Pour connaître le terrain dans lequel les innovations peuvent intervenir, il est utile de mieux percevoir les espaces correspondant à différents genres de comportements sur le plan religieux. A partir des différents sondages, en couvrant les indicateurs relatifs aux rapports des gens avec les églises, d’une part, et à ceux relatifs aux croyances, d’autre part, on peut effectivement distinguer plusieurs espaces. En fonction de la variable aujourd’hui déterminante, c’est-à-dire l’âge, on peut, dans le même temps, envisager l’évolution passée et à venir de ces espaces.
A l’occasion d’un sondage effectué pour l’hebdomadaire « La Vie », le sociologue, Jean-François Barbier-Bouvet, distingue quatre niveaux d’attitude, en ordre concentrique, vis à vis du religieux : l’observance, l’implication, la croyance, l’appartenance (1). Nous nous inspirerons de cette approche en analysant les résultats de plusieurs sondages récents : La Vie, 17 avril 2003, La Croix, 24 décembre 2004 et 15 août 2005, Réforme-La Croix, avril 2006 (2). Ce dernier montre une population des proches du protestantisme en croissance, atteignant 4% de la population française. Les premiers sondages, davantage tournés vers le milieu catholique, permettent de délimiter de grandes masses.
Des espaces socio-religieux
Plusieurs groupes apparaissent ainsi :
Premier groupe : Les pratiquants réguliers
Ceux-ci se rendent à l’église chaque semaine ou au moins une fois par mois, pour la participation à une célébration eucharistique, en terme courant, à la messe : 4,5% chaque semaine, et avec ceux qui viennent moins régulièrement, 7% de la population française chaque mois.
En quarante ans, de 1965 à 2005, la pratique régulière catholique (chaque semaine) est tombée de 25 % de la population française à 4,5%. Etant données les caractéristiques d’âge de ce groupe (43% des pratiquants réguliers ont plus de 65% , en regard de 21 % de la population française), on peut présumer que le déclin n’est pas achevé. Notons qu’en regard de ces chiffres, une pratique active dans la minorité protestante, effectivement forte dans sa composante évangélique, peut devenir visible sur le terrain en certains lieux.
Deuxième groupe : les chrétiens, conscients de l’être, « impliqués », en marge de l’institution
L’implication dépasse de beaucoup le cercle de l’observance en institution. D’après une enquête de l’IFOP, si 7% des français vont au moins une fois par mois à la messe, 25 % se déclarent catholiques pratiquants. Ici, le terme de pratique est entendu dans un sens large hors de la définition traditionnelle fondée sur les obligations imposées par l’institution. En fait, au total, 1/4 à 1/3 de la population française s’inscrit dans une pratique spirituelle comme la prière (1/4), soit dans des affirmations fondamentales de la foi chrétienne : 36% des français croient tout à fait à Jésus, fils de Dieu ; 30% à la résurrection du Christ. Si on déduit de ce groupe les pratiquants réguliers, on peut donc évaluer à 20-25% la population française chrétienne qui manifeste une attitude autonome tout en utilisant éventuellement certaines des ressources de l’institution en terme d’identification et d’expression (baptêmes, catéchismes, mariages, funérailles). De nouveaux comportements sociaux s’y manifestent. En 2002, les géographes Colette Muller et Jean-René Bertrand (3) y montrent ainsi l’existence de formes sociales variées : participation à des groupes, à des rassemblements, lecture de la presse. C’est dans ce groupe qu’à travers sa thèse (4), Cécile Entremont a pu observer le développement de groupes de partage. On peut percevoir dans ce milieu des potentialités, mais aussi de grandes fragilités en fonction notamment d’un manque de ressources.
Troisième groupe : les croyants par tradition
Ce groupe correspond à celui des non pratiquants fréquentant l’Eglise aux grands moments de la vie : mariages, enterrements. Cet espace se situe dans la dernière tranche de l’acception la plus large de la foi chrétienne, soit en terme de croyance (croyance en Dieu certaine ou probable : 58%), soit en terme d’identité : le pourcentage des français se disant catholiques varie selon la formulation de la question. En baisse, il se situe autour des 3/5 de la population. Cet espace, au delà des deux premiers, peut s’évaluer autour de 25 à 30% de la population.
