Quelle expérience spirituelle cela peut être ?

Quelle expérience spirituelle… me demande-t-on. La plupart du temps, pour animer un culte, nous nous sommes portés volontaires pour assurer ce service, plus ou moins régulièrement : il correspond à un appel, extérieur d’abord, puis c’est un appel intérieur auquel nous répondons. C’est une joie qui nous est donnée, et qui vient d’en haut. Pour mon compte, je suis prédicateur laïc depuis les années 1990, dans l’Église Réformée, devenue EPUDF, Église protestante unie de France (union de l’Église Réformée, calviniste, avec l’Église luthérienne) ; je ne suis ni théologienne, ni pasteur, donc.

Comment suis-je venue à cette vocation ? Un peu par « hasard », ou guidée. La préparation d’un culte commence par la préparation d’une prédication. On m’a proposé de suivre une formation à la prédication. Le pasteur, expérimenté, pensait la formation par l’exercice pratique. Nous rédigions chacun une prédication sur le texte proposé. Le pasteur très encourageant, la commentait, et nous apprenait ainsi à nous adapter à notre auditoire, pour être reçu et entendu sur ce qui nous semblait important. Dans l’Église Réformée, les messages ne doivent pas durer plus de 20 minutes, ils peuvent durer une heure dans d’autres Églises (la Parole est au centre du culte chez les protestants).

C’était donc une formation pratique, beaucoup plus riche qu’un enseignement théorique, me semble-t-il. En effet, la prédication (prêche, homélie) n’est pas une étude biblique, même si elle en est inspirée, ni un discours théologique. Elle éclaire sur ce que Dieu peut nous dire à travers le texte choisi, le jour où on le reçoit. L’éclairage, pour le même texte pourra être différent, une autre fois, ou pour une autre personne.

La première joie dans ce travail est de constater que la Parole de Dieu est vivante, et touche chacun dans ce qu’il est, et ce qu’il vit ; elle le touche là où elle le trouve sur son chemin. Elle a un côté universel, et particulier. Les mots ont un pouvoir, créateur, de bénédiction ou de malédiction. Ceux que l’on reçoit de Dieu, à cette occasion ou à une autre, sont porteurs de Vie, et lui donnent un sens.

Notre niveau de conscience évoluant, le texte peut évoluer avec lui, et révéler de nouvelles richesses que nous n’avions pas perçues, avant. C’est ainsi que Jésus dit à ses disciples qu’ils ne sont pas encore prêts à recevoir certains enseignements. Ce n’est pas un jugement. Jésus sait à quelle maturité de compréhension ils sont. A l’égal d’un enfant au niveau du Cours préparatoire, qui apprend à lire, et qui ne peut en même temps apprendre à rédiger des rédactions.

Comment procède-t-on ? Je pars du texte que je lis et place dans son contexte. C’est très important de le situer dans le temps et dans l’espace : dans ce que Jésus a dit ou fait, notamment, dans les chapitres précédents et suivants, car il y a une cohérence profonde dans l’enchaînement des épisodes de sa vie et de son propos. Le texte s’éclaire alors de lui-même. Je tiens beaucoup à éviter une explication fragmentaire et sans relief.

Je note deux ou trois idées qui me semblent importantes, autour desquelles je vais articuler ma pensée. Je demande encore l’inspiration de l’Esprit Saint, et en vient la rédaction.

La seconde joie de ce travail, est de constater de plus en plus, que les mots coulent d’eux-mêmes. Que des idées me viennent auxquelles je n’avais pas pensé, qu’une profondeur m’est ouverte qui donne une coloration à l’ensemble, qui n’était pas préméditée, bien qu’elle soit en cohérence avec mon être profond.

Le commentaire qui me vient m’enrichit moi-même, dans mes propres orientations, ou préoccupations du moment. Certes, on peut penser que l’écriture aide à la structuration de la pensée. Mais ce n’est pas tout. Est-ce que remonte alors de moi une connaissance dont je n’avais pas conscience ? Est-ce le Saint Esprit qui tient ma plume par moments ? Sans doute tout cela et plus encore, qui s’éclairera au fil du temps. C’est une grande joie, un émerveillement pour ce qui m’est donné.

Émerveillement, je retrouve ce terme sous la plume de Gitta Mallasz, dans « Dialogues avec l’Ange » : « Je découvre émerveillée le pouvoir des mots. Lorsque Lili prononce le mot « Dieu », immédiatement, l’Ange est rempli d’une adoration profonde… »

Il y a donc de l’émerveillement dans ce travail, que je retrouve lors de la préparation des partages bibliques (pour l’aumônerie de prison, ou en été dans un temple de vacances). Les idées sont là, notées, préparées, et il peut venir au cours des échanges, une idée, une originalité nouvelles.

Approfondir un texte et l’offrir à d’autres est une source de bonheur spirituel en permettant de « recevoir en direct » un message de Dieu. Je suis moi-même nourrie par ce travail, que je ne mènerais pas de façon aussi construite sans cet objectif. La Parole m’éclaire moi-même et me touche lors de la préparation. Elle entre en résonance avec certaines situations que je suis en train de vivre. Cela peut être vraiment émouvant.

Puis la dire en se faisant canal devant un auditoire qui va en recevoir une parcelle, à mon insu, par l’action divine, est une autre joie. Est-ce que ce message va toucher quelqu’un dans ce qu’il traverse en ce moment, par exemple avec un texte sur la guérison ? Est-ce que cela va nourrir son dialogue avec Dieu ? L’encourager, le rassurer, le remettre debout, en route ? Il m’arrive de penser à l’une ou l’autre personne en écrivant certains passages.

Bien sûr, c’est à Dieu de le toucher. Je ne suis qu’humble serviteur, un instrument ; mais que je suis heureuse de « tenir ». C’est une vocation, et il y a toujours du bonheur à réaliser sa propre vocation, pour soi, et pour les autres qui reçoivent alors en abondance ce que l’on a à donner… qui reçoivent ce que Dieu a à leur dire ce jour-là, car Dieu prépare les cœurs.

Dieu prépare le cœur de celui qui prêche, et qui choisit les textes liturgiques (louange, pardon, volonté de Dieu, confession de foi, intercession…), ainsi que les cantiques. Et Il prépare le cœur de ceux qui assistent au culte, et qui vont recevoir un mot, un message qui leur est destiné.

On parle en ce moment, à tort et à travers dans les séries télévisées, de « la magie de Noël » pour en faire un folklore. Cette « magie » là est permanente, et nous est accessible à tout moment : Dieu nous parle par de multiples canaux très ciblés, de façon adaptée à nos demandes et recherches du moment, et c’est une magie de l’entendre pour s’émerveiller de ce que l’on reçoit. Dieu nous parle.

Le culte est une occasion privilégiée de l’entendre, pour celui qui anime la célébration, et pour celui qui y assiste. Cela confirme le bonheur d’être à Son écoute, de Le servir dans l’ouverture. Merci Seigneur, de faire de nous tes serviteurs. Reconnaissance et adoration.

Diane Riquet de Souza

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