Dans quel contexte est né cette idée ?
L’idée de ce projet humanitaire est née d’un héritage qui a été redécouvert en 2003. L’histoire est assez amusante car il s’agit d’un terrain acheté par un ancêtre fils de pirate, qui s’était déclaré «naufragé » sur cette île afin de se refaire une vie.
Quand les héritiés ont reçu ce terrain, ils ont eu à cœur de le mettre à disposition (Madagascar est un des pays les plus pauvres du monde : 153e pays sur 177 au classement de l’indice de développement humain) pour qu’il soit utilisé pour le développement de l’île. Aujourd’hui, nous avons donc à disposition pour ce projet, et gratuitement, ce terrain magnifique de 30000m2 s’ouvrant sur la lagune magnifique qui entoure Sainte-Marie. ** Voir carte de l’île ** ** Voir position de l’île **
Comment est-elle mise en œuvre ?
Le projet de l’écolodge d’Andzaha est le fruit d’une réflexion minutieuse sur la manière d’aider de façon intelligente et durable. Les personnes à l’origine du projet, Gérard et Martine Hoareau, on sût s’entourer dans leur réflexion d’un bon nombre d’experts aux qualifications complémentaires (eco-construction, tourisme durable, évaluation des besoins sanitaires…), ce qui a eu pour effet de produire une réflexion très actuelle et novatrice en terme d’engagement humanitaire.
L’éco-tourisme…
Le projet veut promouvoir et s’inscrire dans les valeurs de l’éco-tourisme, actuellement en pleine expansion. L’éco-tourisme, c’est proposer une offre touristique qui a un impact positif sur la planète. Certains proposent des séjours dont les bénéfices servent à préserver la nature ou mettre en valeur des patrimoines, nous, nous invitons les personnes dans la vie d’un écolodge à vocation humanitaire.
Qu’est-ce qu’un écolodge ? C’est un hôtel parfaitement intégré dans son contexte naturel. La structure que nous souhaitons mettre en place mettra en œuvre les dernières technologies en matière de ventilation naturelle (pas besoin de climatisateur), de résistance aux cyclones, de gestion intelligente des déchets, traitement des eaux usées et d’énergie photovoltaïque. Nous avons mandaté des études précises auprès du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) ** Voir le site ** et des Laboratoires Gustave Effel ** Voir le site **. Nous accueillerons donc des touristes dans cet ensemble de bungalows intégrés au lagon, qui viendront « bronzer intelligent », car les bénéfices serviront au financement du fonctionnement de la clinique. Nous élargissons en quelque sorte la définition nommément admise de l’écolodge, en affirmant par notre action que le « respect de l’environnement » ne concerne pas seulement la nature, mais également les hommes et les cultures.
Une structure innovante…
Nous connaissons tous aujourd’hui les dérives de l’argent humanitaire, lorsqu’il est mal utilisé, lorsqu’il est mal contrôlé. Nous avons donc voulu entreprendre une réflexion de fond sur les structures et penser en amont le financement de celles-ci. Cela nous a amené à monter, avec l’aide d’un avocat d’affaires une structure associant une entreprise et une association en interdépendance.
D’une part, l’écolodge sera géré par une société de droit privé (SAS), ce qui nous permet de défendre le concept novateur de l’investissement humanitaire. Le capital de cette entreprise est ouvert régulièrement, et les personnes intéressées par un investissement intelligent souscrivent des actions. A partir de ce moment, ils deviennent, et à long terme, partenaire privilégié et acteur (ils ont droit de vote à l’assemblée générale) du projet humanitaire. D’un autre côté, la clinique sera gérée par une association loi 1901. Qui reçoit les dons et assure une gestion transparente. Les flux entre les deux structures sont validés par un commissaire au comptes.
Quel est l’état actuel du projet ? Quelles sont les prochaines étapes envisagées ?
Aujourd’hui nous sommes entrain de finaliser les plans d’architecture et les premiers coups de pioche sur le terrain doivent avoir lieu dans les mois qui viennent. C’est un énorme travail qui a déjà été accomplit depuis 4 ans, de lobbying auprès des autorités, d’analyse des risques, d’analyses sanitaire…
Nous avons aujourd’hui entre les mains un rapport complet de l’état sanitaire de l’île suite à une enquête et analyse effectuée sur l’île cet été par un médecin chercheur. Nous savons donc exactement quelle clinique mettre en place et comment l’insérer dans le tissu médical de l’île.
Le travail qui reste à faire est encore grand mais nous formulons le souhait de voir ouvrir la clinique en 2011.
En quoi réside l’originalité de ce projet dans le contexte de la nouvelle économie et du développement durable ?
Le développement durable est une notion qui a envahi l’espace médiatique depuis quelques temps et qui est une réponse aux limites qu’ont atteint nos modèles de production. Le développement durable, c’est mettre au centre de toute forme d’action notion de qualité, et penser cette notion de manière globale.
Notre action doit avoir des effets positifs sur tous les plans : sanitaire, économique, et surtout humain. Cela signifie que l’action sanitaire (l’offre de services d’une clinique) ne peut se faire sans une compétence structurelle et culturelle éprouvée (connaissance précise du tissu médical déjà en place pour s’y insérer intelligemment, connaissance de la culture locale afin de ne pas agir de manière décalée) ; de même pour la question économique (proposer des salaires adaptés, favoriser le commerce équitable en s’insérant intelligemment dans le tissu économique en place) : nous sommes là pour participer à l’évolution du pays, en épousant et motivant ses possibilités naturelles de développement, non imposer un modèle décalé…
Au-delà de la méthodologie d’action, nous voulons proposer un modèle sain, qui n’entretienne pas l’assistanat, c’est pour cela que nous investissons dans une structure dont le but est l’autofinancement via l’hôtel. Si l’on veut théoriser un peu cela, nous pourrions dire que nous voulons garder la structure de l’entreprise capitaliste, son efficacité, ses outils, mais en effectuant une translation de son but ultime, du profit financier vers le profit humain. En ce sens, ce modèle ne se limite pas aux pays du tiers monde, mais nous espérons bien qu’il puisse être partagé en pays dit « développés ».
Comment ce modèle pourrait-il faire exemple ?
Cette manière de faire de l’humanitaire, et précisément la mise en place de structures médicales autofinancées par le tourisme peut-être reproduite dans n’importe quel pays d’Afrique bénéficiant d’un potentiel touristique.
Il nous faut prouver que cela fonctionne à Sainte-Marie, et alors le modèle pourra se défendre, et nous espérons également pouvoir transmettre la « compétence » acquise afin que tout ce que nous aurons appris puisse servir à d’autres.
Quelle est la signification spirituelle de votre engagement ?
Andzaha n’est pas un projet confessionnel, même si un bon nombre de personnes au cœur du projet sont animés par une foi chrétienne engagée. Ce qui nous rassemble autour de ce projet est que nous sommes tous animés par des valeurs communes : nous croyons que nous avons le devoir d’agir, et d’agir de manière intelligente. Nous sommes également animés par un espoir commun : celui de penser que Madagascar peut avancer vers un horizon économique et sanitaire plus viable. L’espoir donc, mais aussi la fraternité, celle des relations à tisser ou re-tisser (les expatriés malgaches qui participent au projet) avec ce pays.
Voici donc ce qui nous anime : la foi, l’espoir, et la fraternité. Chacun peut accrocher cela à son identité spirituelle spécifique, mais le projet en lui-même ne défend pas plus que ce qu’il est : sortir de sa zone de confort et avancer intelligemment vers l’autre.
Thimothée Huck