Les sans religion
On observe des passages des pratiquants réguliers aux chrétiens impliqués aux marges de l’institution, et des croyants par tradition aux sans religion. Le groupe des sans religion va en augmentant et atteint aujourd’hui 27% de la population. Majoritaire ou quasi majoritaire dans les générations les plus jeunes, il est naturellement en croissance (5). Cependant, comme l’a montré le sociologue Yves Lambert, si dans les années 60, ce groupe, alors de 10%, pouvait s’identifier comme athée et rationaliste, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il comprend aujourd’hui deux autres composantes : les indifférents, les intéressés en recherche. Un pourcentage appréciable des sans religion croit en Dieu.
Les autres religions
Enfin, il existe un cinquième groupe, peu visible il y a quarante ans : les autres religions : juifs, musulmans, bouddhistes : environ 6% de la population. Cette nouvelle réalité se manifeste aussi dans la géographie urbaine.
Au total, en quarante ans, le paysage religieux français a complètement changé. Et nous pouvons, à partir de là, engager une réflexion prospective. Pour éclairer la situation actuelle, nous esquisserons plusieurs regards : historique, comparatif, sociologique. Nous pourrons ensuite proposer quelques pistes pour le développement de l’innovation dans les églises.
Regard historique
Au tournant des années 60, la France paraît encore marquée par une religion dominante. En 1972, 87% des français se déclarent encore catholiques. Pourtant, un regard historique renvoie à une autre réalité.
Au XVIIIè siècle, au siècle des lumières, un fossé s’est creusé entre l’institution catholique et le nouveau cours des mentalités en France. Comme l’indique le grand historien Jean Delumeau, on peut déjà à l’époque mettre en question la pertinence des pratiques d’Eglise : « Le christianisme de l’époque classique fortement teinté du pessimisme augustinien tenait l’Eglise et le monde pour deux ennemis irréconciliables. Or, le XVIIIè siècle, reprenant et amplifiant les attitudes de la Renaissance, ouvrit largement les yeux sur l’univers, valorisa l’homme, la joie de vivre et la science. A des générations de plus en plus avides de voir et de connaître, la religion n’offrait souvent qu’une pratique triste et mortifiante » (6).
A la Révolution française, le conflit entre l’institution catholique et le nouveau pouvoir prit l’allure d’un choc frontal entre l’Ancien Régime et les idées nouvelles (7). Deux France se sont ensuite opposées au XIXè siècle et au début du XXè. On notera cependant un courant intermédiaire où des minorités catholiques et protestants ont cherché à exprimer l’Evangile. La situation globale se manifeste dans les cartes fortement contrastées de la pratique catholique dans la France rurale. Des zones de chrétienté côtoient des espaces où l’Eglise est cantonnée dans une place mineure. Par ailleurs, dans les villes, et plus particulièrement dans les banlieues ouvrières, des populations importantes se détachent des pratiques catholiques. On retrouve encore aujourd’hui des traces de cette géographie.
C’est dans cette conjoncture qu’à partir des années 30, on peut observer dans l’Eglise catholique la montée d’une prise de conscience évangélique. Le brassage des populations pendant les deux grandes guerres mondiales contribue à lézarder le ghetto social et intellectuel dans lequel l’Eglise catholique s’était enfermée. C’est l’espace où la foi et la vie se rencontrent à nouveau dans une recherche de pertinence. Dans cette perspective de conviction et d’ouverture, le catholicisme français donne naissance à de grandes initiatives comme les mouvements incarnés dans des milieux sociaux (Joc, Jac..) des entreprises missionnaires comme la Mission de France, les prêtres ouvriers, une mutation théologique qui prépare le Concile Vatican II (8).
Si ce grand mouvement n’a pas débouché, on peut imputer cet arrêt à une double cause : le maintien de structures de pouvoir hiérarchisées défavorables au changement, l’arrivée d’une vague nouvelle de transformations sociales et culturelles si puissante qu’un sociologue comme Henri Mendras a pu la comparer à une « Seconde Révolution Française » (9). Nous entrons ici dans une mutation à l’échelle internationale qui bouscule les spécificités nationales. Un regard comparatif permettra de situer l’évolution du paysage religieux en France.
Regard comparatif
Dans son livre : « Europe. The exceptional case » (10), la sociologue Grace Davie montre en quoi le recul sensible de la fréquentation des églises en Europe est lié pour une bonne part à une forte institutionnalisation. Dans l’ensemble, les européens de l’ouest lui paraissent une population sortie des églises plutôt que simplement séculière. Dans cet ensemble, on peut comparer la France et la Grande-Bretagne (11) dont les indicateurs concernant la pratique et les croyances se rejoignent aujourd’hui . Et pourtant les histoires sont différentes.
