« Le lieu le plus sûr pour un bateau est le port. Mais il n’a pas été fait pour cela ». Appliqué à l’Eglise on pourrait traduire cette maxime en disant qu’il est urgent de ne rien faire, car c’est plus sécurisant ; pourtant l’Eglise a vocation à être un corps vivant, un mouvement de disciples en marche. D’où la nécessité de faire émerger un Eglise fidèle, tant à Christ et aux Ecritures, qu’à son lieu et son temps. Le Christ lui-même encourage à la nouveauté quand il affirme : « On ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres » [1]; il était donc prévu que pour accueillir le vin nouveau, de nouvelles outres soient utilisées. En d’autres termes, pour Jésus il est normal qu’il y ait renouvellement tant du contenu que tu contenant. Appliqué à l’Eglise, il est positif et important que de nouveaux croyants se joignent à une communauté ecclésiale, mais tout aussi cohérent que la manière de vivre l’Eglise évolue et se renouvelle. Par ailleurs, Jésus ne veut pas des outres neuves pour la seule convenance de la nouveauté. C’est vraiment pour atteindre des objectifs précis que Jésus envisage cette nouveauté. Enfin, ce qui est intéressant dans l’approche de Jésus c’est que la nouveauté ne se fait pas au détriment de ce qui est ancien. Il est bien que les vieilles outres soient là pour le vieux vin, comme il est normal qu’il y en ait des neuves pour le vin nouveau. Il n’y a donc pas de condamnation ni de jugement à propos de ce qui est existant, qui est légitime et à continuer. Ce sont là quelques éléments importants à garder à l’esprit alors que nous voulons envisager les modalités de mise en œuvre de l’Eglise émergente. GMMM
Mais que veut dire « mettre en œuvre » l’Eglise émergente ? Peut-on décréter cela ? Et qu’attend-on exactement ? L’Eglise émergente étant une notion finalement assez mouvante, aux frontières flexibles, et avec une telle variété que cette seule question peut faire débat. Pour les uns, il s’agira de faire exister de nouvelles formes d’Eglises à l’intérieur d’un mouvement confessionnel. Pour d’autres, il s’agira de créer de nouvelles communautés ecclésiales en dehors de toute dénomination. Pour certains, l’objectif sera de faire évoluer voire de faire changer radicalement des églises existantes. Pour d’autres encore, l’intention sera moins opérationnelle mais plus centrée sur l’importance de développer une conversation émergente, ou de faire exister un réseau entre ceux qui sont déjà engagés. C’est en gardant à l’esprit l’ensemble de ces potentialités et sans forcément trancher, que je veux réfléchir aux enjeux d’une mise en œuvre en lien avec l’Eglise émergente. Je le ferai en trois temps, d’abord en m’arrêtant sur une étude de cas, en l’occurrence le mouvement émergent Fresh expression de l’Eglise en Grande Bretagne, en évoquant notamment la notion d’économie mixte qui en est issue. J’interrogerai ensuite la situation française ; avant de proposer quelques thèses pour le développement de l’Eglise émergente.