“Les Cultes Participatifs me semblent être tout à fait dans la ligne de ce que peut proposer l’Eglise Réformée de France, sans trahir sa vocation ni tomber dans le mysticisme ou la gesticulation extravertie”. Par ces mots l’un des participants affirme que la nouvelle forme de culte qu’il vient de vivre pendant plusieurs mois, est une forme d’évangélisation qui lui convient tout à fait et qui lui semble conforme à l’esprit de son Eglise.
Une expérience nouvelle qui associe le culte et l’évangélisation
Cette association des mots cultes et évangélisation n’est d’ailleurs pas anodine, car jusqu’à présent, il faut le reconnaître, nos cultes ne sont pas des lieux notables d’évangélisation ! Une enquête avait même montré, il y a quelques années, à quel point le culte est un lieu qui tient à cœur aux membres actifs de notre Eglise, et en même temps, à quel point ces mêmes membres actifs y invitent peu leurs amis, ce qui est un paradoxe qui interroge !
Dans une Eglise protestante dite « historique » comme l’Eglise Réformée de France, les cultes sont à la fois au cœur de la communauté et à la fois des lieux en crise : baisse régulière de la fréquentation, et attractivité insuffisante pour les jeunes et pour les personnes extérieures au sérail. Comment se fait-il que nous invitons très peu nos connaissances à ce qui constitue pourtant le cœur de notre ressourcement ? Ce problème devient crucial.
Justement, l’Eglise Réformée dans « les Terres du Milieu », c’est-à-dire entre Nîmes et Montpellier, est en train de mener une expérience de Cultes Participatifs, qui pourrait être une des réponses intéressantes à la question du lien entre nos cultes et notre désir d’accueillir.
Mais avant de décrire cette nouvelle forme de cultes, il faut prendre le temps de pointer les insuffisances de ce que nous vivons généralement dans nos cultes, en tous les cas dans notre région.
Les faiblesses de nos cultes concernant l’accueil
1°) Les temples sont trop grands par rapport au nombre de fidèles :
Bien des études et le simple bon sens démontrent que le volume de l’espace a énormément d’importance pour la qualité du vécu d’un groupe qui y vit. Si le volume est trop petit, le groupe « étouffe », si le volume est trop grand, le groupe s’y sent perdu. Inutile de dire que le problème actuel de l’Eglise Réformée appartient à cette 2ème catégorie. Ceci nuit à l’accueil de personnes nouvelles dans nos cultes.
2°) L’assemblée n’est pas assez active lors d’un culte.
La participation de l’assemblée est plutôt intérieure qu’extérieure. Elle se cantonne à quelques chants et le geste de l’offrande, tout le reste est écoute et prière. Pour la spiritualité intérieure cela ne pose aucun problème, mais pour créer des liens communautaires entre les membres, cela ne fonctionne que faiblement ! Ceci nuit aussi à l’accueil de personnes nouvelles dans nos cultes.
3°) Les Cultes sont rarement dans les mêmes lieux :
Le manque de pasteur et la surabondance de temples à notre disposition dans notre région (Cévennes-Languedoc-Roussillon) incitent à pratiquer des cultes tournants : une semaine dans un village, une semaine dans un autre et ainsi de suite. Dans bien des lieux, le culte n’a lieu qu’une fois par mois. Les fidèles qui ne vont au culte que lorsqu’il est dans leur village sont la majorité, et ceux qui vont au culte chaque dimanche n’y rencontrent donc pas suffisamment les mêmes personnes d’un dimanche à l’autre. Ceci nuit aussi à l’accueil de personnes nouvelles dans nos cultes.
Alors la question se pose : Comment vivre des cultes qui développent mieux l’accueil et les liens communautaires ?
