Le nouveau chanoine de St Jean de Latran (Italie) a fait une homélie sur l’importance de la religion, de l’espérance et des racines catholiques de son pays. C’est son métier de chanoine, me direz-vous ? Mais il se trouve qu’il est également président d’une république (française) qui « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » (article 2 de la loi de 1905).
Ah, qu’il est difficile d’être président laïc et chanoine catholique à la fois, en ce doux pays de France…
D’autant plus que, quelques jours plus tard, le chanoine se fait prédicateur en terre d’Islam, citant Dieu 13 fois !
Ambiguïtés à la pelle
Il faut dire que notre France laïque n’est pas exempte d’ambiguïtés savamment entretenues. Quelques exemples :
– où donc les prêtres et pasteurs sont-ils rémunérés par l’Etat ? En France pardi ! Plus précisément, en Alsace-Lorraine bien sûr !
– où donc temples et mosquées se créent-ils souvent sur des terrains gracieusement offerts (ou quasi) par les communes ? En France pardi ! Plus précisément, grâce au système des « baux emphytéotiques » de 99 ans.
– où donc « la première cathédrale construite depuis plusieurs siècles » est-elle discrètement subventionnée par l’Etat ? En France pardi ! Plus précisément, à Evry, grâce à un musée public (« Centre national d’art sacré ») opportunément inclus dans le périmètre même de la cathédrale !
– où donc la mission de l’école publique est-elle assurée à 20% (dans le secondaire) par l’école catholique ? En France pardi ! Plus précisément, grâce au « contrat simple ou d’association », qui permet à l’Etat de subventionner (d’ailleurs pas toujours bien semble-t-il) l’école privée, principalement catholique.
– Où donc des prêtres et des pasteurs contribuent-ils à décider des choix éthiques futurs du pays ? En France pardi ! Plus précisément, au sein du « Comité National d’éthique » (bon d’accord, « consultatif »).
Je ne critique pas tout cela, je mets juste le doigt sur un rapport complexe entre les histoires entremêlées de la France des Lumières et de la France « fille aînée de l’Eglise ».
Quelle Histoire !
En y réfléchissant, tout cela n’est pas si ancien dans notre inconscient et notre mémoire collective.
Finalement, avec une histoire comme celle-là, avoir un Président laïc, chanoine et prédicateur à la fois, ce n’est pas très catholique, mais dans la logique chaotique de notre drolatique république sarkozyque !
Yves DESBORDES
1. Pour aller plus loin, on peut lire dans « Le Monde » du 29 janvier, page 22, une tribune « L’abandon de la neutralité laïque », où l’auteur s’amuse à imaginer un futur président athée convaincu reprenant terme pour terme les phrases de M. Sarkozy en les inversant.
Cela donne par exemple que « « la République a besoin d’athées militants qui ne se laissent pas duper par des espérances illusoires et travaillent à l’amélioration réelle, ici-bas, des conditions d’existence », que la République a besoin d’une « morale débarrassée des fausses transcendances et résolument humaine », que la vocation de prêtre, qui consacre sa vie à un être fantomatique, est de moindre valeur que la vocation d’instituteur… »
Et notre auteur de conclure : « Comment les croyants réagiraient-ils à de telles déclarations ? Favoriseraient-elles la paix civile ? »
2. A noter également, la double page « Disputatio » de Réforme du 31 janvier : sous le titre « La laïcité est-elle menacée ? » :
– Jean Baubérot répond « OUI, le politique n’a pas à prendre parti pour une sorte de religion civile »,
– tandis que Jean-Paul Willaime réplique « NON, prendre en compte notre héritage chrétien ne menace en rien la laïcité ».
Le débat est donc loin d’être terminé !
3. Illustration de cet article : droits réservés.