Ce film nous parle de la planète terre comme un lieu exceptionnel, un lieu béni dans lequel la vie a pu éclore, se développer et porter l’humanité. Or, aujourd’hui, nous prenons conscience que cette vie est menacée par les dérèglements de l’activité humaine. « La moitié des forets du monde a disparu. Le climat change. Nous nous mettons en danger ». Ce film se présente comme « une ode à la planète et son fragile équilibre. Dans un tour du monde de plus de 50 pays vus du ciel, Yann Arthus-Bertrand nous emmène dans un voyage inédit autour de la planète pour la contempler et la comprendre ».
Et, si ce film montre le saccage de la nature, il ne nous amène pas à baisser les bras. « Plus le temps d’être pessimiste.. Nous avons tous le pouvoir de choisir.. Qu’est ce qu’on peut faire ? Qu’est ce qu’on doit faire ? ».
La prise de conscience grandit.
Effectivement, face à la menace, au cours des dernières années, la prise de conscience a grandi. Face à la cupidité, aux intérêts à courte vue, aux pesanteurs de l’indifférence, à la myopie du chacun pour soi, ayant pu même chez certains prendre la forme d’une idéologie religieuse, la prise de conscience a monté dans un vaste courant militant, mais aussi à travers l’émergence de nouvelles sensibilités (2) et dans une évolutions des mentalités au sein de nombreuses instances de la vie sociale et économique.
Ainsi, il y a quelques années, une autre campagne, celle d’Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis, aujourd’hui prix Nobel de la paix, avait déjà poussé un cri d’alarme et éveillé les consciences . Nous avons précédemment rendu compte de cette campagne et du film qui l’a porté : « Une vérité qui dérange » (3). Aujourd’hui, l’écologie se propage en France et en Europe. Aux Etats-Unis, la forteresse des préjugés et des intérêts vient de s’écrouler dans la la foulée du grand mouvement conduit par Barak Obama (4).
« Elargis l’espace de ta tente ! »
On peut voir dans ce mouvement une signification spirituelle. Toute crise est porteuse d’un appel au changement, au renouveau. N’est ce pas le message des prophètes dans la Bible lorsque le peuple d’Israël est confronté aux menaces de destruction qui résultent de ses propres fautes ?
Aujourd’hui, nous ne sommes pas seulement affectés par les conséquences de nos actes, nous somme également appelés à un changement d’échelle, à voir plus loin et plus grand dans un monde qui s’unifie. C’est une réalité qui fait écho à la parole d’Esaïe : « Elargis l’espace de ta tente ! » (Esaïe 54/2). Hier, on pouvait encore vivre dans des coins et des recoins. Aujourd’hui, tout se lie et se relie. Et, d’une certaine façon, tout apparaît davantage au grand jour. Dans ce contexte, on perçoit mieux la relation entre l’homme et son environnement naturel, la solidarité qui devrait s’établir entre l’homme et la nature, bref entre les différentes composantes de la création.
Un diagnostic historique.
Aujourd’hui, nous sommes appelé à changer de cap. Et pour cela, un diagnostic est nécessaire. Il nous amène à emprunter le chemin de l’histoire des idées et des mentalités et à remonter dans le passé, notamment dans la mise en évidence d’une recherche de la puissance qui a pris le pas au début des Temps Modernes. En historien et en théologien, Jürgen Moltmann met en évidence ce tournant. A la Renaissance, la puissance devient l’attribut caractéristique de la Divinité. René Descartes peut écrire ensuite que « le but des sciences est de faire de l’homme le « maître et le possesseur de la nature ». La méthode nouvelle « oppose à priori l’homme à la nature comme son sujet. Il n’est plus membre de la communauté de la création, mais s’oppose à celle-ci comme son maître et son propriétaire. Il ne peut plus par conséquent s’identifier au corps et à la nature, mais devient uniquement le sujet de la connaissance et de la volonté. Cette subjectivation de l’homme correspond à la chosification de l’environnement naturel » (5). Et il y a un lien entre cette chosification de la nature et une exploitation forcenée de celle-ci.
