Bonjour Francisco, nous sommes heureux d’avoir pu enrichir notre galerie ** Voir la galerie ** de vos toiles et maintenant que vous acceptiez que nous fassions un peu connaissance avec vous.

1) Comment l’art de la peinture s’est-il imposé à vous ?
J’ai commencé à dessiner vers l’âge de 12 ans et à peindre vers 16 grâce à une Bibliothèque ambulante de la Fondation Caluste Gulbenkian qui passait tous les mois dans mon village. D’abord autodidacte, j’ai été encouragé à poursuivre dans cet art par un petit livre du brésilien Joao Medeiros sur la Technique de la Peinture qui m’a beaucoup aidé.

 

2) Que vous soyez né au sud du Portugal a t-il eu une influence sur votre art ?
Bien entendu ! Le Sud du Portugal est riche en couleurs, lumières et beaux paysages de mer. C’est une source d’inspiration continuelle. Mais les circonstances ont également joué un rôle. Dans les années 70, grâce à la révolution des Œillets, j’ai pu, pendant 2 ans, faire du théâtre et peindre des décors, quelques fresques à connotation politique ou de simples paysages dans les bars et restaurants pour gagner ma vie.

3) Entre vos premières œuvres et celles d’aujourd’hui quelles sont les évolutions les plus significatives ?
Lors de voyages en Europe et en Amérique j’ai rencontré d’autres peintres, d’autres artistes et diverses Ecoles d’art. J’ai été confronté à de nombreux styles de peinture et, d’un style au départ simple, fait de traits (presque droits si on peut dire) comparable à du Bernard Buffet, je suis passé à une peinture aux couleurs vives, analogue à celle des Impressionnistes ou des Fauvistes. Aujourd’hui je peins des paysages ou des portraits avec une liberté plus grande et j’utilise l’empâtement au couteau.

4) Vous dites vouloir aujourd’hui « faire ce qui semble impossible, c’est-à-dire d’incorporer 3 styles différents de peinture dans mes œuvres : l’impressionnisme, le cubisme et le fauvisme”. Quels sont les approches particulières à chacun de ces styles que vous cherchez à incorporer à votre peinture ?
Les Impressionnistes nous ont laissés leur goût pour la lumière, les Fauves pour les couleurs pures et contrastées, et le cubisme de Picasso révèle que l’on peut inclure une multitude de facettes dans le dessin d’un portrait . Evidemment je ne reprends, dans mes œuvres, que quelques unes de ces caractéristiques. Je ne cherche pas à composer une sorte de salade de fruits (en les additionnant toutes). Mon seul but est de reprendre quelques éléments propres à ces styles pour poursuivre, en qualité et en originalité, mes propres recherches picturales.

5) Nous vous avons rencontré au Centre Artistique de ” La Fonderie  ” ( ** Voir le site **et deux articles sur notre site) un lieu où s’expriment et se croisent des artistes chrétiens et non chrétiens. Comment vous situez-vous par rapport au spirituel ?
Je dirais que je suis d’abord chrétien et ensuite artiste, que le salut en Jésus Christ est le plus grand bien que l’on puisse trouver sur terre et que les dons de créativité, d’inspiration, d’invention et d’originalité proviennent de la source divine. Ce que les artistes chrétiens représentent dans leurs œuvres découle de leur relation avec Dieu, qui a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. Un art dit chrétien contraste avec d’autres expressions artistiques par sa façon de voir le monde, de s’exprimer et par le choix des sujets. Non pas au sens où l’artiste s’impose un contenu religieux mais au sens où il utilise au mieux les moyens artistiques dont il dispose en visant la qualité la plus haute, l’excellence dans son art. Aussi n’ai-je aucun problème à travailler avec un artiste quel qu’il soit, croyant, agnostique ou athée, s’il a un minimum de sérieux dans la pratique de son art (sauf s’il sert une propagande, prône une totale anarchie, voire la provocation qui traverse certains courants contemporains).
A la Fonderie nous travaillons avec environ 70% de non croyants et 30% de croyants.

