L’Église protestante unie de France en Région Parisienne

Enquête sur les paroissiens, leurs pratiques et leurs perceptions de l’Église

Comment se vit la foi chrétienne dans les différentes Églises ? Nous avons besoin de ces données pour comprendre leurs parcours, leurs forces et leurs faiblesses. La recherche en sciences sociales nous permet aujourd’hui de répondre à cette demande. L’étude de ces données est précieuse pour permettre un discernement. Encore faudrait-il que les Églises s’interrogent et qu’elles n’ignorent pas la richesse des apports de la recherche.

Ainsi, peut-on se réjouir que l’Église protestante unie de France ait mandatée une étude sur « les protestants de la Région Parisienne » et par ailleurs sur ceux de la Région Centre-Alpes-Rhône et de la Région Ouest, la définition de protestants étant ici limitée à l’appartenance à l’Église protestante unie. De fait, cette étude nous permet de connaitre et d’analyser le fonctionnement de cette Église.

 

Objectifs et méthodologie de cette enquête

« Cette étude mandatée par l’ ‘Église Protestante Unie de France’ répond à un besoin de mieux connaitre ses paroissiens, leurs pratiques et leurs perceptions de l’Église ». Une précision est apportée : « Il s’agit plus précisément de fournir à l’Église les informations nécessaires pour construire un plan de communication à destination des paroisses ». Cette précision met l’accent sur un aspect institutionnel, ce qui entraine certaines limites. De nombreux objectifs sont ensuite détaillés, ainsi : dresser le profil socio-démographique et religieux des paroissiens ; connaitre l’origine des paroissiens ; analyser leurs pratiques. De nombreuses questions sont posées en rapport avec le fonctionnement de l’Église.

L’échantillon est substantiel : 3208 répondants en Région Parisienne. Et pour les autres régions : 861 en Région centre-alpes-Rhône et 521 en Région Ouest. Le questionnaire a été auto-administré en ligne. On notera la belle accessibilité de la présentation des résultats, notamment grâce aux résumés successifs. Nous renvoyons donc à la lecture de cette étude en nous bornant ici à présenter quelques résultats majeurs.

 

La composition sociale des membres de l’Église protestante unie de la Région parisienne.

Si l’étude est intitulée ‘les protestants de la Région Parisienne’, ils sont désignés en terme institutionnel comme des ‘paroissiens’.

Les répondants sont majoritairement des femmes (59%) et l’âge moyen est élevé : 59 ans avec une forte proportion de personnes âgées de plus de 50 ans : 71 %

La majorité des paroissiens sont des retraités : 57 %. La grande majorité est constituée par des personnes ayant des professions dites supérieures : cadres, chefs d’entreprise, libéral. On ne compte aucun ouvrier et peu d’employés (7 %).

Dans les deux autres régions, la proportion de retraités est encore supérieure : 65%.

Cette composition sociale nous parait peu propice à l’expansion de l’Église. On verra qu’à l’inverse, on constate une intensité dans les pratiques et un fonctionnement de bon aloi.

 

L’origine et le renouvellement.

La grande majorité est d’origine protestante avec une large majorité des affiliations d’origine : réformés/ presbytériens (64%). 19% sont d’origine catholique, ce qui parait à la fois peu dans un pays où l’Église catholique est en crise et également non négligeable.

Comment s’opère le renouvellement de l’Église. Une question a été posée en ce sens : Comment avez-vous rejoint l’Église protestante unie ? La majorité a grandi dans une famille protestante (63%) Cependant 17% sont arrivés en se renseignant, 9% par le biais d’un conjoint et 7% par le biais d’un proche. La venue par l’intermédiaire d’internet est très limitée : 2%. On aurait aimé savoir s’il y avait un pourcentage notable d’arrivants récents ce qui nous aurait renseigné sur l’attractivité actuelle de l’Église.

 

Convictions de foi

L’étude fait ressortir « une adhésion d’intensité relative aux différents dogmes (en pourcentage des ‘tout à fait d’accord’) :

Dieu existe : 71% ; Jésus est le fils de Dieu : 73% ; Rien n’est jamais définitivement perdu : 55% ; L’Esprit saint guide la foi : 55% ; Il y a une vie après la mort : 46%.