En Grande-Bretagne, il n’y a pas eu le choc anticlérical, et pour une part antireligieux de la Révolution Française. Au XVIIIè siècle, le méthodisme a été un réveil chrétien capable de prendre en compte certains aspects positifs du Siècle des Lumières (12). Et son influence dans les milieux populaires a donné une allure différente au mouvement ouvrier britannique. Pourtant le tournant des années 60 a provoqué des effets comparables à ceux qui se sont manifestés en France. Le changement culturel a posé le problème de la pertinence non seulement des pratiques, mais des mentalités religieuses. Ainsi, dans son livre : « The death of Christian Britain » (13), le sociologue Callum Brown impute pour une bonne part la rupture à la transformation du statut féminin qui s’éloigne du modèle légitime à l’époque dans les Eglises.
Mais, bien plus généralement, le décalage entre le développement de l’autonomie croyante et le fonctionnement des Eglises s’est exercé à plein en Grande-Bretagne. Aussi une attitude nouvelle s’est propagée comme le note Grace Davie : « Believing without belonging » (croire sans appartenir). Cette analyse rejoint celle de la sociologue française Danièle Hervieu-Léger lorsqu’elle décrit l’effondrement de la « civilisation paroissiale » et écrit : « Il est effectivement possible et courant dans les sociétés avancées de croire sans adhérer à une Eglise » (14a).
Si les chrétiens français et britanniques se trouvent face à une situation assez comparable quant aux changements de mentalité et aux nouvelles formes d’aspiration, les atouts en ce qui concerne la mise en œuvre d’une offre nouvelle sont différents. En effet, non seulement, il y a en Grande-Bretagne des groupes chrétiens volontaires héritant d’une culture où la conviction s’allie à l’initiative, mais les structures d’autorité paraissent beaucoup plus souples et diversifiées qu’en France. Ainsi, l’Eglise anglicane reconnaît la légitimité des communautés expérimentales à côté des paroisses classiques. Cette réalité est évoquée en terme d’ « économie mixte ». On peut donc observer en Grande-Bretagne un courant novateur qui s’appuie sur une conviction missionnelle, une capacité de recherche et d’analyse, un esprit d’initiative et d’invention. Dans son livre traduit en français, sous le titre : « L’Eglise autrement » (15), Michael Moynagh montre la raison d’être d’une Eglise émergente et les voies qu’elle commence à emprunter.
Les espaces socio-religieux, tels que nous les avons décrits en France, peuvent être identifiés également en Grande-Bretagne. Dans ce pays, on assiste aussi au déclin de la population des pratiquants réguliers. Dans ce milieu, il est difficile d’innover radicalement sans provoquer un désarroi. Cependant, des Eglises plus innovantes rallient des chrétiens en recherche de formes moins routinières. D’autres Eglises, très actives, rassemblent des convertis mais, souvent en s’affirmant, leur culture a tendance à se fermer sur elle-même, ce qui en fin de compte limite la poursuite de leur extension.
L’Eglise émergente veut aller au delà et inventer des formes nouvelles à l’intention des gens hors Eglise et avec leur participation. Elle s’adresse à deux publics : les gens qui ont quitté les Eglises (16), mais qui gardent les éléments d’une culture chrétienne (environ 50% de la population britannique) ; les gens qui n’ont jamais été dans des Eglises (de 30% à 80% selon les lieux). Ces deux populations, nombreuses, requièrent des approches différenciées. Comme l’écrit Ian Mobsby (17), l’Eglise émergente est confrontée à la complexité. Au lieu de se retirer dans des bastions conservateurs, comme certains sont tentés de le faire, l’Eglise émergente porte l’Evangile dans une culture complexe, pluraliste, diversifiée.
Regard sociologique
L’approche sociologique est particulièrement éclairante pour comprendre l’évolution actuelle des espaces socio-religieux en France.
La dimension sociale garde un certain pouvoir d’interprétation, notamment sur le plan géographique. Les ouvriers et les professions intermédiaires sont moins représentés parmi les pratiquants, au moins en milieu catholique. Mais la variable d’explication majeure est maintenant la dimension générationnelle. On observe de grands écarts de comportement en fonction de l’âge.
