Psychologie et spiritualité chrétienne en réponse aux problèmes de vie, une interview de Denis Guillaume, directeur des éditions Empreinte temps présent, une maison d’édition qui s’est donnée pour mission première la publication et la diffusion d’ouvrages centré sur la dimension à la fois psychologique et spirituelle de la personne humaine.
T : Bonjour Denis Guillaume et merci d’accorder à Témoins cet interview. Ma première question est simple : dans quelles circonstances les éditions Empreinte ** Voir le site ** sont-elles apparues ?
DG : C’est au début des années 80 que Jacques Poujol et moi-même avons projeté de créer une maison d’édition. Jacques Poujol venait de terminer la rédaction de son premier livre et il cherchait à le publier. Pour ma part j’exerçais des fonctions pastorales mais je disposais également d’une structure commerciale susceptible d’accueillir un projet éditorial. La décision fut assez rapide. À l’époque les maisons en mesure d’accueillir son texte était rare et l’idée de publier nous-mêmes un livre nous a semblé réaliste et enthousiasmante.
T : Quelles motivations vous ont amené à créer les éditions Empreinte ?
DG : À l’époque, on parlait encore assez peu de l’intégration d’une dimension psychologique dans la vie chrétienne et pourtant cela correspondait à un besoin que nous avions identifié dans nos pratiques professionnelles. Le texte que Jacques Poujol m’a présenté à cette époque «L’équilibre psychologique du chrétien » répondait à cette nécessité. Il parlait de psychologie mais en choisissant ses exemples chez les personnages de la Bible dont il dévoilait les ressorts psychologiques. Il exposait par ailleurs la dimension profondément libératrice du message de Jésus. Le succès que cet ouvrage a rencontré très rapidement nous a permis de poursuivre nos publications et de constituer progressivement notre maison d’édition
T : Au départ, pour quelle finalité ? Quelle mission ?
DG : Nous avons décidé de poursuivre la démarche que nous venions d’initier. Lors de notre première visite à la foire du livre de Francfort, j’ai remarqué que les éditeurs anglo-saxons avaient déjà largement développé cette approche outre-Atlantique. J’ai alors acheté des droits de traduction et enrichi l’offre en direction du public francophone. Au départ, nous nous adressions principalement à un public protestant évangélique. Ce travail constituait un prolongement de notre ministère pastoral.
T : Quelles grandes étapes ont marqué le développement des éditions Empreinte ?
DG : Au début, tous les livres que nous sortions rencontraient un succès que nous n’avions pas imaginé. Nous vendions entre 5000 et 10000 exemplaires par an de chaque titre. Puis le rythme s’est ralenti et nous avons réalisé que ces débuts prometteurs constituaient une sorte de tremplin mais qu’il nous faudrait désormais construire un modèle économique pérenne.
Une autre étape a été franchie lorsque nous avons confié la distribution de nos livres à la librairie 7ici à Paris ** Voir le site ** qui nous a ouvert un marché plus large, puis, il y a une dizaine d’années, la diffusion et la distribution furent également confiées à une maison catholique : Salvator ** Voir le site ** qui, avec quatre commerciaux, nous a permis de placer nos livres en librairie religieuse, en librairie générale, dans les grandes surface culturelles et, aujourd’hui, en supermarché.
T : Aujourd’hui, quels sont les grands domaines couverts par les éditions Empreinte ?
DG : C’est dans le domaine « psychologie et foi chrétienne » que nous sommes le mieux placé mais nous avons toujours publiés des livres de spiritualité et ceux-ci constituent une part importante de notre catalogue. Par ailleurs, nous abordons des questions de société dans une perspective chrétienne et nous avons même développé une collection plus littéraire. En fait nous n’excluons rien tout en veillant à la cohérence de notre catalogue.
T : Y a-t-il des livres qui ont été particulièrement bien diffusés ?
DG : Parmi nos meilleures ventes, on peut citer : « L’accompagnement psychologique et spirituel », « 52 prières pour femmes actives » et, dans un style différent, les livres de C.S Lewis. Mais fort heureusement une bonne moitié de notre catalogue connait également des chiffres de vente plutôt satisfaisants.
T : Qu’est-ce qui caractérise votre lectorat ? Comment a-t-il évolué ?
DG : Je crois qu’il convient de parler de « lectorats », au pluriel. L’éventail des lecteurs est très large, à l’image de la diversité du catalogue. Si nous nous référons à notre public de départ, il est évident que celui-ci s’est considérablement développé. Mais, d’une manière générale, ce sont plutôt des personnes en quête de cohérence et d’authenticité qui s’interrogent sur la meilleure façon d’incarner la « Parole » qui les anime. Nombre d’entre elles ont souhaité approfondir cette dimension. Pour elles, nous avons créé Empreinte formations qui a formé des milliers de personnes à la relation d’aide. Dès l’an prochain, nous proposerons une formation de niveau master 2 en collaboration avec une faculté de théologie.