En ce qui concernant l’engagement personnel dans la foi, 53% sont tout à fait d’accord avec la mention : « le message de la Bible est important pour mes choix de vie » et 52% avec la mention : « J’ai une relation personnelle avec Dieu ».

Les évangéliques confessant montrent une plus grande adhésion. A l’inverse, les protestants proches du courant libéral montrent nettement moins d’adhésion. Les pourcentages sont effectivement parfois très bas chez les protestants libéraux : Tout à fait d’accord : Dieu existe : 52% : Jésus est le fils de Dieu : 50% : Il y a une vie après la mort : 25%. La faiblesse de ces pourcentages interroge. Notons que les pourcentages d’entière adhésion sont au total élevés chez les 15-34 ans.

L’enquête met en évidence plusieurs courants : réformé : 48% ; libéral : 19% ; évangélique confessant : 9% ; chrétien social : 5% ; luthérien : 4% ; Je ne sais pas et cela ne m’intéresse pas : 15%.

 

Le degré d’engagement dans l’Église

La rédaction du questionnaire témoigne de l’importance accordée aux paroisses et donc à un système paroissial. Or les résultats concordent avec cette approche.

Près de 9 répondants sur10 fréquentent une paroisse en particulier. Près de 2/3 des paroissiens se considèrent comme des paroissiens réguliers. Cette dynamique est croissante en fonction de l’âge du répondant et son degré d’implication dans la vie paroissiale Cette régularité se vérifie dans la fréquence de la participation aux cultes : 1/4 des paroissiens viennent chaque semaine ; 3/4 au minimum une fois par mois. Leurs attentes sont bien identifiées : une prédication intéressante : 90% ; la louange : 65% ; la rencontre avec d’autres participants : 62%. Le Sainte Cène recueille 40%. On notera la place centrale accordée à la prédication. La fréquentation élevée parait indiquer que ces attentes sont largement satisfaites. Il s’y ajoute un fort engagement dans les paroisses. 82% des paroissiens participent aux activités de la paroisse. Plus de la moitié aux activités de convivialité. 55% des paroissiens exercent des responsabilités au sein de leur paroisse. Les suggestions d’améliorations sont très diverses. Au total, il nous parait que ces taux de participation sont élevés. Si tous les membres de l’Église protestante unie participent à une paroisse et ont été atteints par l’enquête, une activité intense se manifeste, fort supérieure à celle qui apparait dans le milieu catholique, étant entendu que la situation et les critères sont différents. D’autres aspects de la vie paroissiale sont également abordés comme les problèmes liés à la communication interne (bulletin paroissial) ou soutien financier).

 

Compréhension de l’Église protestante Unie

L’Église protestante unie est régie selon un système presbytéro-synodal. On entend par là une structure où les décisions sont prises en deux lieux : les conseils presbytéraux au niveau local, les synodes aux niveaux régional et national, ces instances s’inscrivant dans un régime électif. L’enquête porte ainsi également son attention sur la manière dont ce mode de gouvernance est compris par les membres de l’Église. Le régime presbytérien-synodal n’est bien connu que par une minorité de membres, mais il est considéré majoritairement comme « démocratique, équilibré, représentatif ».

La communication du conseil presbytéral est globalement satisfaisante (70%).

 

Les pasteurs

Dans l’approche démocratique de cette Église, les pasteurs n’ont pas un rôle dominateur. Ils ont un rôle éminent tant en terme d’influence qu’en terme de prédication, dont on a vu l’importance qui lui est accordée qu’en terme d’animation. On se reportera à l’enquête : davantage de pasteurs d’origine protestante dont EPUdF parmi les pasteurs par rapport à l’ensemble des protestants ; globalement, un très fort accord des pasteurs sur toutes les questions spécifiques à la foi avec quelques surprenantes exceptions sur certains points.

