Samedi saint 23 avril 2011, sur la Place Georges-Python, au cœur de la ville de Fribourg. Comme toutes les années où la date pascale est commune à tous les chrétiens, je prépare le feu pascal qui sera allumé en fin de journée. Dans une grande vasque d’acier, je dispose savamment les bûches et le petit bois, de manière que le feu prenne d’emblée.
D’un banc voisin, un homme, dans la quarantaine, m’observe, puis m’interpelle : « Pourquoi tu veux faire du feu ? » Je lui explique que dans la nuit de Pâques, le feu, porté par les cierges et les bougies, représentera la lumière du Christ ressuscité. « C’est pas dans la Bible ! » me dit Robert. (Je lui ai dit mon nom et demandé le sien : Robert vient du Congo.) Tout en dressant le bois, je lui fais quelques allusions bibliques : le feu et les bûches du sacrifice d’Abraham, le buisson ardent, la colonne de feu qui conduit les Hébreux, le baptême dans l’Esprit et le feu, « Je suis venu apporter le feu sur la terre »… Tout cela ne semble pas entamer sa conscience « évangélique », mais Robert, reste là et assiste à toute la célébration.
« Dans nos obscurités, allume le feu qui ne s’éteint jamais », chante l’assemblée formée de chrétiens de dénominations diverses. L’Evangile de Matthieu évoque l’attente des femmes devant le sépulcre. Attente vigilante à laquelle sont invités les participants. Et pour illuminer la nuit, tous sont conviés à « venir prendre la lumière à la Lumière sans déclin ». De là seront allumés dans les paroisses le feu nouveau et les bougies de la fête. Un prêtre évoque l’expérience qu’il a vécue, deux heures auparavant, dans un pénitencier où il a annoncé que le Christ est descendu aux enfers pour proclamer la libération à tous les prisonniers que nous sommes.
L’émotion de tous est grande : prêtres, pasteurs, laïcs, vieux et jeunes, parents et enfants venus en famille pour accueillir en ce début de soirée la Joyeuse Lumière du Christ et témoigner au cœur de la ville, sur une place publique, que leur attente est déjà foi en la Résurrection.
Et Robert ? Il a tout suivi attentivement. J’étais trop occupé pour voir s’il chantait avec nous. Mais à la fin, conquis, il est venu vers moi : « Noël, c’était beau ! C’était grand ! » Et je lui ai dit : « Pour toi, Robert, pour tes frères et sœurs du Congo, pour nous tous et toute la ville : Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! »
Comme les deux Portugais que j’avais cueillis plus tôt sur la place pour m’aider à installer la lourde vasque, et comme les deux autres, Portugais aussi, cueillis sur la même place, lundi matin, pour ranger la vasque, Robert est « indispensable » à notre joie pascale.
Noël Ruffieux