Une trame nouvelle pour un culte différent et participatif
Notre équipe composée de deux pasteurs [Françoise Delannoy et Georges Fauché (Eglise Réformée de France dans les Terres du Milieu : Les trois paroisses entre Nîmes et Montpellier)] propose depuis janvier 2012, en lien avec notre Conseil d’Ensemble, une forme différente de culte qui cherche à surmonter les difficultés précédemment citées. Cette différence tient en 5 points :
1°) Un autre jour de la semaine pour se retrouver
Cela se passe à 19h les vendredis qui tombent sur un jour pair, c’est donc un repère très facile à retenir. Le créneau du vendredi soir ne fait pas concurrence à celui du dimanche matin, libère ceux qui ont des projets familiaux le dimanche, et permet à ceux qui veulent participer aux deux formes de culte de le faire. Par ailleurs, le créneau d’un culte en fin de journée convient plus particulièrement aux personnes plus jeunes et à ceux qui sont dans la vie active, ce qui conforte une ambiance dynamique.
2°) Un lieu dont la taille est plus adaptée que nos temples
Pour un groupe de 20 à 50 personnes, une salle paroissiale correctement aménagée, repeinte et décorée avec soin, est un cadre plus accueillant que les temples trop grands. Ces temples parlent fortement au cœur des membres actifs qui y ont vécu une grande partie de leur vie spirituelle, mais ils ne parlent pas à ceux qui viennent d’arriver et ceux que nous voulons accueillir, or ceux-ci sont notre priorité. On est plus à l’aise à 20 dans une salle propre et adaptée qu’à 30 dans un temple pouvant accueillir 300 personnes ou plus. L’intimité de la discussion et la qualité des échanges sont valorisées par la taille de la salle d’accueil.
3°) Un long moment de chants choisis par l’assemblée
Le début du culte ne consiste pas à vivre une alternance de chants et de textes liturgiques, mais à choisir pendant une demi-heure les chants que l’on aime ou ceux que l’on désire apprendre, pour le plaisir de chanter et pour prendre amplement le temps de la louange. Une équipe de 5 ou 6 musiciens participe à cette expérience et offre un atout indéniable au plaisir de chanter.
4°) Un temps d’échange après la prédication
La prédication n’est généralement pas un temps facile à mémoriser. Les paroles sont dites et l’on se demande après si l’on a bien retenu l’essentiel. Mais le temps d’échange permet de reprendre tous les points saillants de la prédication, de se réinterroger mutuellement point par point, et permet parfois même de dire nos doutes ou nos témoignages.
5°) La possibilité de pique-niquer ensemble ensuite, pour ceux qui veulent
Tout ce qui a été vécu ensemble dans le long moment de chants et dans le partage après la prédication, peut se retrouver de façon totalement libre et détendue dans le pique-nique qui va suivre pour ceux qui en auront le temps. La moitié ou les deux tiers des participants choisissent de rester pour ce pique-nique.
Voici donc une trame cultuelle entièrement renouvelée :
Dans un lieu accueillant qui ne soit pas un temple, les vendredis soir qui tombent sur un jour pair :
1/2h de chants choisis par l’assemblée
10mn de liturgie (textes et silences)
1/4h de prédication
20mn d’échanges
1/4h de conclusion (offrande, annonces, intercession, bénédiction)
Durée totale : 1h30
Un bilan enthousiaste
Après 6 mois de pratique, il est temps de chercher à tirer les premiers bilans.
Nous avons fait circuler une feuille de bilan et pris le temps d’en discuter deux fois. Nous avons aussi fait le comptage précis du nombre des participants : 31 en moyenne, et des offrandes : 800€ pour les offrandes en 6 mois. Dans tous les cas, ceux qui ont participé régulièrement l’ont fait avec enthousiasme et conviction. L’un des participants a dit en guise de bilan « Pour moi, il n’y a qu’un seul mot, c’est génial ! » Le signe de cet enthousiasme a été donné aussi par le nombre d’invitations personnelles qui ont été transmises de bouche à oreille pendant cette période. Il n’était pas rare de rencontrer dans un autre cadre une personne plus ou moins reliée à l’Eglise et qui disait « j’ai entendu parler des cultes participatifs »…
Le moment des chants choisis par l’assemblée
Ce temps a été particulièrement apprécié. Dans la trame initiale, il était prévu d’un 1/4h, mais il a rapidement fallu le prolonger à une 1/2h, ce qui permet de se faire plaisir, mais aussi de se poser. Les quelques musiciens de l’Ensemble des Terres du Milieu qui acceptent de conduire ces chants au pied levé, ont compris que la simplicité et la bonne humeur priment sur la perfection absolue des partitions. Un carnet de chants photocopiés « modernes et classiques » permet à chacun de puiser dans un répertoire très varié. Les quelques adolescents et enfants présents ont toute leur place au moment du choix, et se sentent tout à fait intégrés par ce moment très ouvert.