 

Rôle et orientation de l’Église protestante unie

Les questions posées au sujet de la conception et du rôle de l’Église recueillent des pourcentages d’accord élevés :

  • L’Église a une portée universelle : 91%
  • L’Église s’enrichit grâce à son aspect multiculturel : 90%
  • La foi chrétienne doit se traduire dans un engagement social : 86%
  • L’organisation proche de la démocratie de l’Église protestante est importante pour moi : 85%
  • Échanger avec des personnes dont je ne partage pas les opinions est important pour moi : 85%
  • L’Église doit prendre position sur les questions d’actualité sociale et de société : 75%
  • Une seule proposition : L’Église doit prendre positions sur les questions politiques et économiques, ne reçoit que 54% d’accord

Le commentaire constate : Un consensus globalement très fort sur le potentiel du rôle joué par l’Église. Le courant des chrétiens sociaux revendique davantage ce rôle à jouer de l’Église.

Effectivement, ces réponses traduisent une grande ouverture : orientation multiculturelle, engagement social, esprit démocratique, ouverture au dialogue. On peut voir là un apport substantiel à la vie de notre société, un apport précieux en ces temps troublés.

Une question apparait cependant. Un questionnaire reflète naturellement l’orientation de ceux qui l’ont rédigé. Or, on peut ressentir ici une lacune : l’absence de questions sur le témoignage de la foi et le dialogue autour de celle-ci. Une évangélisation respectueuse de ceux à qui elle s’adresse n’est-elle pas un appel évangélique et une expression majeure d’une vie d’Église ?

Cependant, l’enquête interroge les participants sur les questions qui interpellent l’Église, les orientations à développer. La question était formulée en ces termes : Selon vous, quels sont les plus grands défis que l’Église doit relever pour demain ?

Les réponses nous paraissent traduire une bonne conscience des enjeux :

  • La jeunesse : 39%
  • La transmission : 38%
  • L’adaptation aux évolutions de la société : 30%
  • L’évangélisation et la croissance de l’Église : 27%
  • L’équilibre entre la tradition et la modernité : 26%
  • L’insignifiance du christianisme pour nos contemporains : 26%
  • L’œcuménisme : 22%

Ces thèmes ont été regroupés par les chercheurs de la manière suivante :

  • Adaptation à la modernité : 60%
  • Recentrage religieux : 40%
  • Ouverture religieuse : 34%
  • Ouverture sociale : 15%

Lorsqu’on considère la pyramide d’âge, l’attention à la jeunesse et la transmission sont des questions incontournables. Elles sont bien prises en compte. Ici, l’évangélisation et la croissance de l’Église apparaissent. On notera cependant une différenciation significative : 27% dans l’ensemble, mais 67% dans le courant évangélique ou confessant. On constate également un remarquable propension à prendre en compte un monde en pleine transformation

Cette enquête témoigne de la capacité d’une Église de s’interroger sur son propre fonctionnement. A cet égard, la réponse parait positive. Car, on constate une forte participation de ses membres à la vie chrétienne proposée par les paroisses. La vie sociale y est dense. De plus, cette participation trouve à s’exercer dans un régime démocratique. Au total, l’Église protestante Unie est ainsi capable de se manifester à l’extérieur comme une force d’ouverture, capable d’exprimer le message chrétien dans une société en transformation.

Il y a cependant un grand manque qui se manifeste à traves une pyramide d’âge particulièrement déséquilibrée et un recrutement social élitiste. Ce déséquilibre est une menace grave. C’est un défi majeur. On peut se demander si, par-delà un fonctionnement particulièrement satisfaisant, il n’y a pas quelque part un manque de dynamique. On peut s’interroger sur une attention relativement limitée pour l’évangélisation et la croissance de l’Église. Si ces termes peuvent être mal connotés, d’autres voies peuvent être explorées. Le questionnaire nous parait discret sur certaines questions, comme, par exemple, les arrivées récentes dans l’Église, leur volume et leur origine. On aimerait connaitre les attitudes des grands enfants à travers ce qu’en perçoivent leurs parents. On constate de même peu d’attention vis-à-vis du potentiel d’internet. La paroisse apparait comme un lieu unique autour duquel tout s’ordonne. On aimerait en savoir plus sur les pratiques personnelles de paroissiens et les ressources extérieures auxquelles ils font appel. Bien sûr, ce questionnaire déjà imposant ne pouvait pas tout couvrir. On peut se réjouir de la capacité de l’Église protestante unie d’avoir recours à la recherche. Les résultats de cette enquête invitent à poursuivre ce chemin.

Jean Hassenforder

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