Jésus et Zachée : deux hommes que tout semble séparer aux yeux des juifs de cette époque : que peut-il y avoir de commun entre un homme qui met l’accent sur la pauvreté et un percepteur d’impôts, collaborateur des Romains, qui s’enrichit sur le dos de ses frères ? Ils vont pourtant se rencontrer, car ils ont un point commun : le désir d’aller au-delà des apparences.Ce qui va les amener tous les deux à découvrir l’autre dans sa vérité profonde : Jésus, un chercheur de lumière dans un pécheur infréquentable ; Zachée, le sauveur qu’il attendait depuis toujours dans un prédicateur célèbre qui traverse sa ville en allant vers Jérusalem.
Zachée est en effet un publicain, c’est-à-dire un collecteur d’impôts qui se sert au passage avant de remettre ce qu’il a perçu à l’occupant ; et, circonstance aggravante, c’est un chef, il est en position de responsabilité dans cette corporation ! Ce qui explique à la fois sa richesse et son impopularité.
Mais un homme, fût-il un « collabo », ne se réduit pas à ses actes, en dépit de ce que pensent les rabbins de l’époque, qui ne voient pas plus loin que le bout de leur religion ; malgré sa détestable profession, Zachée est en recherche, peut-être depuis longtemps, et donc en cheminement ; ce qu’il veut, c’est une authenticité qu’il ne trouve pas à la synagogue ; et le verset 2 («cherchait à voir qui était Jésus ») laisse à penser qu’il cherche en fait une personne, non une philosophie ; un maître à vivre plus qu’un maître à penser.
En montant sur son arbre, il fait un pas de foi que l’on peut comparer au cri que vient de pousser l’aveugle dans le passage précédent, quand Jésus approchait de Jéricho ; c’est en traversant cette même ville de Jéricho que Jésus, en levant les yeux, voit en Zachée l’homme perdu qu’il est venu sauver, et répond à son appel muet, mais pressant, par un appel en miroir, qui prend en compte l’urgence, une véritable injonction : ne reste pas ainsi en observation, hâte-toi de descendre ! (verset 5) ; et il ajoute dans ce même verset : « car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison » : ta maison, c’est-à-dire ton cœur ; le salut n’était pas proposé hier, ni ne le sera demain, il l’est aujourd’hui, c’est-à-dire maintenant, on retrouve l’idée de l’urgence.
Zachée ne résiste pas à un tel appel, il se hâte de descendre pour rejoindre cet homme, à qui il ouvre sa maison avec joie (verset 6) ; c’est un véritable coup de foudre spirituel, on est bien au-delà des convenances sociales qui commandent d’accorder l’hospitalité, surtout quand c’est une personne importante qui la demande ! Jésus est appelé par lui Seigneur (verset 8), et non pas seulement maître, titre que lui donnent les Pharisiens, car c’est lui qui a pris maintenant toute autorité sur sa vie.
Le salut est donc entré dans le cœur de Zachée (verset 9), un salut qui passe par Jésus, et par personne d’autre. Ce n’est pas par hérédité que Zachée l’a reçu, mais parce qu’il a répondu à l’appel et a été élu : c’est en ce sens que Jésus l’appelle « fils d’Abraham », car il est le père des croyants, qu’ils soient humainement issus ou non de lui.
Ce salut s’exprime naturellement par la générosité : il donne aux pauvres la moitié de ses biens, et rend même au quadruple à ceux à qui il a fait du tort, allant au-delà de ce qui est prescrit par la loi juive ! Blanchir son argent, c’est aussi se blanchir ; à la différence du jeune homme riche qui s’effraie devant le dépouillement demandé, Zachée redonne aussitôt après avoir reçu de Jésus : la donation des biens est un signe et un fruit de la conversion pour cet homme riche.
Cette libéralité ne peut donc être dissociée de la foi et de l’amour qu’il éprouve maintenant pour Jésus, ce n’est pas une œuvre caritative faite par devoir ; Zachée n’a pu aimer que par grâce, comme la femme pécheresse évoquée dans un autre passage de Luc (Luc 7, 36-50)…et comme nous (verset 10).
Alain Bourgade
Sur la base des notes prises par Gisèle McAfee.
Partage biblique du 3 mars 2012