La rencontre « Elargissons ensemble nos concepts des groupes de maisons » dont un premier compte rendu vous a rappelé le contenu de la matinée ** Voir l’article **, s’est donc poursuivie l’après midi sous la forme de 4 ateliers que les participants pouvaient rejoindre en fonction de leurs centres d’intérêt.

Les thèmes en étaient :
1 –  « interrogeons nos modèles de groupes de maison » : animé par Alex Foote, Eve Soulain, Steve Thrall
2 – « Vers une mentalité d’essaimage permanent » : animé par François Anglade, Ralph Glass, François Foisil,
3 – « interrogeons les jeunes » : animé par Charly Mootien, Priscille de Coninck, Pierre Collas.
4 – « explorons la Bible avec des techniques visuelles » : animé par Henri et Martine Bacher,

 1 –  « interrogeons nos modèles de groupes de maison »

L’atelier s’articulait autour de 5 problématiques :
–    Lien avec une structure plus large
–    Leadership: formation, soutien, supervision
–    Multiplication de petits groupes
–    Valeurs clés
–    Homogène, hétérogène

Synthèse sur le lien avec une structure plus large : L’appui d’une structure plus large, le fait d’avoir un ou des référents extérieurs est une bonne chose car le groupe n’a pas toujours assez de recul sur lui-même pour voir si quelque chose ne va pas, s’il a perdu sa vision. Il est utile d’avoir un soutien pastoral, quelqu’un vers qui se tourner dans les difficultés.

Synthèse sur le leadership et la supervision : il a été fortement souligné l’importance que le leader du petit groupe ne soit pas seul, qu’il sache s’entourer, être prêt à entendre des remarques et à recevoir des conseils.

Synthèse sur la multiplication : Selon le modèle classique, lorsqu’un groupe grandit beaucoup on le dédouble et l’on peut considérer cela comme une dynamique encourageante. Mais cela peut aussi être ressenti comme un revers de la réussite ! Une autre manière d’agir est que, si le groupe grandit, les anciens deviennent leader d’un sous groupe. Exemple : 2 personnes deviennent leaders de 2 sous-groupes mais sans quitter le groupe initial. C’est l’image des racines : tous les membres du groupe fondateur, à l’exception des nouveaux arrivants, se retrouvent leaders d’un nouveau groupe et dans ce cas tous les leaders sont également disciples ce qui encourage l’ensemble.

Synthèse sur les valeurs clés : Il est nécessaire d’avoir au départ une vision et des valeurs claires. Des groupes se forment spontanément sans réflexion préalable sur leur vision et leur but : est-ce l’évangélisation ? L’étude approfondie ? Le partage et la simple convivialité ? etc. Comment le concevoir au début ? On en a souvent une idée intuitive. Le fait d’écrire l’objectif et de le relire de temps en temps aide à se redire où l’on veut aller, si on y va réellement, ou si on a un peu dérapé et si l’on veut alors, soit rectifier le tir, soit redéfinir le projet initial. Cette pratique est bonne pour n’importe quel groupe.

Synthèse sur « homogène / hétérogène » : L’exemple du groupe étudiant pose bien la question. Il est en effet homogène puisque composé de personnes dont la tranche d’âge est réduite mais également hétérogène dans la composition des étudiants qui viennent de milieux différents, font des études différentes et ont des convictions différentes (athée, bouddhiste etc). La tension entre homogène / hétérogène est évidente : l’évangile affirme clairement que le salut est pour tous. Il n’y a plus de différence entre juifs, non juifs dit Paul mais en même temps Jésus s’est incarné dans la peau d’un juif et non d’un grec. De fait on ne peut pas balayer les cultures et concevoir un discours et une pratique a-culturels. Une église s’inscrit toujours dans une culture. L’enjeu est de mettre ces 2 tensions ensemble : le besoin d’aller au-delà de nos cultures et le besoin d’acculturation.

 2 – « Vers une mentalité d’essaimage permanent »

 

Pour une bonne compréhension réciproque l’atelier s’ouvrait sur une définition préalable de quelques mots clefs et un rappel de l’objectif.

Les définitions.

