La théologie du quotidien.
La théologie de chaque jour (« everyday theology ») est la foi qui cherche à comprendre la vie quotidienne. Tous le chrétiens sont appelés à cet exercice.
Le texte biblique de référence est ici les versets de l’Evangile de Matthieu concernant les signes des temps (Matthieu 16/1-3). Jésus interpelle les pharisiens : « Vous savez comment interpréter l’apparence du ciel, mais vous êtes incapables d’interpréter les signes des temps ». Ce texte est source d’inspiration pour la réflexion théologique. En France, il a donné lieu à la forte pensée de Marie-Dominique Chenu (2) qui l’a appliquée à l’analyse des mouvements sociaux. Vanhoozer met en relation les « signes des temps » et l’esprit du temps (« Zeitgeist »). « Interpréter les signes des temps, c’est discerner le mode de la présence de l’Esprit dans l’esprit du temps » (p.17).
La théologie au quotidien, c’est croiser deux interprétations : l’interprétation des œuvres et des tendances culturelles et la compréhension biblique. Au départ, nous avons besoin d’une capacité de lire et d’écrire la culture. Les gens apprennent à lire et à écrire leur langue à l’école. Mais la capacité d’interpréter la culture : « cultural literacy », est beaucoup moins répandue. Nous sommes donc invités à nous appuyer sur « l’herméneutique culturelle », c’est à dire : « un art et une science de l’interprétation » appliquée aux œuvres et aux univers culturels. Dans son livre, Vanhoozer nous enseigne les principes de cette herméneutique culturelle. « Nous devons éviter de projeter nos convictions sur les textes », mais d’abord « entendre la culture « dans ses propres termes », c’est à dire être capables de reconnaître la réalité telle qu’elle est. Nous ne devons pas imposer des significations chrétiennes là où il n’y en a pas » (p.40).
En regard, la foi chrétienne repose sur la manière dont la Bible raconte l’histoire de la présence et de l’activité de Dieu dans le monde. Vanhoozer se réfère à cette histoire comme un « theodrama », un théâtre dans lequel les êtres humains sont appelés à parler et à écrire un rôle. La trame du récit est la suivante : « Les créatures et les structures originellement créées bonnes ont été altérées par la chute. Encore gémissantes, elles sont actuellement en voie d’être renouvelées en Christ à travers l’oeuvre de l’Esprit » (p.41). L’angle d’approche se présente ici dans les termes de la création, de la chute et de la rédemption.
Cependant, notre réflexion théologique va dépendre, pour une bonne part, de la manière dont, globalement, nous percevons l’œuvre de Dieu dans la culture. Quelle est notre théologie de la culture ? Ici, en regard de tendances pessimistes et dénonciatrices, la théologie d’aujourd’hui nous présente plusieurs approches qui traitent de l’œuvre de Dieu dans la culture populaire : « l’incarnation ; la révélation générale ; la grâce commune et l’image de Dieu » (p.42). Le fil conducteur est l’action de l’Esprit saint. On se reportera à la présentation de ces approches par Vanhoozer. Ainsi, par exemple, l’approche de « la révélation générale » considère qu’une certaine connaissance de Dieu est partout accessible. « C’est un discours divin communiqué à travers la création… Se pourrait-il que la culture populaire essaie d’y accéder et même de dialoguer avec une révélation qui nous précède et nous environne » (p. 42). De même, parce que nous sommes créés à l’image de Dieu (‘imago Dei »), nous sommes capables de produire des œuvres et des univers de sens. Selon Genèse 2/15, être à l’image de Dieu, c’est être un fabricant de culture. Une observation complémentaire : les théologiens qui, comme Tom Wright (3) et Jürgen Moltmann (2), mettent en valeur le mouvement créateur que Dieu poursuit constamment et qui prend aujourd’hui la forme de la seconde création initiée par la résurrection de Christ, seront naturellement portés à percevoir l’œuvre de Dieu dans la culture.
Au total, l’offre culturelle est complexe. A nous de discerner.