Bénir, c’est proclamer la paix, agir en faveur de la paix, établir un espace pour la paix. Ici on doit entendre le mot “paix” d’une façon très large, en retournant au terme hébraïque originel: Shalom.
Shalom signifie la plénitude, l’harmonie, la santé, tout ce qui concourt à l’accomplissement de l’homme. Mais ce terme exprime aussi la restauration de l’être, le salut. En proclamant la paix, la bénédiction exprime l’action de Dieu dans la création et la rédemption.
Affirmer la bénédiction
Lorsque Jésus chasse les vendeurs du Temple, sa colère ouvre un espace pour la bénédiction (Matthieu: 21, 12-16). Ce lieu n’était plus un espace de liberté et d’adoration, mais l’objet d’un envahissement. Cette situation évoque tout ce qui surgit en nous et fait opposition au moment où l’on veut faire place au silence, à l’intimité, à la rencontre. Les sollicitations, les préoccupation font barrage.
À l’instar de la colère de Jésus, sans doute sommes-nous appelés parfois à poser des actes clairs, à laisser notre énergie s’exprimer pour rétablir les choses. Dans l’épisode rapporté de l’évangile, il ne faut pas moins que la colère de Jésus pour rétablir l’ordre originel, un espace sabbatique. Alors la rencontre peut avoir lieu: les enfants expriment leur louange d’une façon toute simple et naturelle. Les malades peuvent s’approcher pour être guéris. Le projet de Dieu se réalise.
Mais en même temps, les textes synoptiques nous disent qu’à la suite de cet incident, les ennemis de Jésus s’entendent pour le faire mourir. Ainsi, Jésus signe de sa mort cette œuvre de libération. C’est dire combien, à ses yeux, cet espace pour la bénédiction, au cœur de nos vies, est vital. Il a fallu l’action virulente de Jésus pour que les gens puissent s’approcher de Lui au temple. Jusque là, ils ne le pouvaient pas. Bien sûr, ils ont reçu de Lui de grands bienfaits mais ceux-ci sont un effet de sa présence. Cette simple présence, sa proximité, est bénédiction. C’est à travers la présence de Dieu que s’établit le Shalom, plénitude et harmonie, puissance de restauration personnelle et relationnelle.
Reconnaître la bénédiction
La présence et l’action bénissantes de Dieu sont à l’origine de l’univers mais elles sont aussi à l’origine de ma vie. “C’est Toi qui m’a tissé dans le sein de ma mère. Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse” (Psaume 139, 13-14). “Tu m’as fait sortir du sein maternel. Tu m’as mis en sûreté sur les mamelles de ma mère” (Psaume 22, 10).
Ainsi, mon Dieu, Tu as pris soin de moi dès l’origine. Tu m’as donné des signes d’amour qui m’ont permis de vivre. Sans ces signes, je n’existerais pas. J’ai reçu ainsi la confiance originelle qui est le fondement du développement humain. Il y a eu des dérapages ensuite dans ma vie. Mais j’ai reçu ce fondement, cette grâce d’exister. Si je n’en suis pas conscient, je suis appelé à réaliser que la bénédiction est à l’œuvre pour moi depuis mon origine. Cette prise de conscience est une bénédiction en soi, une nouvelle bénédiction.
“Mon âme, bénis l’Éternel, n’oublie aucun de ses bienfaits”. Cette exhortation à soi-même (Psaume 103) m’appelle à bénir Dieu pour ma vie et, pour cela, à faire mémoire de ma vie. C’est une démarche importante à faire périodiquement. Il y a là un travail en quête de sens, en quête des traces de Dieu. Quel est le fil conducteur pour ma vie?
Je rends grâce pour le bien et, dans les côtés négatifs, je cherche à reconnaître la main de Dieu qui utilise tout. Quand il y a du sens, il y a quelqu’un qui est derrière. Je découvre ce quelqu’un qui est avec moi. Il y a là une attitude à acquérir: savoir reconnaître la présence de Dieu à l’œuvre dans ma vie.
Répandre la bénédiction
“Que l’Éternel te bénisse et te garde. Que l’Éternel fasse luire sa face sur toi et qu’Il t’accorde sa grâce. Que l’Éternel tourne sa face vers toi et qu’Il te donne la paix” (Nombres: 6, 24-26).
La bénédiction d’Aaron, traditionnelle dans le judaïsme, nous introduit dans une attitude de bénédiction.
“Bénissez, ne maudissez pas” nous rappelle Paul (Romains: 12, 14), en écho à la parole de Jésus (Matthieu: 5, 44). Ce précepte nous invite à une attitude intérieure. Bénir les gens autour de nous, c’est avoir un regard positif sur eux, leur souhaiter le meilleur, les mettre intérieurement en relation avec Dieu, invoquer sur eux sa protection.
Pour exprimer à l’autre la bénédiction de Dieu, il faut apprendre à se rendre présent à lui, entrer dans le concret d’une relation. Je me réfère à l’attitude de Jésus lorsqu’Il guérit un sourd muet dans l’évangile de Marc (ch. 7, 23-25). En quelque sorte, Jésus apprivoise cet homme. Il le prend à part, Il entre en proximité avec lui en le touchant. Jésus soupire intérieurement, lève les yeux au Ciel et dit à l’homme: “Ouvre-toi”. Présent à Lui-même dans son soupir, Jésus est présent au Père et exerce une présence de libération vis-à-vis de cet homme.
Pour moi, la parole et la présence sont deux réalités qui doivent aller de pair. Ainsi, bénir l’autre explicitement, c’est se rendre présent à lui et dans l’humilité, se faire simplement le serviteur d’une Parole.
Entrons ensemble dans la bénédiction de Dieu.
Propos recueillis auprès de Jean-Claude Schwab
Saint-Blaise (Suisse)