Ce petit livre original se déguste. Gabriel Ringlet (1) revisite l’Evangile au travers de 64 petites méditations d’un genre tout à fait particulier. Partant d’un fait divers, d’une rencontre, il éclaire un passage biblique, en l’incarnant dans l’actualité de la vie, avec un style poétique, « bondissant », et un rien provocateur. Eloge de la fragilité, mais aussi éloge de la promesse, de la séduction, de la pénurie, de la démesure, du profit, de la blessure, de la traversée : une autre façon de voir Dieu, qui nous prend souvent à « contre pied ».
Existe-t-il de bonnes tentations ? Oui, à en croire Gabriel Ringlet, si elles nous amènent à prendre le risque de grandir en affrontant notre fragilité ; une fragilité qui serait aussi celle de Dieu, quelque part ? A chacun de répondre à l’issue de cette lecture.
Je n’avais jamais entendu parler de la tentation comme ceci : la « chance d’être tenté » (p65) : « quelle chance d’être tenté par le silence, l’aventure, l’accueil, le pardon. De s’interroger, d’hésiter, de douter et de naître à travers ces tentations-là, et de grandir, et de devenir plus tendre, plus fragile. Plus homme, finalement».
Ni d’ailleurs, à propos de la parabole des talents (Mat 25.27), d’un tel parallèle entre les finances et la Parole de Dieu : « Dieu veut qu’on risque sa Parole comme un financier audacieux risque son capital. Avec l’immense différence que ce pardon multiplié, cet amour qui rapporte gros sont vraiment à la portée de toutes les bourses.» (p160).
Réflexions sur la noirceur et la lumière, sur la mort et la Vie, sur l’amour, l’espérance et la grâce, qui nous interpellent à chaque page, nous montrant la proximité de Jésus à la fragilité humaine. « Face au massacre des Galiléens (Luc 13.2), devant la catastrophe de l’Airbus, le tremblement de terre au Japon, l’écroulement de la tour de Siloé (Luc 13.5), la torture d’un vieillard qui cachait ses économies… Jésus ne sait pas. Il ne s’explique pas. Comme nous il est désarmé, interdit, lui qui, un jour, se retrouvera tout entier du côté de l’absurdité, de la souffrance injuste, du malheur innocent » (p171).
Car si le titre de l’ouvrage est en effet « l’éloge de la fragilité », c’est qu’elle traverse l’ensemble de l’ouvrage. Fragilité de l’homme, fragilité de Dieu.
Et c’est souvent par la poésie ou par l’humour, que l’auteur nous entraîne dans une profondeur nouvelle.
Par exemple, le commentaire de la parabole des vierges folles et des vierges sages (Mat 25 1-14) débute ainsi : « Tête en l’air, les filles ! … D’ailleurs, tout cela, c’est la faute à l’époux. Ou peut-être à sa belle-mère… » ; pour nous conduire à « peut-être finalement, les jeunes filles tête en l’air auraient-elles dû rester à la fête au lieu de partir chez les marchands. Avec leur petite flamme, avec leur petite joie. Avec la mèche qui fumait encore… Dieu nous accueille aussi avec nos manques ». (p95-98).
Un livre donc à déguster sans modération.
Marie-Thérèse Plaine
(1) Gabriel Ringlet est prêtre, poète, théologien, et a été professeur de journalisme et d’ethnologie de la presse à l’Université catholique de Louvain dont il est vice-recteur. Il est chroniqueur dans La Croix, et l’auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels « l’Evangile d’un libre penseur », « Ma part de gravité », prix des Ecrivains croyants en 2002, et « Ceci est ton corps – journal d’un dénuement » en 2008, publiés chez Albin Michel. Sa vocation, il la décrit comme « intimement liée à l’écriture, à travers, surtout, la rencontre entre l’actualité, l’Evangile et l’Imaginaire ». Il est aujourd’hui engagé dans l’accompagnement en fin de vie.
Pour aller plus loin dans la découverte de Gabriel Ringlet, ** Voir son site **