Un film québécois, porteur d’une recherche existentielle.
Le Québec a une histoire religieuse singulière. En cherchant à protéger leur identité par rapport à un environnement anglophone pendant une longue période de leur histoire, les québécois ont cherché dans l’Eglise catholique, direction et protection. Cette Eglise a prospéré en exerçant un rôle de plus en plus dominateur. Au début des années 60, au contact de la vie moderne, cette construction s’est effondrée comme un château de cartes, sans grandes querelles par ailleurs. Un état démocratique est apparu.
Ce mouvement radical s’est opéré dans ce qu’on a appelé « la Révolution tranquille ». Et puis, comme dans beaucoup d’autres pays occidentaux, en France notamment, la fréquentation de l’Eglise catholique s’est affaissée en fonction d’un déphasage par rapport aux réalités sociales et culturelles, pour autant qu’elle reste, dans certaines de ses composantes, un lieu de vie chrétienne qui cherche à se renouveler et innover. Au total, le paysage religieux a profondément changé. Les gens d’aujourd’hui sont appelés à rechercher le sens de leur vie dans une démarche d’ « autonomie croyante » comme la sociologue française, Danièle Hervieu-Léger, l’a montré dans son œuvre de recherche (1).
Cependant, en rapport avec un passé religieux prégnant qui laisse des traces, des québécois sont d’autant plus interpellés par rapport à ce qui, dans la vie d’une société postmoderne, leur apparaît comme un vide existentiel particulièrement prononcé. Cette recherche vient de s’exprimer dans le film de Guillaume Tremblay : « L’Heureux Naufrage. L’ère du vide dans une société postmoderne » (2). Sans vouloir revenir en arrière, ce film évoque le désarroi de nombreux québécois par rapport à une perte de référence. Le naufrage de l’Eglise catholique a été vécu, à l’époque, comme une libération, mais n’y a-t-il pas eu aussi une perte comme si on avait jeté le bébé avec l’eau du bain ? A travers des interviews, différents cheminements sont présentés, accompagnés par des réflexions et des interrogations. Le film suscite ainsi le questionnement. Certes, on peut se demander quelle est la représentativité de ce panel qui induit une certaine tonalité dans le discours. Cette question a été posée, mais, au total, ce film atteint son objectif : aider les gens à se poser des questions, à les formuler et à oser parler publiquement de leur recherche spirituelle. Ce film est le produit d’une initiative militante, celle d’un jeune cinéaste, Guillaume Tremblay, qui s’est engagé dans cette aventure en phase avec sa propre recherche existentielle (3). Il a réussi à réaliser un film de qualité qui a trouvé audience au Québec.
Dans ce film, l’auteur a interviewé également des personnalités françaises comme Frédéric Lenoir, André Comte Sponville, Jean-Claude Guillebeau, Eric Emmanuel Schmitt. Les questions posées dans ce film ont une portée générale. Très bientôt, ce film est présenté en Belgique et en France, le 5 mars 2015 à Bruxelles et le 6 mars 2015 à Paris. Ce sera une occasion de dialogue.
Jean Hassenforder
(1) Danièle Hervieu-Léger est l’auteur d’un livre qui est devenu un ouvrage de référence : « Le pèlerin et le converti ». Sur ce site : « L’autonomie croyante. Questions pour les églises » : https://temoins.com/jean-hassenforder-lautonomie-croyante-questions-pour-les-eglises/ Voir également une conférence récente de Danièle Hervieu-Léger à Lyon : « Le paradoxe de la scène religieuse occidentale » : https://temoins.com/le-paradoxe-de-la-scene-religieuse-occidentale-une-conference-de-daniele-hervieu-leger-le-5-fevrier-2014
(2) L’Heureux Naufrage. L’ère de vide dans une société postmoderne : bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=GFa-c–aLbY
(3) « Le Québec est-il en proie à un vide existentiel ? » Interview de Guillaume Tremblay : https://www.youtube.com/watch?v=0hFXU0KYV7M
(4) Toute l’information sur la venue du film en Europe sur un site dédié : « Heureux naufrage. Première Europe » : http://www.heureuxnaufrage.com/