Destinée initialement aux futurs prêtres, cette lettre est maintenant destinée par le pape François ‘à tous les agents pastoraux comme à n’importe quel chrétien’. Elle parle de l’importance de la lecture de romans et de poèmes dans le parcours de la maturation personnelle. Ce texte peut être considéré plus généralement comme un plaidoyer en faveur des ‘humanités’ et il rompt avec une longue suspicion du catholicisme envers une libre expression littéraire telle qu’elle se manifestait spectaculairement par les interdits de l’index. Cette lettre est donc importante, non seulement par la profondeur et la finesse de la réflexion de son auteur que par son expression d’un état d’esprit d’ouverture à la vie des hommes et des femmes. Nous rapportons les sous-titres souvent significatifs : Foi et culture ; jamais de Christ sans chair ; un grand bien ; écouter la voix de quelqu’un ; une sorte de gymnase du discernement ; attention et digestion ; voir à travers les yeux des autres ; la puissance spirituelle de la littérature.

Nous ajoutons quelques citations : « Le lecteur est beaucoup plus actif dans la lecture d’un livre. Il réécrit en quelque sorte l’œuvre, l’amplifie avec son imagination, crée un monde, utilise ses capacités, sa mémoire, ses rêves, sa propre histoire pleine de drames et de symboles. Et ce qui en ressort est une œuvre bien différente de celle que l’auteur voulait écrire. Une œuvre littéraire est donc toujours un texte vivant et fécond, capable de parler à nouveau de multiples façons et de produire une synthèse originale avec chaque lecteur qu’elle rencontre ». « Comment pouvons-nous atteindre le cœur des cultures anciennes et nouvelles si nous ignorons, rejetons et/ou réduisons au silence les symboles, messages, créations et écrits avec lesquels ils ont saisi, et voulu dévoiler et évoquer, leurs entreprises et idéaux, ainsi que leurs violences, leurs peurs et leurs passions les plus profondes ? Comment pouvons-nous parler aux cœurs des hommes si nous ignorons, reléguons et ne valorisons pas ‘ces mots’ avec lesquels ils ont voulu manifester et, pourquoi pas, révéler le drame de leur vie et de leurs sentiments à travers des romans et des poèmes ? ». « Le contact avec des styles littéraires et grammaticaux divers permettra toujours d’approfondir la polyphonie de la Révélation sans l’appauvrir ou la réduire à des conditions historiques ou à des structures mentales ». « Grace au discernement évangélique de la culture, il est possible de reconnaitre la présence de l’Esprit dans la réalité humaine diversifiée, c’est-à-dire de saisir la semence déjà enfouie de la présence de l’Esprit dans les évènements, dans les sensibilités, dans les désirs, dans les tensions profondes des cœurs et des contextes sociaux, culturels, et spirituels. Nous pouvons, par exemple, reconnaitre dans les Actes des Apôtres, lors de Paul à l’aéropage (cf. Act. 17, 16-34), une approche de ce genre… »). « Nous devons tous veiller à ne jamais perdre de vue la ‘chair’ de Jésus-Christ : cette chair faite de passions, d’émotions, de sentiments, de récits concrets, de mains qui touchent et guérissent, de regards qui libèrent et encouragent, d’hospitalité, de pardon, d’indignation, de courage, d’intrépidité : en un mot d’amour. Et c’est précisément à ce niveau qu’une fréquentation de la littérature peut rendre sensibles… à la pleine humanité du Seigneur Jésus dans laquelle se répand pleinement sa divinité et annoncer l’Évangile de manière à ce que tous, vraiment tous, puissent expérimenter combien est vrai ce que dit le Concile Vatican II : « En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné ». Ces quelques réflexions sont une invitation à la lecture.

https://www.vatican.va/content/francesco/fr/letters/2024/documents/20240717-lettera-ruolo-letteratura-formazione.html

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