6) Pensez-vous qu’il y ait, de manière explicite ou implicite, un lien entre votre art et votre vision de la vie, vos convictions ?
Bien entendu, les artistes chrétiens ont une vision du monde qui va se refléter dans leur art, une conception des choses et des choix artistiques qui vont influencer leurs œuvres. C’est « de l’abondance du cœur que la bouche (le chant ou le pinceau…) parle ». Cependant il ne s’agit pas pour moi d’imposer mon point de vue mais de contribuer à la guérison des nations, au bien être des peuples. Je préfère nettement œuvrer pour la liberté et le respect des opinions de chacun plutôt que de prendre parti pour une vision sectaire et intolérante, ce qui est malheureusement le cas aujourd’hui dans plusieurs religions. L’essentiel est d’apporter quelque chose de beau, d’agréable et de positif à chacun dans ce monde dit en crise mais constamment en recherche de stimulations, d’inspirations, d’encouragements et de spiritualité ; l’art, qu’il s’exprime par la musique, le cinéma, la peinture ou le théâtre, a le pouvoir de motiver les gens et de les nourrir intérieurement

7) Diriez-vous qu’un artiste engagé (chrétien, écologiste, communiste ou féministe par exemple) peut mettre son art au service de ses idées ? Si oui, ou si non, pourquoi ?
Je ne le dirais pas car cela s’apparente à de la propagande. Les régimes communistes l’ont pratiqué, Hitler aussi et la Corée du Nord est pleinement la dedans. Un artiste est certes libre de le faire s’il veut mais il sera aussitôt catalogué comme affilié à tel ou tel courant religieux ou autre. Comme croyants nous avons un équilibre à tenir. Picasso a très bien su dénoncer les excès de l’Allemagne nazie sans que sa peinture ne reflète de l’anti nazisme ou ne devienne un instrument contre le nazisme. En fait, ce que l’artiste a à cœur, ce qui le touche, transparait inévitablement, mais de manière naturelle, comme, par exemple, la douleur devant « Guernica », le chef d’œuvre de Picasso.

8) Souhaitez-vous ajouter quelque chose qui vous tienne à cœur et qui n’a pas été abordé ?
Oui, revenir sur la notion d’art chrétien. Le débat se poursuit, depuis les écrits de Rookmaker ou de Francis Schaeffer, et aujourd’hui avec Steve Turner et d’autres, à propos de ce qui le constitue véritablement.
Mon point de vue est qu’il se démarque aujourd’hui, non par le choix du sujet et du style comme ce fut le cas entre le 13ième et le 17ième siècles quand on représentait surtout des motifs bibliques, mais par le simple fait que ce sont des chrétiens qui le réalisent et que ça va de soi. L’art visuel est en lui même un langage universel. Il n’a nul besoin de justification ou d’explication détaillée sur son contenu. Le dénominateur commun à tous les peintres est la recherche de qualité, d’harmonie et de beauté qui jaillit naturellement dans les tableaux des croyants où se glisse, en outre, une part d’inspiration liée à leurs connaissances bibliques et à leur expérience de foi (ex : Marc Chagall).  Cette recherche de la qualité concerne tous les artistes, indépendamment de leurs appartenances religieuses ou culturelles.

Cependant, parfois, dans le milieu évangélique, on tente d’imposer un style, un message. Or, par exemple, des versets seuls, dits par un poète ou chantés, sans être accompagnés d’un niveau musical équivalent à celui des artistes dits « du monde » ne donnent pas automatiquement un bon résultat. Des artistes, non croyants à l’origine, se sont d’ailleurs sentis plus épanouis dans leur milieu professionnel dit « du monde » que dans certains milieux chrétiens stricts. Ainsi, Jane Fonda et Bob Dylan , qui sont devenus chrétiens vers la fin des années 90 ont alors souhaité, en particulier Bob Dylan, un changement radical dans leur carrière. Il a décidé de travailler avec une maison de production dirigée par des chrétiens mais, au bout de 3 ans, il est finalement reparti chez des producteurs non chrétiens. Ses œuvres d’alors ne sont pas en cause, c’est le milieu artistique lui-même qui s’est révélé trop limité, trop étroit dans son approche de l’expression artistique. Ce phénomène n’est pas rare et laisse ouverte la question : qu’est-ce qu’un art chrétien aujourd’hui et quels en sont les critères ?

 

Interview par Françoise Rontard

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