Après avoir été responsable de « Jeunesse en Mission » en France, puis dans l’ensemble de la francophonie, Daniel Schaerer, avec son épouse Maguy, est engagé dans le développement et l’animation de groupes de partage dans le Tricastin. Ces groupes prennent la forme de cellules de vie qui se réunissent dans les maisons. À partir de cette expérience, qui remonte maintenant à plus d’une dizaine d’années, Daniel vient de publier un livre intitulé : « L’Eglise en toute simplicité » (1).
Fondés sur un vécu et sur une réflexion théologique enracinée dans le Nouveau Testament, des chapitres, d’une écriture accessible et dynamique, nous ouvrent les voies d’une nouvelle manière de faire Eglise. Qu’on en juge ! « I Une Eglise relationnelle, accessible, simple, conviviale. II Une Eglise organique. III Une Eglise féconde IV Une Eglise en fête. V Une Eglise horizontale. VI Une Eglise incarnée. VII Une Eglise missionnaire…
Daniel Schaerer répond ici à nos questions concernant son expérience et présente ce livre qui en est le fruit.
1) Daniel, peux-tu nous parler de ton parcours antérieur dans tes responsabilités à Jeunesse en Mission et dans l’Eglise ? Professeur, j’étais très sensible au désarroi de la jeunesse. Nous avions un club biblique au Lycée et un groupe de jeunes à l’extérieur. J’organisais des camps pour ces jeunes et beaucoup découvraient l’amour de Dieu mais leur expérience était souvent superficielle. Je compris qu’il fallait leur donner des bases spirituelles solides, d’où mon engagement à Jeunesse en Mission et, un peu plus tard, la naissance d’un premier centre de formation dans la Marne. C’est dans ce cadre que je découvris de nombreuses réalités d’églises de toutes confessions en France et dans l’ensemble de la francophonie. Ce parcours m’ouvrit les yeux sur la diversité et la richesse du peuple de Dieu mais aussi sur ses fragilités et ses limites.
Au cours d’un voyage en Inde au début des années 90, nous avons compris l’importance des petits groupes dans l’Eglise. Quelques temps plus tard, nous avons décidé d’ouvrir notre maison une fois par semaine à des personnes intéressées par la foi. Nous avons découvert que beaucoup de gens, qui ne mettent jamais les pieds dans une église, sont pourtant prêts à parler de Dieu et même à prier. Ce premier groupe essaima et bientôt de nouveaux groupes se développèrent dans notre région.
3) Autour de l’année 2000, tu publies une brochure : « Pour que vivent les groupes de maison ». Nous en avons rendu compte dans un article publié dans le magazine Témoins (décembre 2001) et reproduit sur ce site. Quel message as-tu voulu communiquer à l’époque ?
Nous étions enthousiasmés par les résultats de notre expérience. Nous découvrions l’Eglise dans les maisons, dynamique relationnelle et conviviale, espace de communication et de vie. Il nous semblait que c’était une clef pour les communautés chrétiennes qui ont souvent du mal à établir un dialogue avec nos contemporains. Au départ, j’avais écrit cette brochure pour un usage interne mais elle a commencé à se répandre ce qui nous a amenés à la publier.
4) Aujourd’hui, tu publies ce livre : « L’Eglise en toute simplicité ». Dans les années écoulées, quels sont les évènements nouveaux qui t’ont amené à écrire cette publication ?
Malheureusement, nous avons été obligés de constater que beaucoup de communautés chrétiennes, malgré leur désir d’intégrer la dynamique des cellules dans leur « programme » n’y parvenaient pas. Cela nous conduisit à une réflexion sur l’Eglise. Pourquoi les chrétiens ont-ils si peu d’impact sur la société actuelle ? L’Eglise n’est-elle pas appelée à être une dynamique de vie dans un monde qui a perdu l’espérance, une dynamique relationnelle dans une société où l’on peut mourir de solitude ?