En raison de la différenciation des comportements selon les générations, du brassage croissant des populations entraîné par la mondialisation, de la circulation de l’information on assiste à une diversification des comportements culturels et à l’apparition de sub-cultures. Cette diversification peut être appréhendée dans différentes enquêtes. Ainsi, dans les années 90, une culture nouvelle est apparue aux Etats-Unis entre les catégories jusque là dominantes : les modernes et les conservateurs. Ce sont les créatifs culturels (« cultural creatives ») qui se définissent par la conjugaison d’un engagement écologique, d’un sens social, d’une implication dans des valeurs dites féminines, de préoccupations spirituelles. Ce groupe représente 25% de la population américaine. Une récente enquête montre que ce courant apparaît aujourd’hui en Europe. Il représente 17% de la population française. Il porte une sensibilité nouvelle dans le domaine de la spiritualité (18) .Comme en Grande-Bretagne, ce milieu appelle l’attention de l’Eglise émergente. Dans son livre : « Le pèlerin et le converti », Danièle Hervieu-Léger nous apporte d’autres éléments permettant de mesurer la diversification en cours. Dans cette différenciation des comportements, on notera une question actuelle : les contradictions dans les attitudes vis-à-vis du changement et de la mondialisation. Certaines couches de la population, notamment celles qui bénéficient d’une certaine aisance culturelle, entrent naturellement dans les évolutions en cours. D’autres milieux, au contraire, plus démunis, réagissent négativement et se replient sur des conceptions traditionnelles. Ces comportements se traduisent parallèlement sur le plan religieux.
Face à cette mutation des comportements et à l’évolution des espaces socio-religieux, nous trouvons des clefs de lecture dans l’œuvre anticipatrice de la sociologue Danièle Hervieu-Léger. Aujourd’hui, nous dit-elle, les aspirations spirituelles sont en hausse. Le problème ne réside pas dans la demande, mais dans la pertinence de l’offre : « La croyance ne disparaît pas. Elle se démultiplie et se diversifie, en même temps que se fissurent, plus ou moins profondément selon les pays, les dispositifs de son encadrement institutionnel » (14b). « Le fait nouveau, c’est que les grandes Eglises ne sont plus à même de fournir des canaux, des dispositifs organisateurs de ces croyances » (19). En regard, elle nous décrit les processus à travers lesquels les individus élaborent les significations qui donnent sens à leur vie. « Les individus bricolent pour donner un sens à leur vie… Pour cela, ils ont besoin de rencontrer des gens qui leur disent : cela fait sens pour toi, cela fait sens aussi pour moi… Ils ont besoin d’une relation de reconnaissance…, d’une validation mutuelle… » (19). Cependant, des approches différentes peuvent être distinguées : une approche progressive à partir d’une certaine souplesse psychologique et culturelle, celle du « pèlerin » ; une approche plus tranchée, celle du « converti ».
Des pistes de réflexion et d’action
Notre état des lieux a été éclairé par un triple regard : historique, comparatif, sociologique. Le bilan est caractérisé par la puissance et la rapidité des transformations en cours. A partir de là, voici quelques questions pour susciter des pistes de réflexion et d’action.
Les sociologues analysent ces réalités en terme de décomposition et de recomposition. L’évolution actuelle des espaces socio-religieux en France traduit un déclin rapide des formes traditionnelles. Pour créer une dynamique nouvelle, une prise de conscience est urgente et appelle un mouvement d’innovation. En effet, le problème nous paraît résider davantage dans l’offre que dans la demande.
Nos données montrent que les gens d’aujourd’hui ont des comportements nouveaux, mais qu’ils ne sont pas dépourvus d’aspirations spirituelles et de questionnements sur le sens de la vie (20). Les idéologies séculières (marxisme, scientisme) qui faisaient barrage dans le passé, sont en fort recul. Cependant, on peut discerner les points de blocage hérités de la mémoire collective. Nous sommes appelés à nous interroger sur nos propres conceptions théologiques, souvent influencées par un héritage culturel en osmose avec une société marquée par un pouvoir hiérarchisé, une violence sourde, une compartimentation rigide… De même, ces conceptions théologiques sont interpellées par le nouvel entendement spirituel qui se développe dans la culture de masse (21). Le message de l’Evangile n’a-t-il pas été déformé par bien des scories ? Sachons allier recherche sociologique et réflexion théologique (22).
Le changement actuel s’accompagne également d’un accroissement de la complexité en terme de l’apparition de nouvelles subcultures. Comme l’exprime une analyse en terme de « pèlerin » et de « converti », les comportements se diversifient. Cette évolution appelle, en regard, des expressions chrétiennes très variées.