– Essaimage :
Il consiste à fonder une nouvelle cellule de maison à partir d’une cellule-mère qui va continuer d’exister. Une minorité de membres de cette cellule mère va s’implanter ailleurs, dans un quartier ou un village voisin ou dans un milieu social particulier dans le but d’y introduire la semence du royaume… » . Il s’agit donc d’un acte missionnaire.
– Groupe de maison, de quartier… etc :
Nous conviendrons d’appeler « groupes de maison » les groupes qui dépendent d’une structure plus grande (une « église mère ») et d’appeler « églises de maison » ceux qui sont autonomes. (Ce qui ne suppose pas que tout groupe se réunisse forcement dans une maison !).
Il y a aussi des « groupes » dont les membres dépendent de plusieurs églises, qu’on pourrait éventuellement appeler « groupe inter-église »
– Autonomie :
Nous utiliserons ce mot dans le sens de la capacité de décider et d’agir seul et non pas au sens de
« séparatisme » c’est à dire refus de travailler avec les autres. Selon cette approche il est tout à fait
possible d’être autonome et de reconnaître l’interdépendance des membres du Corps de Christ.
– Église :
Il y a une seule Église : le Corps de Christ. Ses limites sont invisibles et Jésus Christ en est le Chef.
Elle se manifeste à travers l’histoire dans des lieux et des cultures différents, par des organisations et
des institutions très variées appelées aussi : églises, œuvres, mouvements, etc. … Celles-ci se sont
montrées plus ou moins adaptées à la mission que le Christ lui a confié : proclamer en Parole et en
Actes la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.

L’objectif :
Il n’est pas de renverser les institutions, ni de mettre les méthodes connues à la poubelle et tout recommencer avec « la » solution mais d’examiner ensemble comment ajuster et optimiser ce que nous faisons déjà « pour que le plus grand nombre soit sauvé » avec l’éclairage que nous apporte la notion d’essaimage.

Le témoignage de Ralph Glass :
« Passionné par les groupes de maison depuis des années, j’ai pris conscience, dans la prière, qu’ils doivent se tourner vers l’extérieur et ne pas rester entre soi, entre chrétiens qui se font du bien. Ce fut comme un appel. J’ai donc essayé de fonctionner ainsi mais, à chaque fois que le nombre atteint aurait permis d’essaimer, l’élan, le leader ou le lieu nécessaire manquait, ou ce n’était pas le bon moment. Bref, les personnes préféraient demeurer ensemble. C’était plus agréable. Après plusieurs années j’en ai conclu : ça ne marche pas. En Corée du Sud oui, mais pas en France. Découragé j’ai arrêté. Puis quelqu’un m’a invité à un atelier sur ce thème à partir d’un livre de Tony et Felicity Dale, « On Commence » ** Voir notre bibliographie **  grâce auquel j’ai compris pourquoi ça ne marchait pas et où j’ai trouvé des solutions aux problèmes rencontrés jusque là. J’ai mis en application les principes recommandés et depuis deux ans une petite dizaine de groupes ont démarré. Voici quelques uns de ces principes :

– Fluidité et flexibilité :
Une des raisons pour lesquelles ça ne fonctionnait pas était l’inadaptation entre l’offre et la demande : ce que l’église proposait ne correspondait pas vraiment aux besoins. Exemples simples : si les gens ne souhaitaient pas se réunir le mardi soir et préféraient le dimanche après midi les responsables de l’église leur répondaient : non, les groupes de maison c’est le mardi soir ; Si les responsables avaient préconisé que les rencontres aient lieu chez un chrétien de longue date mais qu’on n’en trouvait pas, ils abandonnaient le projet.
Aujourd’hui :
Un groupe se réunit depuis deux ans sur mon lieu de travail, il n’est donc pas, à proprement parler, un groupe de maison ; un autre rassemble des personnes qui ne désirent pas rejoindre une institution et se perçoivent comme église autonome ; un troisième est un groupe inter-églises ; un quatrième est un groupe de prière inter-églises où ne se retrouvent que des femmes. Tous sont différents.
Nous avons choisi de nous adapter aux groupes plutôt que d’imposer un même modèle en sorte qu’ils soient tous semblables. Fluidité et flexibilité ont permis l’accroissement de l’essaimage.

