Extrait de l’ouvrage ci-contre ** Lire la présentation **.
Dans les années post 68, un jeune lycéen, Pascal Colin, entend la parole de l’Evangile, fonde une association: le Comité d’Action Chrétienne (1) et suscite un libre partage autour des textes bibliques. Cette aventure va se poursuivre pendant des années et sera également à l’origine de Témoins (2). Aujourd’hui, Pascal Colin est directeur général de l’association Initiatives, centre d’insertion et de formation aux métiers d’aide à la personne (3).
Partager autour de la parole
Tout a commencé par un verset que j’ai lu lorsque j’avais quatorze ans : « Ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits » (Matthieu 10.27).
Ma famille était très éloignée de la foi chrétienne. Mais depuis ma petite enfance, dans les moments les plus intimes que je me rappelle, j’ai toujours eu un dialogue avec Celui qui était au ciel, qui me connaissait, qui m’ai¬mait. Il y a toujours eu en moi une relation de confian¬ce et d’abandon. Ainsi, le terrain était préparé par l’Esprit.
Selon la coutume, on m’a envoyé au catéchisme et c’est dans ce cadre qu’un Évangile m’a été donné. Ainsi, j’ai reçu ce texte de l’Église. Le Concile Vatican II était passé par là. Je n’ai pas eu de père spirituel. C’est le texte qui m’a parlé directement, qui m’a exhorté tout seul. J’ai encore à la maison cet Évangile que j’ai lu en soulignant en marge certains passages.
J’ai cité plus haut un de ces versets. Un second reste présent dans ma mémoire : « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel vient à s’affadir, avec quoi salera-t-on ? » (Matthieu 5. 13).
À seize ans je suis entré au lycée Descartes à Antony (92). Je me suis senti appelé à annoncer la bonne nou¬velle que j’avais reçue dans mon ceeur. J’ai commencé à animer des études bibliques. À ce moment-là, je n’avais aucune connaissance, aucune expérience. Mais je me trouvais interpellé par le texte. Le texte m’a exhor¬té. Il m’a dit quelque chose. J’ai dit aux autres ce que je ressentais. Les autres m’ont communiqué leurs décou¬vertes. Nous nous sommes formés ensemble. C’était de l’autoformation. Nous prenions un passage des Évan¬giles et nous en parlions.
À cette époque, encore proche de 1968, nous nous sen¬tions d’abord concernés par le rapport au monde. Comment vivre dans la société ? Comment vivre le texte de la Samaritaine, les Béatitudes, le Notre Père ? Comment incarner les valeurs chrétiennes sur le plan social et politique ? Il n’y avait pas de clerc parmi nous. C’est l’Évangile qui faisait autorité. Nous le commen¬tions librement. Ceux qui venaient à ces rencontres pro¬venaient le plus souvent de familles qui n’avaient pas d’enracinement ecclésial.
Les jeunes issus de bonnes familles catholiques étaient déroutés par cette approche qui ne se référait pas à la parole d’un aumônier.
Puis j’ai rencontré le « renouveau » sur les plages de Royan. J’ai découvert le rôle de l’Esprit-Saint, la réalité du salut, l’appel à la conversion. Une autre étape s’est ouverte. J’ai vécu le rapport à Dieu dans la prière, la présence du Père, du Fils et de l’Esprit. À travers les années, j’ai découvert la Bible dans son ensemble. Au début, j’ai vécu avec les Évangiles. Un peu plus tard la lecture des Actes, en bande dessinée, m’a ouvert de nouveaux horizons. J’ai découvert ensuite les épîtres, les psaumes et finalement l’Ancien Testament.
J’ai poursuivi l’animation de groupes de partage biblique, cette fois en milieu étudiant dans le cadre de l’aumônerie cecuménique de la Résidence Universitaire d’Antony. Tout au long de ces années, j’ai observé un double mouvement dans notre culture, il y a un hérita¬ge repérable et repéré : le Notre Père, le Credo. À par¬tir de ces textes, nous avons opéré un retour à l’Écritu¬re. Quel est le sens du Notre Père dans la perspective de l’Alliance de grâce ? Quels sont les fondements du Credo ?
D’autre part, les jeunes se posent des questions sur le plan social, psychologique, affectif.
En tenant compte des apports des sciences humaines, quelles réponses la Bible apporte-t-elle ? Par exemple, que nous enseigne-t-elle par rapport à la sexualité ?
Le partage a été constant. Aussi avons-nous dialogué entre chrétiens de cultures différentes. Entre autres nous avons pris en compte l’apport de ceux qui connaissaient très bien la Bible mais l’abordaient parfois d’une façon trop étroite. Certains étudiants nous ont beaucoup apporté par leur connaissance approfondie de la Bible. Je pense, par exemple, à Annick qui, parallèlement à ses études de médecine, avait appris le grec et l’hébreu et pouvait lire directement les textes dans leur version originale.
Pendant des années, nous nous sommes assis en rond pendant les partages. Cette disposition reflétait un cer¬tain type de relation. Nous nous écoutions vraiment les uns les autres. La diversité des apports permettait la complémentarité. Ainsi les traductions de la Bible, pré¬sentes dans le groupe, étaient variées : la Segond, l’Osty, la Bible en français courant, la TOB. Nous prenions un texte. Nous le lisions dans les diverses traductions et nous mettions en perspective les différences pour mieux comprendre le sens. Nous acceptions la critique, le doute, les interrogations. C’était le contraire d’une paro¬le aseptisée. Il y avait là un parti pris pédagogique : la forme circulaire de l’échange, des textes différents, les questionnements, la confrontation et bien entendu à la fin, une affirmation. En effet, il me revenait de faire la synthèse.
Au départ, je ne connaissais pas grand-chose mais il y a un bon sens que Dieu donne. Je me suis demandé quels étaient les fondements : la Bible bien sûr, le Credo. Ce dernier met en avant les grandes vérités. Je me suis rat¬taché aux affirmations centrales.
Certaines évidences sont au cceur de notre foi : la mort et la résurrection du Christ, le salut, la grâce. Voilà ce que nous sommes appelés à vivre. Je me suis formé pro-gressivement.
Ainsi, dans les groupes qui se sont succédés, des dizaines de personnes se sont formées, se sont mises en route. Les rencontres étaient un lieu d’appropriation du texte dans une démarche respectueuse de l’autonomie de chacun. Elles encourageaient, en même temps, la motivation personnelle et la responsabilité. Cette approche a porté des fruits, les personnes qui ont vécu cette expérience se sont mises en chemin, elles ont pris leur part dans ce processus. Aujourd’hui je garde mémoire de tous ceux avec qui j’ai partagé. Les per¬sonnes qui ont participé à ces échanges sont devenues vraiment responsables.
Pascal Colin
« Itinéraires. Des chrétiens témoignent ». p. 109 – 113.
(1) Christophe Varlet. Esprit, es-tu là? Histoire du Comité d’Action Chrétienne 1973/2003 Hors série Témoins
(2) La dynamique de Témoins **Lire **
(3) ** Voir le site :initiatives.asso.fr **