L’œuvre créatrice de Dieu.
Aujourd’hui, face aux menaces de destruction de notre patrimoine naturel, on redécouvre les merveilles de la nature. C’est bien ce que le film : « Home » met en valeur. D’une certaine façon, dans cette prise de conscience collective, on peut lire la redécouverte d’une certaine transcendance. Et pour les chrétiens, c’est un appel renouvelé à méditer sur l’œuvre créatrice de Dieu. Le texte de la Genèse nous dit que cette œuvre est bonne. Et de nombreux psaumes expriment l’admiration de l’homme pour les merveilles de la création . « Tu me réjouis par tes œuvres, o Eternel. Et je chante avec allégresse l’ouvrage de tes mains » (Ps 92/5). La théologie de la création que nous propose Jürgen Moltmann nous permet de mieux comprendre le dessein de Dieu. « Un traité écologique de la création implique une réflexion nouvelle sur Dieu. Elle ne mettra plus au centre la distinction entre Dieu et le monde, mais la connaissance de la présence de Dieu dans le monde et la présence du monde en Dieu ». (6).
« Voici, je fais toutes choses nouvelles ».
Les dégradations infligées à la nature au cours des dernières décennies, peuvent évoquer en nous la pensée de Paul lorsqu’il écrit : « La création toute entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement » (Romains 8/22). En Dieu, c’est un appel à regarder en avant.
Comme l’écrit Jürgen Moltmann dans un de ses derniers livres : « In the end…the beginning », l’interprétation du livre de l’Apocalypse comme la fin du monde, une « solution finale » de tous les problème dans un spasme destructeur n’est pas acceptable. « Ces images sont apocalyptiques, mais sont-elles aussi chrétiennes ? Non, elles ne le sont pas. Car l’attente chrétienne du futur n’a rien avoir à faire avec la fin, que ce soit la fin de cette vie, la fin de l’histoire ou la fin du monde. L’attente chrétienne est tournée vers le commencement : le commencement de la vraie vie, le commencement du royaume de Dieu et le commencement de la nouvelle création dans une forme durable. La grande promesse de Dieu dans le dernier livre de la Bible : l’Apocalypse, c’est : « Voici, le fais toutes choses nouvelles » (Apo 21/5). A la lumière de cet horizon ultime, nous lisons la Bible comme le livre des promesses de Dieu et des espoirs des hommes et des femmes, et même de toute chose créée. Et, à l’évocation de ce futur, nous trouvons les énergies pour de nouveaux commencements » (7)
Reconnaître l’œuvre de l’Esprit aujourd’hui.
Alors, dans la grande mutation en cours, la prise de conscience du don exceptionnel que représente la nature, l’émerveillement qu’elle appelle et la louange qu’elle peut susciter quelque part en nos cœurs, peuvent être perçus comme un signe des temps. Ne serions-nous pas à un tournant de l’histoire de l’humanité où les pensées et les comportement se recomposent ? Nous voici appelés à reconnaître l’œuvre de l’Esprit. On peut regarder et apprécier le film « Home » dans cette perspective.
Jean Hassenforder
(1) On trouvera toutes les informations sur le site : http://www.home-2009.com/fr. ** Voir le film **
(2) ** Voir sur ce site : Les créatifs culturels. Un courant émergent dans la société française. **
(3) ** Voir sur ce site : Al Gore, prix Nobel de la paix. **
(4) ** Voir sur ce site : Le phénomène Obama. Un signe des temps ? **
(5) Moltmann (Jürgen). Le rire de l’Univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie réalisée et présentée par Jean Bastaire. Cerf, 2004. (p.31-32).
(6) Voir : livre précédent, p.26.
(7) Moltmann (Jürgen). In the end…the beginning. The life of hope. Fortress Press, 2004. Voir l’introduction, p. IX-X. ** Voir aussi sur ce site (ressourcement) : Vivre dans l’espoir. Dans la fin…un commencement. **