Ce livre se penche sur les relations des chrétiens entre eux et avec le monde extérieur. Il essaie de montrer que l’Eglise est beaucoup plus qu’un ensemble de dogmes ou de pratiques religieuses, qu’elle est premièrement une communauté de gens transformés par la découverte de l’amour de Dieu, expérience qui transforme aussi leurs relations. On sait que les premiers chrétiens partageaient leurs biens et prenaient leurs repas en commun dans la joie et la simplicité, qu’ils n’étaient qu’un cœur et qu’une âme. Leur impact sur le monde de l’époque fut considérable. Pour être fidèle à ses origines et crédible aujourd’hui l’Eglise de Jésus-Christ doit retrouver son premier amour et les relations simples et authentiques qui en découlent.
5) Plus généralement, en quoi ta pensée a-t-elle évolué au cours de ces dix dernières années ?
Au départ, nous pensions pouvoir généraliser cette dynamique des petits groupes dans notre pays, croyant qu’elle était facile à mettre en place, puisqu’elle s’était répandue si vite ailleurs. Nous avons découvert qu’il n’en était rien. En effet, les pratiques religieuses sont tellement ancrées qu’on hésite à les remettre en question, même si elle ne sont plus adaptées à notre époque. L’Eglise hésite à avancer, à innover, à modifier certaines façons de vivre ou d’exprimer la foi. Est-ce la peur d’être infidèle, la peur de l’innovation ? Nous ne pouvons pourtant pas rester figés alors que le monde évolue, prendre le risque de « manquer le train » et d’être en décalage total par rapport à nos contemporains.
Il fallait donc aller plus loin, proposer un véritable changement de mentalité. Prenons l’exemple des responsabilités dans l’Eglise. L’époque où elles étaient réservées au clergé est aujourd’hui révolue. De toute façon, ses membres ne sont plus assez nombreux pour assumer la tâche. Tous les chrétiens sont donc appelés à relever leurs manches, ce qui est d’ailleurs tout à fait conforme au plan de Dieu. La Bible ne dit-elle pas que l’Eglise est un corps dont le moindre organe a son importance ?
Un autre exemple est celui de notre communication avec les gens de notre époque. Le christianisme est appelé à « se faire tout à tous » c’est-à-dire à aller vers le monde, apprendre son « langage » sans pour autant trahir ses fondements.
Il faut donc une véritable mutation, un changement en profondeur. Je dis dans mon livre qu’«un simple toilettage des formes ou des modes de fonctionnement ne suffit pas ». Il peut y avoir une utilité à réformer la musique de nos cultes, mais il faut avant tout que l’Eglise redevienne un espace de vie, un lieu où nos contemporains trouvent des relations vraies, des amitiés solides, encore plus qu’au bistrot ou dans les gradins du stade. Car ils ne sont pas forcément opposés à la foi, il s’en faut, mais ils ne trouvent souvent pas les réponses qu’ils cherchent dans les églises. Alors, ils les cherchent ailleurs !
6) A la lecture du titre de tes chapitres, on perçoit des convergences avec la réflexion des pionniers de l’Eglise émergente telle que Témoins essaie de la faire connaître en France. Ressens-tu également ces convergences ?
Bien sûr ! Depuis longtemps, par exemple, des gens essaient de dire à l’Eglise : « Lève-toi, sors de tes murs et va à la rencontre de ceux qui ne connaissent pas le Seigneur ! » Ces gens créent des passerelles, ils inventent des sentiers nouveaux pour rejoindre la société de notre temps. Ce sont les « prophètes d’aujourd’hui ». Témoins essaie de nous les faire connaître. Ils cherchent à « vivre l’Eglise autrement », non pour la remettre au goût du jour, pour la « relooker » comme on dit, mais avant tout pour qu’elle garde son amour, sa pertinence et son impact sur les gens de son époque.
7) La dynamique des groupes de maison, telle qu’elle se manifeste dans de nombreux pays, est porteuse de vie. Cependant, à côté des aspects positifs, perçois-tu également des limites et des questions ?
