Conclusion : Eglise[s] émergente[s] au singulier ou au pluriel
Je conclus cet état des lieux avec un clin d’œil sur la grammaire de l’Eglise. Comme dans toute grammaire, il y a des règles immuables, il y a des conjugaisons, il y a des exceptions, il y a recherche d’une harmonie entre sujet, verbe et complément, etc. Si nous sommes sujets de l’Eglise, le Christ en est le verbe ! Mais la phrase ne serait pas complète si elle n’avait pour complément d’objet l’étendue du royaume dans ce monde qu’est le nôtre ! Qu’elle soit émergente ou pas, une règle immuable de l’Eglise est que c’est Christ qui la définit : il en est la tête, le fondement, le lien vivant. Cela n’empêche pas l’Eglise d’être conjuguée différemment en fonction des temps : il est donc légitime que l’Eglise du passé diffère de l’Eglise d’aujourd’hui, mais aussi de celle de demain. La racine est la même, mais les terminaisons varient, et tant mieux ! Enfin, faut-il savoir s’il convient de conjuguer Eglise[s] émergente[s] au singulier ou au pluriel ?
Parler d’Eglises émergentes au pluriel permet de décrire la diversité des expériences ecclésiales innovantes en respectant leurs différences. Parce que les Eglises émergentes se créent et se développent sous des formes différentes, dans des contextes géographiques et culturels différents, dans le cadre ou hors du cadre de différentes dénominations et sensibilités chrétiennes, le pluriel permet précisément de mettre en avant la pluralité des Eglises émergentes. A l’inverse, parler de l’Eglise émergente au singulier tend à mettre en avant les liens et les caractéristiques communes qui existent entre les différentes communautés émergentes. Il y aurait donc l’Eglise émergente, se déclinant en une multiplicité de communautés ecclésiales. Choisir le singulier, c’est mettre en avant que l’Eglise est une, que quelles que soient ses formes et les structures que les différents groupes ecclésiaux peuvent se donner, l’Eglise est d’abord l’Eglise du Christ, une et indivisible. En regardant une bibliographie sur le sujet, on se rend compte que l’utilisation du pluriel et du singulier cohabitent, et que si elle est parfois et pour certains porteuse de sens, il est difficile de discerner un vrai clivage. Cette ambigüité peut être vue comme une richesse porteuse de sens pourvu d’en être conscient. Je ne veux donc pas trancher, car finalement je crois que les Eglises émergentes [au pluriel] sont comme des aiguillons avant-gardistes de l’émergence de l’Eglise [au singulier] dans ce monde nouveau qu’est le nôtre ! »
Gabriel Monet