– La simplification.
Si on lui donne des outils clairs et simples, on peut proposer à une personne jeune dans la foi d’animer une étude biblique.
Exemple d’outils clairs et simples : s’interroger sur des versets à partir de questions comme :
Qu’est-ce qui pour moi fait flèche, lumière ou point d’interrogation ? Qu’est-ce qui me parle ? Qu’est-ce qui me dit ce qui devrait changer dans ma vie ? Qui m’apparaît et que je n’avais jamais vu ? Qu’est-ce que je ne comprends pas ?
Ce type de questions simples permet de se confronter au texte biblique. Il n’exclut pas de se former, d’approfondir ailleurs et à d’autres moments.
Nous ne disons pas : voici la solution. Nous offrons des techniques « en plus » pouvant accroître l’impact du texte sur ses lecteurs. Chercher toujours l’excellence, placer la barre très haut ne facilitent pas l’essaimage. Mettre les choses à la portée de tous aide, au contraire, un groupe à se reproduire.

– Transmettre, dès le début, l’idée que chaque croyant est témoin.
On pense parfois que nous devons être chrétien depuis un certain temps, avoir reçu une formation biblique ou être baptisé avant de pouvoir témoigner. Le Nouveau Testament  ne semble pas le dire. Considérons par exemple le récit sur la Samaritaine : elle vivait une situation de couple irrégulière, n’était pas au clair sur la doctrine religieuse et pourtant elle court aussitôt dans son village en disant « j’ai rencontré quelqu’un ».
Nous croyons que nous avons à partager notre foi ou ce que Dieu a fait dans nos vies avec les autres. Or, à vrai dire, il ne s’agit pas de parler de nous mais, à partir de ce que Dieu a fait dans nos vies, de témoigner de Jésus Christ, d’être des poteaux indicateurs qui orientent vers Lui, non vers nous-mêmes. Chaque croyant est témoin et peut, à sa mesure, prendre des responsabilités. N’élevons pas une barrière entre deux castes : d’un côté les professionnels, de l’autre les amateurs.

– Aller vers.
Aller vers n’implique pas seulement de sortir de nos locaux plutôt que d’y faire venir. C’est aussi mettre les choses à la portée des gens. La barrière de notre sous-culture érigée au seuil de nos assemblées (notre jargon, nos préconceptions) il nous faut la laisser et parler un langage accessible, compréhensible à tous, et non leur imposer notre culture religieuse.

Ces quelques principes mis en action, j’ai été surpris, épaté par ce que Dieu a réalisé, épaté de voir les groupes se multiplier, de voir que ça marchait, et  c’est ce que je veux partager avec vous : que c’est possible, que ça fonctionne.
Une autre façon « d’aller vers » plutôt que de « faire venir » concerne un changement dans nos attitudes. Exemples : aider sans rien demander en retour ; pour un pasteur, de ressourcer le groupe sans lui demander de ressourcer l’église mère ; offrir des ministères itinérants au lieu d’attendre que les gens se mettent en quête de ceux dont ils ont besoin pour leur formation.

Nous avons modifié le titre de cet atelier pour bien marquer qu’il n’existe pas une seule méthode d’essaimage. Chaque contexte est différent. L’important est de changer de mentalité. Il est essentiel d’essaimer car la société n’est pas impactée avec l’évangile. Mais comment ? Comment aller vers nos contemporains, les aborder, nous  mettre à leur portée ? Je pense au verset de Paul : « Je me rends tout à tous pour que le plus grand nombre soit sauvé ». Et aussi à une phrase qui m’a fortement motivé « Vous avez reçu gratuitement, donnez  gratuitement ». Nos rencontres, au lieu d’être des circuits de bénédiction fermés peuvent devenir des systèmes d’irrigation.

Conclusion et partages
Pour terminer voici une série d’oppositions et une question : peut-on les transformer en complémentarités ?

– 1) Les groupes doivent se multiplier rapidement ou / avoir une certaine taille avant d’essaimer ?
– 2) Les membres doivent être formés avant d’agir ou / chaque croyant doit prendre sa mesure de responsabilité et témoigner à son niveau
– 3) Le petit groupe n’a pas les ressources nécessaires pour répondre aux besoins / un groupe local est mieux adapté pour répondre aux besoins dans son propre contexte
– 4) de l’autorité et de la supervision sont nécessaires pour bien œuvrer dans la mission / l’autonomie du groupe sur le terrain favorise la mission.
– 5) Les gens ont besoin de continuité, de points des repères / l’essaimage induit sans cesse des changements ».

