L’univers a-t-il un sens ?
L’univers a-t-il un sens ? Dans « Le Monde des Religions » (septembre-octobre 2006), Jocelyn Morisson fait le point sur le débat concernant cette importante question (1). Cet article, bien informé, est publié à un moment ou une polémique a éclaté à l’occasion de la diffusion des thèses d’un groupe américain qui prétend faire apparaître un « dessein intelligent » (intelligent design) à partir des données scientifiques. Comme ce groupe a bénéficié de la faveur de certains milieux fondamentalistes ayant soutenu le créationnisme, comme il ne respecte pas la règle de la distinction des plans, il suscite une opposition compréhensible. Mais, en France, des mouvements rationalistes tirent parti de cette situation pour essayer de disqualifier les hommes de science qui, au regard des résultats de la recherche, posent, très légitimement, des questions métaphysiques. Einstein lui-même ne s’est-il pas longuement et fréquemment exprimé sur la question de Dieu ? « Tout comme Spinoza, il croyait en un Dieu qui « se révèle dans l’agencement harmonieux de ce qui existe » (1a).
Science et quête de sens.
Un groupe « scientiste » s’est ainsi constitué et mène une violente campagne pour imposer ses thèses à partir de ses entrées dans un certain nombre de média. Agissant comme un groupe de pression, il s’engage dans des tentatives de dénigrement en procédant par amalgames. Ainsi a-t-il pris à parti « l’ Université interdisciplinaire de Paris (UIP) » (2), une association innovante, qui, depuis une dizaine d’années, a fait connaître en France, la réflexion internationale sur le rapport entre science, philosophie et religion, en présentant notamment la pensée de grands scientifiques à ce sujet. Des attaques diffamatoires à son sujet ont pu être observées jusque dans les coulisses d’un grand quotidien. C’est donc le moment de rappeler que l’on peut juger sur pièces grâce à la récente publication d’un livre : « Science et quête de sens », sous la direction de Jean Staune, secrétaire général de l’UIP (3).
Un texte de présentation situe l’orientation et l’apport de ce livre. « C’est une occasion de découvrir, de façon à la fois accessible et rigoureuse, l’évolution de certaines connaissances scientifiques. Pour la première fois, le public français a accès aux conséquences de ces découvertes grâce à des scientifiques du plus haut niveau, quatre prix Nobel, ainsi que des membres d’institutions prestigieuses représentant autant de domaine et de cultures différentes (4).
Si les auteurs expriment des conceptions diverses, tous s’opposent à la conception de Jacques Monod qui stipule que « l’univers n’était pas gros de la vie, ni la biosphère de l’homme », car comme l’exprime Christian de Duve, « c’est bien la science et non la philosophie qui nous habilite à nous voir comme l’une des parties d’un modèle cosmique qui ne fait que commencer à se révéler ». Ainsi cet ouvrage nous permet de voir comment la science provoque une « réouverture des chemins du sens » selon l’expression de Bernard d’Espagnat ».
L’interview de Jean Staune donné à Fréquence Protestante en 1997, puis au Magazine Témoins en 2001, et présent sur ce site (5), montre comment « le réel n’est plus ce qu’il était », et comment, sans confusion de plans, une nouvelle vision de l’univers se développe aujourd’hui.
L’intuition d’un univers organisé.
L’article de Jocelyn Morisson, dans le Monde des Religions, est particulièrement bienvenu, car après avoir décrit la conjoncture actuelle et les remous qui l’accompagnent, il met en valeur, comme les travaux précédemment cités, les changement en cours dans la représentation de l’univers. Ainsi, selon l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, « L’univers est régi par une quinzaine de constantes… Il y a eu un réglage très fin dès le début de la formation de l’univers… Pour reprendre le mot du physicien, Freeman Dyson, « c’est comme si l’univers savait dès les premières secondes après le Big-Bang que la vie allait apparaître.. Je pense que l’univers tend vers la vie et la conscience et qu’il y a du sens parce que nous sommes là pour l’observer et appréhender sa beauté harmonique. Mais j’insiste sur le fait qu’il s’agit la d’un pari métaphysique et non d’un strict raisonnement scientifique » (1b).
Jocelyn Morisson met également en valeur les travaux de Anne Dambricourt en paléontologie humaine. L’évolution vers la verticalité se développe selon une logique interne, une mémoire des mécanismes génétiques et elle ne peut être attribuée au hasard des mutations. On s’étonne qu’une telle démarche puisse soulever des tentatives d’étouffement et de censure comme celles qui se sont manifestées lors de l’émission de télévision relative aux travaux de ce chercheur.
Une unification de l’esprit et de la matière ?
C’est par une interrogation, sur la nature profonde de la matière que Jocelyn Morisson conclut son article. Dans quelle mesure peut-on envisager une unification de l’esprit et de la matière ? Les interprétations en ce domaine ne doivent-elles pas de plus en plus faire appel à la notion d’information ? « Ainsi aujourd’hui, la nature profonde de la matière repose sur un concept purement mathématique : la théorie des cordes… A cette échelle, selon certaines interprétations, on ne peut plus parler de matière, mais seulement d’information. D’aucuns y cherchent donc la voie d’une unification supplémentaire, peut-être ultime pour l’humanité : celle de l’esprit et de la matière. C’est un véritable débat par lequel la science et la métaphysique se rejoignent » (1c).
Ainsi cet article ouvre des pistes. La pensée est en mouvement.
Jean Hassenforder
30 09 06
(1) Morisson (Jocelyn). Dessein intelligent : le débat. L’univers a-t-il un sens ? Le Monde des Religions, septembre-octobre 2006, p.6-11. 1a p.9 1b p.10 1c p.11
(2) Université Interdisciplinaire de Paris : site internet : www.uip.edu.
(3) Science et quête de sens, sous la direction de Jean Staune. Presses de la Renaissance, 2005.
(4) Plusieurs de ces personnalités, avec d’autres, ont participé à un manifeste publié dans « Le Monde » (23 02 06) en réponse aux attaques d’un groupe de pression « scientiste » : « Pour une science sans à priori » reproduit sur ce site dans la rubrique : Actualités.
(5) Rubrique Culture, réflexion : Horizon flou. Le réel n’est plus ce qu’il était.