Que l’on soit croyant ou non croyant, catholique, protestant ou orthodoxe il vaut la peine de voir ce film hors norme, subtil et lent, qui se déroule au rythme de l’attente : attente de rien de spécial sinon du déroulé d’un séjour au pays de la souffrance et du commerce de la piété, ou attente éperdue d’un miracle improbable. La caméra s’attarde sur les pèlerins et les accompagnateurs avec douceur et sympathie. Par elle nous entrons peu à peu dans le climat qui baigne le parcours du pèlerinage en ce lieu mondialement connu et fréquenté depuis des décennies par des milliers de malades. Christine, le personnage principal, admirablement jouée par Sylvie Testud, est lumineuse, non de ferveur (elle est venue surtout pour le voyage) mais de sincérité.
Le film* a reçu le prix Signis** au festival de Venise en 2009 « Non parce qu’il se déroule dans un lieu, par essence, catholique mais parce qu’il soulève des questions qui sont, par essence, celles de tout être humain : la foi, la souffrance physique, l’espérance, les miracles et l’inexplicable. Avec une remarquable maîtrise technique et artistique, la réalisatrice nous amène aux confins de nos attentes humaines, laissant les spectateurs découvrir par eux mêmes la liberté humaine et l’intervention divine. »
Effectivement « Lourdes » pourrait se résumer à la question : « Pourquoi ? » et il y a tout à la fois quelque chose d’insoutenable, de dérisoire et d’émouvant dans les pauvres réponses qu’apporte le prêtre aux pèlerins qui l’interrogent sur : comment obtenir la guérison, pourquoi les uns sont malades et les autres non, pourquoi Dieu ne guérit pas tout le monde, pourquoi il a fait ce miracle pour elle et pas pour monsieur X ou la fille de madame Y qui viennent ici tous les ans, pourquoi, pourquoi ?
Sur cet éternel sujet de la souffrance, les pauvres réponses catholiques valent grandement les pauvres réponses protestantes.
Et puis il y a les questions muettes que la caméra semble poser sur la jeune femme couchée dans sa paralysie, sur son visage silencieux aux yeux grand ouverts dans le noir, sur ses mains sans vie qui attendent, oui, qui attendent, mais quoi en dehors du sommeil ? Et l’on ne saurait vraiment se mettre à sa place. Au cinéma on entre plus facilement dans l’intériorité suggérée d’une amoureuse ou d’un truand que d’un être prisonnier de son corps.
L’admirable dans ce film réside aussi l’absence de manichéisme. Chaque personnage a sa part d’ombre et de lumière. Même ces accompagnateurs en apparence superficiels ont du cœur puisqu’ils sont là, et quand on pense avoir repéré la caricature d’une dévote rigide on se cogne à la tragédie. On est loin des stéréotypes noir / blanc, on est dans la nuance, dans l’humain vulnérable et incertain, dans l’attente partagée de quelque chose de meilleur pour l’un ou l’autre et pourquoi pas pour tous, oui pourquoi ne pas rêver un instant de totale félicité puisque c’est le dernier mot du film : felicitad !
Oui, merci à Jessica Hausner d’avoir osé et réussi cette œuvre dont je ne suis pas prête d’oublier les fragiles sourires de Sylvie Testud, des sourires à la vie.
Françoise Rontard
* Lourdes, film de Jessica Hausner avec Sylvie Testud, Léa Seydoux, Gilette Barbier, Gerhard Liebmann et Bruno Todeschini. Durée : 1h39.
** Prix Signis ** Voir le site ** : association catholique mondiale pour la communication qui participe à certains festivals cinématographiques et y décerne son propre prix.
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Je me permets d’ajouter ci-dessous l’argumentaire du film qui m’a donné envie d’aller le voir.
« Pourquoi lui et pas moi ? Dans l’ambiance particulière du sanctuaire de Lourdes, où la grâce de Dieu reste un mystère, le film questionne en images les réactions ordinaires de ceux qui cherchent des signes.
Christine est une jeune femme handicapée par une sclérose en plaques qui l’immobilise dans un fauteuil roulant. Ayant déjà participé à un pèlerinage à Rome organisé par l’Ordre de Malte, elle rempile pour Lourdes. Elle n’est pas particulièrement croyante mais elle a vite compris que les pèlerinages et les associations religieuses étaient les seuls endroits où on s’occupait vraiment des handicapés. Elle arrive donc dans ce lieu particulièrement cher aux catholiques sans attente particulière, plutôt en touriste qu’en pèlerin.
Jessica Hausner, jeune réalisatrice autrichienne talentueuse, pose un regard très lucide sur le sanctuaire de Lourdes et ceux qu’on y croise. Le film a été tourné en accord avec les responsables du lieu. Il montre ce qu’on connaît de Lourdes, le recueillement des pèlerins devant la grotte, les longues processions cosmopolites, les messes en plein air, les magasins de souvenirs débordant de plastique, les prières les plus humbles, les handicapés à la piscine, les milliers de cierges. Tout ce qu’on connaît de Lourdes, on le retrouve magnifié par la caméra de Jessica Haussner qui rend bien l’émotion et le trouble de ce lieu unique.
Mais Lourdes est un vrai film et un film excellent parce qu’il met de la fiction dans cet univers archi-connu. Alternant les véritables scènes de foule et l’intimé d’un drame personnel, la réalisatrice montre la grandeur et la puissance de Dieu face à la mesquinerie des croyants. Car il y aura bien un signe de Dieu, un être touché par l’inexplicable. Mais face à cette grâce, tous ne réagissent pas de même façon. Si certains sont dans la joie sincère, d’autres sont dans l’interrogation, voire même la colère : “Pourquoi lui et pas moi ?”
Sylvie Testud interprète avec finesse la fragilité et l’innocence du personnage principal. N’ayant pas d’attente précise, elle reçoit naturellement tout ce que ce séjour lui offre. La distribution très internationale des autres acteurs, participe à rehausser l’ambiance cosmopolite de ce lieu particulier.
Tourné avec une grande maîtrise technique et un véritable élan artistique, Jessica Hausner n’a pas tourné un film religieux mais s’interroge avec finesse sur nos comportements humains. Ce faisant, elle nous met, nous les croyants, devant nos contradictions et nous rappelle de façon fulgurante tout le mystère et la complexité du miracle. Lourdes est avant tout l’histoire d’une libération que nous ne sommes pas tous à même d’accepter ! »
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