Troisième partie – La révérence

Just This : Juste ceci. C’est le titre du livre de Richard Rohr, publié en 2017. La promotion de la prière contemplative est l’une des vocations principales du Centre pour l’action et la contemplation qu’il a fondé au Nouveau-Mexique en 1986[1]. Au lieu de faire une recension du livre, j’ai préparé trois courtes réflexions sur des thématiques clés de celui-ci. Elles seront distribuées aux lecteurs et lectrices de Témoins au cours des trois premières revues de presse de 2024. Celle-ci est la troisième.

La révérence

La révérence est le deuxième fruit de la contemplation. Elle nous vient de l’approfondissement de la reconnaissance, le premier fruit de l’observation émerveillée. Sans la reconnaissance qui la précède, la révérence nous est inaccessible, voire incompréhensible. La reconnaissance comme prise de conscience donne lieu à la gratitude, l’appréciation et la valorisation de la chose contemplée qui est saisie, pas de façon isolée, mais faisant partie de l’ensemble, du tout de ce qui existe et qui vit. La reconnaissance n’est donc pas la fin de la contemplation. Ce que nous contemplons nous communique une information essentielle. Il y a une communication dans ce qui est, autant en ce qui est matériel que de l’existence même. Il y a une intention dans ce qui est. Quelque chose de plus profond nous est transmis que nous avons à recevoir. Afin de saisir et de comprendre ce qui nous est communiqué, il faut apprendre et poursuivre la contemplation. Comme l’écrit Richard Rohr, « un champ de perception beaucoup plus large, beaucoup plus profond et beaucoup plus spacieux s’ouvre, devenant une manière alternative de connaître et d’apprécier. [2] » Or, « vous reconnaissez progressivement que les myriades de formes de vie dans l’univers sont à la fois complètement diverses et totalement une.[3] » De ce fait, la transcendance aimante de Dieu est présente partout. Tout est sacré et il n’y a plus de distinction sacrée/séculier possible. Toute dualité disparaît par le fait même.

Les fruits de la révérence

La révérence est l’accueil en soi de la beauté, de la bonté, et de la vérité fondamentale de ce qui est initialement observé extérieurement, premièrement dans la contemplation de la création naturelle et puis, deuxièmement, de Dieu lui-même. Comme l’écrit le professeur émérite de philosophie et d’études interdisciplinaires, Loren Wilkinson : « Pour qu’il y ait une véritable rédemption, cette terre et aucune autre, ce corps et aucun autre, doit avoir la capacité d’accueillir en lui la grâce de Dieu.[4] » Dieu imprègne toutes choses ainsi que chaque personne, qu’elle en soit consciente ou non. Non seulement prenons-nous conscience de Dieu dans le monde, mais aussi en nous! Quelque chose, plutôt quelqu’un de plus grand que nous, nous habite :

Christ est au fond de moi plus profond que moi.

Il y a dans la révérence une prise de conscience qui éveille en nous l’humilité. Le sacré habite en moi et aussi dans mon prochain. La révérence n’ose mépriser, porter atteinte ou dénigrer ce qui est saint. Même s’il s’agit d’une personne moralement répréhensible et exécrable, je dois chercher en elle l’image de Dieu. En fait, selon le rabbin Jonathan Sacks, « Le défi pour l’imagination religieuse, c’est de voir l’image de Dieu dans celui qui n’est pas à notre image.[5] » Par notre recherche du sacré dans l’autre — notre voisin — nous faisons appel au meilleur et au plus vrai de lui-même. Nous lui ouvrons un espace pour qu’il puisse s’exprimer différemment en étant nous-mêmes disposé à l’écouter. C’est un premier pas vers le rapprochement, encore mieux, vers la réconciliation. Peut-être deviendra-t-il conscient qu’il est aussi porteur de l’image de Dieu.

Conclusion

Plus que jamais, ce principe de la révérence doit faire son entrée dans le monde pris au milieu de ses guerres, ses colères et ses angoisses devenues aujourd’hui presque insupportables. C’est par la pratique de la contemplation comme prière, centrée comme elle se doit sur la présence de Dieu, que nous contribuons à notre propre transformation à l’image du Christ. Richard Rohr le dit bien : « Toute forme de contemplation est un enfoncement progressif dans cette plénitude divine où habite l’espérance. » Les fruits de la contemplation, la reconnaissance et la révérence, feront de nous des ambassadeurs de la réconciliation en vue de la rédemption du monde.

Méditation

Je respire le souffle de Dieu

consciemment
en profondeur
… intérieure

Pour devenir un être vivant

veillant
peut-être même
… vaillant

surtout

autant que
cela m’est possible
… aimant

Je respire la paix et la plénitude de l’Esprit

Pierre LeBel

[1] Pour mieux connaître Richard Rohr et le CAC, visitez : https://www.temoins.com/richard-rohr-et-le-centre-pour-laction-et-la-contemplation/
[2] Rohr, Just This, p. 100.
[3] Rohr, Just This, p. 46.
[4] Loren Wilkinson, Circles and the Cross: Cosmos, Consciousness, Christ, and the Human Place in Creation (English Edition), 2023. Cascade Books, an imprint of Wipf and Stock Publishers, p. 39.
[5] Jonathan Sacks, The Dignity of Difference : How to Avoid The Clash of Civilizations, 2002, New York. Continuum, p. 60.

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