Publié en 1960 ce roman d’Harper Lee* est un best seller de la littérature américaine. Je l’ai découvert cet été et il mérite le détour. Pour son histoire, certes, mais surtout pour l’art avec lequel l’auteur peint, à hauteur d’enfant, une bonne société provinciale teintée de racisme. Le récit, à la première personne, est celui de Scout, une fillette de 8 ans au regard vif dont les observations se colorent souvent d’humour involontaire. Elle narre des événements situés dans les années 30, notamment ceux relatifs au procès d’un noir accusé de viol dont son père, avocat juste et intègre, a accepté d’être l’avocat. Avec ce fil conducteur plutôt grave Harper Lee tisse une histoire où se mêlent légèreté, profondeur et drôlerie.
La grande histoire, si l’on peut dire, y est vue à travers le quotidien de la famille Finch, qui, outre Atticus, le père, et Scout, se compose également de Jem, le frère aîné et de Calpurnia, l’indispensable et très présente cuisinière. Il y a aussi les voisins proches : un homme mystérieux cloîtré dans sa maison, un copain qui réside juste l’été, quelques dames sympathiques ou revêches etc. Et, au-delà, les habitants de Maycomb, fiers de leur Comté.
On est dans l’Amérique profonde, en Alabama, dans le sud appelé « la ceinture biblique » où les chapelles évangéliques se distinguent les unes des autres au nom de subtilités dogmatiques qui, pour cocasses qu’elles apparaissent parfois, n’en donnent pas moins à réfléchir, et, bien sûr, où les églises, unicolores, se divisent entre citoyens blancs et citoyens noirs.
On est aussi dans l’Amérique des années 30, touchée par la Grande dépression engendrée par la crise de 29. La population du comté de Maycomb, où se déroulent l’action, est donc également scindée en deux classes sociales : celle qui a des revenus décents et celle qui n’en a pas et, si la misère touche une partie de la population blanche elle atteint visiblement une majorité de la population noire.
C’est sur cet arrière fond, à travers l’école, les jeux et les querelles avec son frère, l’autorité de Calpurnia, les rumeurs qui circulent et surtout les discutions avec son père qu’elle et Jem n’appellent jamais papa mais toujours Atticus, que Scout découvre le monde et s’initie au vivre ensemble. Cette initiation à la vie sera violemment marquée par le tragique fait divers qui va placer la famille Finch sous les feux désapprobateurs de la société blanche. Dans le comté de Maycomb on n’a pas à défendre un noir d’avance reconnu coupable. Mais cette initiation nous est racontée avec une intelligence, une vraie fausse naïveté enfantine qui transfigurent le propos du livre et laissent une forte, belle et durable impression aux lecteurs.
Et l’oiseau moqueur qu’il ne faut pas tuer, que fait t-il dans l’histoire ? Captivé par la lecture on oublie cette question et quand la réponse surgit dans les dernières pages de ce miraculeux roman on est tout à la fois bouleversé et émerveillé.
Françoise Rontard
* « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » d’Harper Lee. Edition 2006, Livre de Poche n°30617
Titre original : « To kill a mockingbird »