Confessionnalité / Post-confessionnalité
S’il existe de nombreuses Eglises émergentes dans les différentes confessions chrétiennes, un certain nombre d’Eglises émergentes se disent post-confessionnelles, et ne sont reliées à aucune structure d’Eglise instituée liée à une dénomination chrétienne. Ce n’est d’ailleurs pas seulement ce lien organisationnel qui n’existe pas, mais il peut y avoir chez certains une conception tout à fait réfléchie de volontairement s’annoncer comme étant post-confessionnels. Par ailleurs, certaines Eglises émergentes ayant eu leur origine à l’intérieur d’une confession ont, du fait de leurs parcours, soit désiré s’en détacher, soit les instances confessionnelles l’ont souhaité. Si ces dernières situations sont assez rares, cette question globale de se présenter comme anglican, luthérien, baptiste, adventiste, catholique, etc., ou au contraire de volontairement refuser toute étiquette, révèle cette tension qui existe entre confessionnalité et post-confessionnalité. On pourrait d’ailleurs même aller plus loin et distinguer dans le champ qui s’oppose à la confessionnalité ceux qui sont post-confessionnels et ceux qui sont a-confessionnels. Les a-confessionnels seraient ceux qui refusent l’idée d’être marqués confessionnellement, se contentant de se référer au Symbole des Apôtres, par exemple. Ils n’ont pas d’hostilité de principe vis-à-vis des confessions. Ces Eglises sont pour la majorité des Eglises congrégationalistes, cherchant simplement à éliminer la barrière que peut représenter l’étiquette dénominationnelle pour mieux accueillir ceux qui aujourd’hui peuvent être freinés par l’idée d’une Eglise instituée. Les post-confessionnels seraient par contre ceux qui, par principe, réfuteraient toute idée d’avoir ne serait-ce qu’une affirmation doctrinale. Il faut bien dire que rares sont les Eglises émergentes qui vont jusque là, et s’il y a quelques épiphénomènes qui vont dans ce sens, la majorité a une vision plus modérée. Il n’empêche que la question est posée de la pertinence d’avoir une étiquette confessionelle[17].
Il est vrai que la culture postmoderne ou postchrétienne regarde d’un œil mitigé ce qui est associé à l’idée d’Eglises instituées et, en ce sens, il peut être tentant de vouloir se présenter comme a-confessionnel ou post-confessionnel. D’un autre côté, toute communauté ecclésiale, aussi centrée sur Jésus soit-elle, est bien obligée à un moment donné de se positionner, de répondre à des questions de foi, de baser des pratiques ecclésiales, et donc de défendre des convictions que l’on pourrait qualifier de doctrinales. Le type d’interprétation biblique qui sera mis en œuvre pour ce faire sera, quel qu’il soit, déjà aussi l’affirmation d’une approche. Le plus souvent, même les Eglises non confessionnelles pourraient en fait être situées dans le spectre des positionnements doctrinaux. Cette tension met donc en évidence d’un côté un désir compréhensible et en même temps une réalité qui en a parfois plus le nom que la réalité.
D’une certaine manière, cela rejoint le désir de Luther au moment de la Réforme de ne pas créer une nouvelle dénomination. La majorité des émergents aujourd’hui sont clairement dans cette lignée. Soit les Eglises implantées sont partie liée à une Eglise donnée et cela ne leur pose pas de problème, soit elles se positionnent en dehors des confessions reconnues et se satisfont de cette situation. Aucun réseau ou aucune association ne souhaitent créer ce qui pourrait s’apparenter à une dénomination appelée par exemple « émergente ». En même temps, comme le fait remarquer Steve Griffiths, il n’y a qu’un temps avant que les nouvelles idées s’institutionnalisent[18]. Après avoir comparé le mouvement de l’Eglise émergente avec la Réforme protestante du XVIe siècle et montré combien les deux mouvements partagent des valeurs communes, Steve Griffiths s’interroge pour savoir si le courant de l’Eglise émergente est un nouveau Protestantisme. Or il affirme : « Nous ne suggérons pas que l’Eglise émergente soit un idéal protestant ? encore moins exclusivement luthérien ? dans la compréhension traditionnelle du mot protestant. Nous suivons plutôt l’idée de McLaren qui évoque le mot protestant comme signifiant : pro-testifiant » [19]. A n’en pas douter, il y a une part de protestation au sein des Eglises émergentes, mais en effet, on peut légitimement décrire la majorité de ses acteurs comme préférant construire plutôt que s’opposer, affirmer plutôt que dénigrer, défendre des idées et les mettre en œuvre plutôt que vouloir changer celles des autres.