Dans ce paysage, certains secteurs de la population affectés par la crainte du changement, les aléas et les incertitudes qu’il engendre, manifestent une réactivation de formes traditionnelles. La prise en compte de ces réalités ne change pas le diagnostic global. Il y a bien une tendance dominante.
Tout semble indiquer que le point d’achoppement majeur réside dans le déphasage des modes d’organisation, de communication et d’expression caractérisant la vie actuelle des Eglises (23). C’est bien la pertinence des pratiques d’Eglise qui est en cause. Cette analyse éclaire la crise de la pratique régulière qui manifeste le lien entre croyance et appartenance, aujourd’hui majoritairement en train de se distendre. Cependant, ce groupe est important en terme de régulation et de transmission. Sur quelles bases nouvelles pourrait-il s’établir ? Et comment de nouvelles expressions d’Eglise peuvent-elles porter le message de l’Evangile dans les nouveaux espaces socio-religieux qui rassemblent aujourd’hui des croyants hors Eglise et des gens sans religion.
Ces questions peuvent être envisagées à la lumière de ce que l’on sait aujourd’hui des profondes transformations qui interviennent dans la manière de vivre en société. Les gens rejettent les formes sociales desquelles ils se sentiraient prisonniers. Par contre, dans le respect de leurs personnalités et de leurs libertés, ils acceptent de participer à des entreprises collectives. Et, de même, en contrepartie de l’individualisme, on assiste aujourd’hui à une montée de la convivialité. Ce désir de convivialité s’exprime aujourd’hui dans des manifestations nouvelles de la vie en société. Il est aussi un moteur dans de nouvelles expressions d’Eglise comme la sociabilité des cours alpha (24) ou le processus de l’Eglise émergente. De même, la pratique des réseaux, en pleine expansion aujourd’hui, particulièrement sur le web, se transpose dans des modes de collaboration et de régulation qui caractérisent de nouvelles formes d’Eglise et notamment le courant de l’Eglise émergente. Dans son dernier livre (25), le sociologue Henri Mendras évoque sa conception de l’Eglise à venir comme « un ensemble de petites communautés reliées par des réseaux, chaque réseau correspondant à une tonalité particulière de tendances et de sentiments où les prêtres, les pasteurs, seraient des experts conseillers des communautés » (24).
Ainsi apparaît aujourd’hui une Eglise en mouvement. Dans les transformations en cours, n’avons-nous pas tout simplement à percevoir, l’œuvre de l’Esprit et le message de l’Evangile ?
Jean Hassenforder.
Notes
(1) Dans quel cercle vous rangez-vous ? Analyse de Jean-François Barbier-Bouvet. La Vie, 17 avril 2003, p. 47.
(2) Source des données statistiques utilisées dans la section sur les espaces socio-religieux. ° Dossier :croyances. La Vie, 17 avril 2003, p.40-53 (Sondage CSA). ° La grande diversité des catholiques français (Sondage CSA). La Croix, vendredi 24 décembre 2004, p.3-5. ° Les évolutions de la pratique religieuse (Sondage Ifop). La Croix, mardi 15 août 2006. **Lire l’article** La messe dominicale. Une forme qui s’épuise. Les nouveaux protestants (Sondage CSA). Réforme, 13-19 avril 2006. La Croix, 13 avril 2006. **Lire l’article** Des chrétiens d’un nouveaut ype. La croissance de l’influence protestante, à travers la définition de « proches du protestantisme » résulte d’un double mouvement : des affinités pour des Eglises paraissant plus proches de la culture d’aujourd’hui ; la montée des Eglises évangéliques.° Sur ce dernier point : un ouvrage de référence : Fath (Sébastien). Du ghetto au réseau. Le protestantisme évangélique en France. 1800-2005. Labor et Fides, 2005. ° Deux études sociologiques fondamentales :° Lambert (Yves). Religion : développement du hors-piste et de la randonnée. p.129-153, in : Les valeurs des Français. Evolutions de 1980 à 2000. Armand Colin, 2000. ° Bréchon (Pierre). Les attitudes religieuses en France : quelles recompositions en cours. Archives de Sciences sociales des religions, N°119, janvier-mars 2000, p.11-29.
(3) Muller (Colette), Bertrand (Jean-René). Où sont passés les catholiques ? Une géographie des catholiques en France. Desclée de Brouwer, 2002.