T : Beaucoup d’ouvrages des éditions Empreinte sont traduits de l’anglais ou de l’allemand. Comment sont-ils découverts et choisis ?
Il arrive que nous cédions à l’amicale pression de quelques découvreurs de talent parmi nos relations mais le plus souvent, c’est lors de notre visite à la Foire du livre de Francfort que nous faisons notre marché et que nous acquérons les droits de traduction.
T : Comment percevez-vous l’originalité d’Empreinte dans le champ actuel de l’édition ?
DG : Nos éditions se définissent comme une maison généraliste avec une spécialisation forte en spiritualité chrétienne. Membre du groupe « religion » du syndicat National de l’Édition, nous nous adressons à un public très large qui va du chrétien pratiquant à la personne en quête de sens, assez loin des réseaux d’église. C’est pourquoi nous veillons à exclure un langage trop religieux afin d’offrir la possibilité d’un « ré-enchantement de l’existence » par une pensée et une pratique religieuse intégrée dans la vie quotidienne. En ce sens, nous nous situons dans une perspective très ouverte.
T : Quelle est la place des éditions Empreinte dans le domaine du rapport : psychologie/spiritualité chrétienne ?
DG : C’est je crois notre point fort et c’est pour cela que nous sommes reconnus. Tout en proposant des passerelles entre ces différents champs, nous avons choisi de ne pas les mélanger. Chaque domaine est approché selon les règles qui lui sont propres. Nous souhaitons que nos lecteurs, tout en approfondissant leur spiritualité, développent aussi leur humanité.
T : En quoi consiste votre travail d’éditeur ?
Je réalise moi-même une grande partie du travail : réception des manuscrit, choix, lectures, relectures puis gestion et administration et enfin relations publiques. Pour le reste, c’est un travail d’organisation avec les différents intervenants externes : Auteurs, traducteurs, maquettistes, imprimeurs, services commerciaux, presse… Chaque étape est importante mais c’est évidemment celle de la sélection des manuscrits qui s’avère la plus déterminante.
T : Quels sont vos motifs de satisfaction ?
DG : Chaque livre qui arrive est un peu comme une naissance. On se réjouit, on s’inquiète. Bref c’est la vie. Nous accompagnons ainsi chaque texte, chaque auteur, mais très vite, le livre prend son indépendance, trouve ou non son lectorat. Sa durée de vie est variable : une seule édition ou plusieurs réimpressions, puis il s’efface, remplacé par d’autres titres ! C’est ce travail de création et d’accompagnement qui constitue, à mon sens, l’aspect le plus intéressant de ce travail.
T : Parmi vos livres y en a-il quelques uns que vous êtes particulièrement heureux d’avoir publiés ?
DG : J’ai publié, il y a maintenant deux ans un album, La Turquie biblique, avec un texte de Sébastien de Courtois et des photos de Damien Guillaume. C’est un livre que j’aime beaucoup car il m’a permis de faire le lien entre deux sujets qui m’intéressent tout particulièrement : le monde biblique et la Turquie. En fait, j’ai tenté, en publiant ce livre, de mettre en lumière une mémoire partagée : l’espace anatolien qui fut terre biblique : juive et chrétienne, puis terre d’Islam. Une édition en langue turque est en projet.
Récemment, nous avons publié un livre de Jurgen Moltmann, traduit de l’allemand. C’est son premier livre en français, accessible à un public assez large. Il propose une perspective innovante et dynamique de la vie chrétienne en mesure de renouveler la foi du lecteur.
T : Aujourd’hui, pour les éditions Empreinte, quels sont les projets, les perspectives ?
DG : Élargir le public cible dans l’orientation qui est la nôtre : apporter une réponse chrétienne originale à celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui sont en quête de sens et qui souhaitent découvrir, développer ou cultiver une spiritualité. Mais aussi, explorer de nouveaux champs capables d’enrichir la réflexion et de nourrir la vie spirituelle.
T : Envisagez-vous par exemple de donner une place au livre électronique ?
DG : Bien entendu, cela deviendra rapidement indispensable, même si le livre numérique se développe assez lentement en France, contrairement aux États-Unis. Nous commencerons très bientôt la numérisation de nos livres et nous réfléchissons à de nouvelles formes de lectures qui associent texte et liens hypertextes.
Interview de Denis Guillaume conduit par Jean Hassenforder