L’échange après la prédication
Il permet de révéler des questions, des avis différents, des réactions, et surtout il permet de se connaître les uns les autres de façon très forte, et certains échanges dans la confiance resteront longtemps dans les mémoires.
Le rythme adopté
Le repère des vendredis qui tombent sur des jours pairs est particulièrement apprécié, et la seule évolution qu’il nous faut maintenant adopter, est de ne plus s’arrêter lors des vacances scolaires, mais de poursuivre sans interruptions le rythme devenu une habitude nécessaire à beaucoup de participants.
La place des enfants et des jeunes
Nous aimerions qu’ils soient encore plus nombreux parmi nous, mais les quelques-uns qui ont vécu l’aventure semblent l’avoir fait très volontiers, et ont réjoui les participants adultes. Le temps de chants leur convient particulièrement, et l’échange après la prédication attire leur attention même s’ils y participent peu.
Des liens communautaires très forts
Sans aucun doute, les quelques participants nouveaux qui ont cheminé ces 6 mois avec notre communauté par le biais de ces cultes, ont tissé des liens communautaires qui bien souvent manquent encore après des années de vécu avec un culte classique. Les échanges informels pendant les chants, la discussion après la prédication et les pique-niques partagés, ont favorisé en quelques mois des liens fraternels très forts qui seront indéniablement un facteur d’accueil et donc d’évangélisation.
En conclusion :
L’accueil de personnes nouvelles est un défi permanent et passionnant
Inutile de le cacher, quelques craintes ou réticences se sont fait jour de la part de ceux qui préfèrent légitimement la formule du culte traditionnel le dimanche matin. L’enthousiasme de ceux qui adoptent la formule nouvelle peut faire peur aux autres : « Mais que vont devenir nos cultes traditionnels ? » Le travail de réflexion et de pédagogie doit se poursuivre de la part des Conseillers presbytéraux, pour expliquer clairement qu’il y a de la place pour différentes formules dans nos communautés. Elles ne s’excluent pas mutuellement, mais au contraire, elles s’enrichissent l’une l’autre. Plutôt que d’opposer les Eglises historiques et les Eglises dites émergentes, la reconnaissance mutuelle entre ces deux attentes ne peut que les renforcer l’une l’autre. Si nos Eglises saisissent cette occasion d’élargir l’espace de leurs tentes pour annoncer et vivre l’Evangile avec de nouvelles personnes, sans aucun doute ce sera une joie et une porte ouverte de plus dans nos communautés.
Pasteurs Françoise Delannoy et Georges Fauché
N.D.L.R.
Merci à Françoise Delannoy et Georges Fauché, pasteurs dans l’Eglise Réformée de France, pour la superbe description de cette expérience innovante. Rappelons ici une autre innovation qui, dans un autre contexte, va dans le même sens: “Le culte café croissant à Chaumont” ** Voir sur ce site **
Nous saluons la prise de conscience qui permet la mise en oeuvre de ces expériences. Oui, il y a bien en France des aspirations spirituelles qui demandent à s’exprimer dans des formes nouvelles comme c’est le cas dans les “fresh expressions” en Grande-Bretagne ** Voir sur ce site ** .
Nous reconnaissons dans ce mouvement l’oeuvre du Saint Esprit et nous rendons grâce.
J.H.