L’idée des petits groupes n’est pas récente. Les réveils chrétiens ont souvent été accompagnés de la résurgence des groupes de maison. Il me semble que le principe en vient de Dieu lui-même, car c’est lui qui a créé la famille, le premier « groupe de maison » pour que l’homme ne soit pas « perdu dans la masse ». Jésus a lui-même vécu avec une poignée de disciples afin d’assurer des relations très étroites avec chacun. Il aurait pu fonder une paroisse de cent mille membres ou plus. Il me semble donc que la pratique des petits groupes est indissociable de la vie de l’Eglise. Certes, elle comporte des risques de dérives sectaires ou d’erreurs doctrinales. Elle peut engendrer des abus d’autorité. Mais ces risques sont également présents dans l’Eglise de type paroissial ; ils sont d’ailleurs inhérents à la condition humaine. Pour les éviter, il est préférable que les petits groupes ne soient pas isolés mais qu’ils fonctionnent en réseau sur le plan local et même régional et soient encadrés par des équipes de leaders – et non un leader seul- comme cela s’est vu trop souvent. C’est ainsi que fonctionnait la première communauté chrétienne à Jérusalem.
8) À partir de ton expérience et de tes rencontres, comment envisages-tu le développement de cette nouvelle manière de faire Eglise, en France, au cours des dix prochaines années ?
Si j’ai écrit l’Eglise en Toute Simplicité c’est avec l’espoir que beaucoup de chrétiens s’interrogeront sur leur façon de vivre leur foi, se demanderont si elle est pour eux une pratique strictement privée ou si, au contraire, elle sous-tend leur vie quotidienne et les mobilise pour un témoignage en actes et en paroles. J’espère que des communautés chrétiennes, des églises entières oseront réfléchir sur leur pratique de la foi, leurs célébrations, leur témoignage. Si cette réflexion a lieu, elle poussera, entre autres, de nombreux chrétiens à ouvrir des espaces de partage et de vie, chez eux ou sur leur lieu de travail. Les groupes qui en naîtront auront des formes et des expressions très variées. L’essentiel, c’est que l’Eglise sorte de ses murs et rejoigne les hommes de notre temps.
9) Depuis une dizaine d’années, Témoins est engagé dans une recherche sur la pertinence des pratiques d’église et, en regard, sur le développement des innovations, particulièrement la montée de l’Eglise émergente. Qu’attends-tu de cette recherche et de ce travail de sensibilisation et d’information ?
Ensemble, nous devrions pouvoir avoir un impact plus fort sur la communauté des croyants. Le travail en équipe est très riche. La force de Témoins est sa capacité de réunir des gens de différents milieux et de différentes sensibilités, de permettre des « croisements » d’idées novatrices pour arriver à un ensemble beaucoup plus riche et un impact plus grand.
10) Dans ton œuvre pour le développement de l’Eglise dans les maisons, peux-tu nous raconter quelques expériences vécues qui ont été marquantes pour toi et que tu estimes particulièrement significatives ?
En voici une : au départ, je ne pensais pas que des enfants seraient capables d’animer des groupes de maisons. Nous l’avons pourtant vérifié à bien des reprises ! Les jeunes animateurs ont généralement une ou deux années de plus que les enfants qu’ils dirigent. Une petite fille a lancé sa première cellule à neuf ans.
J’aimerais, pour finir, raconter une histoire récente qui m’a beaucoup frappé car elle souligne un point que je n’ai pas relevé jusqu’ici : le fait que Dieu veut rendre à son peuple les signes et les prodiges qu’il lui a promis afin de libérer une humanité qui souffre.
Après avoir été transformée par l’amour de Dieu dans l’un de nos groupes, une femme de soixante ans environ décida de partir comme missionnaire à Madagascar. Elle se mit naturellement à parler de l’importance des petits groupes aux serviteurs de Dieu qu’elle rencontrait. Un homme et une femme décidèrent de lancer une cellule de maison dans un village reculé. A la première réunion, il n‘y avait qu’une personne : c’était la « folle du village ». Le couple, déçu, se mit à prier. Dieu leur rappela qu’il leur avait donné de l’autorité par la prière. Cette femme fut totalement libérée ! La semaine suivante tout le « village » était présent au rendez-vous !
Pour se procurer le livre « L’Eglise en toute simplicité » :
– Librairies de la Croisade du Livre Chrétien (CLC)
– Site de la CLC : www.clcfrance.com
– Daniel Shaerer, impasse Saint Vincent, 26130 SAINT PAUL TROIS CHATEAUX (Prix 12€ + frais de port 2,18€)