(4) Lerebours Entremont (Cécile). Apprendre la fraternité? De l’intériorité à l’altérité, évolution de petits groupes d’adultes aux frontières de l’Eglise entre 1995 et 2005. Thèse sous la direction du professeur Robert Moldo soutenue à Strasbourg le 23 janvier 2008. **Lire l’article** .
(5) Vidal (Dominique). La France des « sans religion ». Le Monde diplomatique, septembre 2001. Excellente mise au point.
(6) Delumeau (Jean). Le catholicisme entre Luther et Voltaire. Presses universitaires de France, 1971. Citation p.326.
(7) Van Kley (Dale K). Les origines religieuses de la Révolution Française. 1560-1974. Seuil, 2002. Voir aussi **Lire l’article** : Les rapports entre le politique et le religieux, et **Lire l’article** : Les valeurs fondamentales selon Frédéric Lenoir.
(8) Pierrard (Pierre). Un siècle de l’Eglise de France 1900/2000. Desclée de Brouwer, 2000. Une excellente synthèse.
(9) Mendras (Henri). La seconde Révolution française. 1965-1984. Gallimard, 1994 (folio). ° En parallèle, les incidences du changement social et culturel sur le catholicisme français : Pelletier (Denis). La crise catholique. Religion, société, politique (1965-1978). Payot, 2002.
(10) Davie (Grace). Europe. The exceptional case. Parameters of faith in the modern world ; Darton, Longman and Todd, 2002. **Lire l’article** .
(11) Hassenforder (Jean). Une perspective comparative sur l’Eglise émergente. La Grande-Bretagne en mouvement. La France en attente. Perspectives missionnaires, N° 51, 2006/1, p.42-51. **Lire l’article** .
(12) Hempton (David). Methodism. Empire of the Spirit. Yale University Press, 2005.
(13) Brown (Callum). The death of christian Britain. Understanding secularisation 1800-2000. Routledge, 2001.
(14) Hervieu-Léger (Danièle). Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement. Flammarion, 1999. 14a p.53 14b p.45.
(15) Moynagh (Michael). L’Eglise autrement. Les voies du changement. Empreinte. Temps présent, 2003. **Lire l’article** .
(16) Richter (Philip), Francis (Leslie). Gone but not forgotten. Church leaving and returning. Darton, Longman and Todd.1998. Grande enquête sur les chrétiens ayant abandonné la pratique dominicale en Grande-Bretagne **Lire l’article** . Des raisons multiples sont mises en évidence. . Jamieson (Alan). A churchless faith. Faith journeys beyond the churches. Spck, 2007. Recherche par interview auprès de chrétiens évangéliques ayant quitté les Eglises néo-zélandaises. **Lire l’article** : Chrétiens hors institutions. Un réseau d’entraide. (17).Mobsby (Ian). The emerging church in the UK. Personal reflections (09.07). (reflections). **Lire l’article** : Une analyse et un bilan de l’Eglise émergente en Grande-Bretagne.
(18) Ray (Paul H), Anderson (Sherry). L’émergence des créatifs culturels. Ed Yves Michel, 2001. ° Association pour la biodiversité culturelle. Préface de Jean-Paul Worms. Les créatifs culturels en France. Ed Yves Michel, 2007. **Lire l’article** .
(19) Hervieu-Léger (Danièle). L’autonomie croyante. Questions pour les églises. Témoins, N°134, mars-avril 2001, p.12-13. **Lire l’article** .
(20) Cf : les travaux de Danièle Hervieu Léger et aussi les enquêtes anglaises réalisées par Nick Spencer dans le cadre du London Institute for Contemporary Christianity. et **Lire l’article**.
(21) Taylor (Barry). Entertainement theology. New-edge spirituality in a digital democracy. Baker Academic, 2008 (cultural exegesis).
(22) Spencer (Nick), Tomlin (Graham). The responsive church. Listening to our world. Listening to God. Inter-Varsity press, 2005. **Lire l’article** : Une église capable de répondre au défi du changement culturel. Apport de la recherche et réflexion théologique. Entre autres, une analyse perspicace : Pearse (Meic), Matthews (Chris). We must stop meeting like this. Kingway, 1999.
(23) Leyritz (Marc de). Devine qui vient dîner ce soir ? Découvrir Jésus-Christ avec le parcours Alpha. Presses de la Renaissance. **Lire l’article**.
(24) Mendras (Henri), Duboys-Fresney (Laurence). Français, comme vous avez changé ! Histoire des Français depuis 1945. Tallandier, 2004. Citation p. 253.