Mais qu’en est-il du repos quotidien ? Comment respirer dans le flot ininterrompu des possibles, offerts à notre discernement, à notre époque ? Le rythme des saisons, qui permettait à l’homme de faire une pause hivernale, de dormir les longues nuits de son rythme biologique, a été remplacé par les lumières, la télévision à toute heure, Internet non stop. Le silence épais des jours d’hiver a été empli de bruit, dans les villes, mais aussi dans les maisons. Comment ne pas s’épuiser dans les sollicitations multiples, dont les enfants sont les premières cibles ? Que voulons-nous combler en eux de nos propres vides, de notre incapacité à nous tenir en silence, dans la pénombre, de notre peur de nous laisser rêver ? Comment laisser de l’air dans notre emploi du temps, comment laisser du temps dans notre souffle ?
Les ordres monastiques ont introduit l’obligation de la prière à heure fixe. Nos frères et soeurs musulmans doivent se plier à la règle des cinq prières quotidiennes. Les chrétiens, hors des ordres, ont la liberté, chaque jour d’organiser leur vie spirituelle comme ils l’entendent : prier, lire la Bible, méditer, seul ou en groupe. Chère et difficile liberté ! Dont le revers est que nous sommes livrés à notre propre discipline, et que nos manques d’envie et états d’âme viennent bien souvent troubler nos résolutions ; ou que l’action devient le prétexte à ajourner encore et encore le moment de retrouvailles, avec soi-même, avec Dieu.
Mais si le temps de repos, de méditation, de prières, l’heure chaque jour, le jour par semaine, les quelques semaines chaque année, étaient des rythmes dont nous avons besoin, mais qui témoignent aussi de notre difficulté à nous tenir à tout moment dans une action dont la source abondante et inextinguible serait la Parole et non nos bavardages inquiets, le plus souvent avec nous-mêmes ; dans une action placée sous le regard de Dieu, et non soumise au jugement dont le plus impitoyable est sans doute le nôtre. Si le sabbat pouvait habiter à tout moment jusqu’au plus profond de nos cellules, de notre être, un sabbat du coeur ? C’est ce que je voudrais explorer cette année, cheminant avec vous.
La Règle de Reuilly, parole humaine, appel divin.
Le contraire de la contemplation
Ce n’est pas l’action mais le souci
Qui étouffe la Parole et appesantit l’intelligence.
La contemplation est un sabbat du coeur,
Un repos profond,
Une non préoccupation,
Un accès vers la liberté intérieure
Elle ne consiste pas à ne rien faire
Mais à faire toute chose devant Celui.
Qui appelle à être ce qui n’est pas
La contemplation est moins
Un regard fermé au sensible et au réel
Qu’un regard nouveau
Qui accueille le réel
Dans le milieu purificateur
De l’Esprit Saint.
La contemplation se nourrit d’action,
D’histoire sainte et d’espérance
D’action car les pauvres sont toujours avec nous comme d’autres Christs,
D’histoire car l’histoire atteste l’oeuvre de Dieu,
D’espérance car ce qui est inachevé attend sa plénitude.
Seule une contemplation filiale et admirative de Dieu
Peut assumer le désespoir humain :
Dans ce monde en genèse
L’image de Dieu demeure
Et le regard contemplatif en discerne la beauté.
Communauté des Diaconesses de Reuilly