un grand professeur, Roger Revelle, le premier à avoir mesuré le taux de CO2 dans l’atmosphère . Et dès qu’il a été élu au Congrès en 1976 , il a contribué à organiser les premières auditions sur le réchauffement climatique.
Dans ses propos recueillis par Anne Lord, dans le magazine « Terre Sauvage » (4), il nous décrit un engagement persévérant dans ce domaine. Lorsqu’il devient vice-président des Etats-Unis en 1992, il a essayé de faire adopter un certain nombre de mesures. Mais, nous dit-il, « Je me suis heurté à une formidable résistance au sein du système politique. Et, si j’ai pu réaliser une percée à Kyoto en 1997, le sénat américain, lui, n’a pas ratifié le traité. Un traité qui fait maintenant loi sur la planète sauf aux Etats-Unis et en Australie. Mais les Etats-Unis finiront par le ratifier. En 2000, après la décision de la Cour Suprême d’attribuer la victoire à Georges Bush, j’ai commencé à parcourir le pays avec mon « slideshow », une présentation multimedia, développée au long des années et associant humour, graphiques et informations scientifiques. Des producteurs hollywoodiens l’ont vu et m’ont conseillé d’en faire un film ». Effectivement, grâce au réalisateur David Guggenheim, ce montage audiovisuel est devenu un film percutant. Ce terrible acte d’accusation est, en même temps un geste d’espoir. Il n’y a pas de fatalité, nous dit Al Gore. La vérité qui dérange est aussi la vérité qui libère.
Chrétiens ! Quelle responsabilité ?
Nous voici appelés à réfléchir sur les différents points qui ont fait obstacle jusqu’ici. Il y a, bien sûr, de puissants intérêts économiques, mais il y a aussi des faits de mentalité. Ce sont des routines et, parfois, des idéologies. Ainsi, aux Etats-Unis, dans certains milieux chrétiens, le salut est perçu comme une échappée par rapport aux réalités terrestres. Le monde est un cadre second et temporaire, destiné à disparaître à la fin des temps sur lesquels les yeux sont fixés (5). Il n’est pas besoin de souligner combien cette lecture sélective des textes bibliques méconnaît le projet de Dieu dans son dynamisme créateur (6). On perçoit, dans la vie sociale, les résultats funestes de cette conception. Comme dit Jésus, on reconnaît l’arbre à ses fruits.
Aujourd’hui, comme la grande majorité des chrétiens de par le monde, Al Gore adhère à une vision théologique qui appelle les hommes à la responsabilité et à la solidarité. Il est porté dans son action par une conviction de foi qui évoque celle des prédicateurs baptistes de son milieu d’origine. Comme les prophètes de la Bible, l’inspiration divine le motive et l’appelle à montrer les désordres, les injustices, les imprudences qui engendrent des catastrophes. Mais il n’y a pas de fatalité. Au contraire, Dieu appelle l’homme à se détourner du mal. C’est ce message qu’Al Gore nous transmet dans les termes de notre mentalité contemporaine.
Les voies du changement.
Et effectivement, la prise de conscience commence à se réaliser. En fonction de l’importance de leur potentiel économique, l’orientation des Etats-Unis est décisive. Jusqu’ici, le président Georges Bush a refusé que son pays adhère aux accords de Kyoto. Mais, aux Etats-Unis, de nombreux signes montrent la montée d’une prise de conscience de la nécessité de réduire la pollution. Cette dynamique affecte des entreprises, des municipalités et aujourd’hui jusqu’au puissant Etat de Californie qui est sur le point de promulguer une loi pour combattre les gaz à effet de serre et qui s’engage dans des procès visant à changer l’attitude des constructeurs automobiles.
Comme l’histoire nous le montre, le rôle de telle ou telle personnalité peut être considérable, voire décisif dans une situation donnée. On peut imaginer combien le monde serait différent si, au lieu de Georges Bush, Al Gore avait été élu président des Etats-Unis en 2000. Cet effet d’agrandissement nous interpelle. A notre place, nous avons aussi des choix à faire. Alors, allons voir ce film : « Une vérité qui dérange », et mobilisons-nous pour faire en sorte que cette vérité suscite des changements devenant ainsi une vérité qui libère.
Jean Hassenforder
30 09 06
(1) Le film : « Inconvenient truth » a éveillé les consciences et suscité beaucoup d’échos positifs aux Etats-Unis. Sous le titre : « une Vérité qui dérange », ce film va être présenté en France à partir du 11 octobre 2006 . Quelques critiques ont pu être soulevées comme le fait de ne pas présenter plusieurs scénarios prospectifs dans une perspective probabiliste. Mais le film veut d’abord susciter une mobilisation. Il renvoie par ailleurs à un site qui apporte des données intéressantes sur les questions soulevées : www.climatecrisis.net.
(2) On trouvera des informations sur l’itinéraire spirituel et théologique d’Al Gore dans des articles parus dans « Christianity today » et consultables sur internet (recherche Google : Al Gore, biography, christianity) : Al Gore, preacher man, by David Neff (september 2006). The transcendental Al Gore (23 october 2000).
(3) Earth in the balance. Ecology and the human spirit. Traduit en français : Al Gore. Sauver la planète terre : l’écologie et l’esprit humain. Albin Michel, 1993.
(4) Al Gore. Mon combat contre le réchauffement climatique. Propos recueillis par Anne Lord. Terre Sauvage. N° 221, octobre 2006, p. 51-53. A travers des interviews, Terre Sauvage aide ses lecteurs à apprécier les enjeux écologiques. Et, au travers d’articles magnifiquement illustrés, il permet aux lecteurs qui y sont disposés, de méditer sur la Création. Site internet : www.terre-sauvage.com
(5) Sur ce phénomène de mentalité, on pourra se reporter au livre du sociologue et historien, Sébastien Fath : Sébastien Fath. Dieu bénisse l’Amérique. Les religions de la Maison Blanche. Seuil, 2004.
(6) La théologie de la création est, aujourd’hui, en plein développement dans des milieux chrétiens différents. La publication de livres en témoignent. Citons, entre autres : Moltmann (Jurgen). Le rire de l’Univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie réalisée et présentée par Jean Bastaire. Cerf, 2004. McGrath (Alister). The re-enchantement of nature. Science, religion and the human sense oh wonder. Hodder and Stoughton, 2003. Ces livres sont cités dans l’article : Goût de printemps. Goût de nature, consacré à l’initiative chrétienne écologique : A Rocha et publié dans le cadre de cette rubrique : Actualités.