Réactions de plusieurs participants à l’atelier :

« L’alternative N° 5 m’évoque le proverbe : « plus ça change et plus c’est la même chose » et la loi du marketing, de la mode qui veut que ça change toujours sinon les gens n’achèteraient plus. Je crains que cette mentalité ne contamine l’église, qu’on se dise : si nous ne changeons pas c’est que, quelque part, on est visiblement mort. Et à l’inverse, je discerne aussi une sorte de sclérose dans l’église. Ce dilemme suscite en moi beaucoup de questions. Mais oui, je me méfie du « changer sans cesse » sans sabbat où l’on puisse souffler. Cela m’angoisse. »

« Sur l’alternative N°3, il me semble qu’on peut tous commencer à donner sans attendre d’avoir tout discerné, d’avoir toutes les réponses à un problème. Parfois il suffit de se lancer et l’Esprit du Seigneur nous éclaire au fur et à mesure. Par contre il nous faut savoir reconnaître nos limites, pouvoir dire : nous avons fait ce qui nous semblait juste mais là nous ne pouvons pas aller plus loin. Ce qui peut nous aider à tenir les deux positions ensemble entre penser avoir ou ne pas avoir les ressources nécessaires c’est de reconnaître nos limites. »

Témoignage « J’étais dans un groupe de maison dont la taille permettait l’essaimage. Mais dès qu’on abordait la question, les gens se défilaient. Alors, avec mon épouse on s’est dit : la seule manière d’aider ce groupe à avancer serait de le quitter. J’y faisais trop figure de pasteur pour que d’autres osent se lancer dans l’expérience. Privés de leur patriarche, les gens ont compris qu’ils devaient se lancer. Ils angoissaient. Nous avons organisé une petite fête en l’honneur des bonnes années passées ensemble. Quelques mois plus tard deux groupes se sont constitués. Ils ont vécu des choses passionnantes et je reste là pour encourager et soutenir les responsables. On va se retrouver chaque trimestre pour fêter ça. »

« Un groupe qui se scinde pour essaimer ne devrait pas ressentir cela comme un divorce mais comme la fondation d’un nouveau foyer. La relation n’est pas perdue, elle se modifie. Ces oppositions apparentes on doit éviter de les aborder avec un sentiment de tout ou rien. Il y a deuil mais en même temps naissance et continuité. »

« Image proposée : la graine dans le sol qui devient une plante. »

« Il est un paradoxe que j’ai constaté dans un groupe de quartier. Devenu énorme il voulait se scinder et plusieurs étaient prêts à partir fonder une nouveau groupe mais d’autres les retenaient car, dans le groupe, les liens affectifs étaient forts. On cherche la convivialité mais si elle croît on ne peut plus se séparer ! Ce n’est qu’à la longue, quand le nombre fait que le temps de parole de chacun se réduit, que ça bouge. »

« J’ai quelques difficultés avec ce qui a été dit. Premièrement je ne vois pas concrètement ce que signifie « aller vers plutôt que de faire venir ». Deuxièmement, sur les critères rigides, par exemple ceux d’une église où on ne pouvait pas se réunir le dimanche soir, où d’une autre où il fallait être chrétien depuis 20 ans pour être responsables etc. Dans ce genre de formulation tu suggères, Ralph, que tu n’es pas d’accord avec cette mentalité. Et je me dis : avant de partir évangéliser ne peut-on pas faire le point avec la cellule mère ? Se mettre d’accord sur des choses apparemment pas si difficile que ça ? Ne faut-il pas que la confiance règne ? Ceux qui partent doivent avoir la confiance des autres. Ne faudrait-il pas régler ça avant ? »

« L’alternative N°4 m’étonne. Pour moi il peut y avoir continuité : l’autorité bien encadrée, bien menée me permet d’exercer mon ministère librement, induit même et fait surgir de nouveaux ministères. »

« Je reviens sur : aller vers plutôt que de faire venir. Il est vrai que chez les évangéliques on a plutôt tendance à appeler, à appeler après un message, à appeler à venir à l’église alors que bien sûr la mission c’est d’aller vers. Mais où passe t-on le plus de temps dans la vie de l’église ? A l’église. Or le ressourcement et la mission sont les deux faces d’une même pièce, les deux jambes du marcheur. Ne travailler qu’en vue du ressourcement c’est comme marcher sur une jambe. On se fatigue vite. On doit utiliser les deux : venir à et d’aller vers. »

«  Jésus a dit d’aller vers les nations et d’en faire des disciples. Nous, nous invitons les gens à venir dans notre église et nous essayons de les rendre conforme à ce que nous sommes. Or se mêler à la société, fréquenter les gens, s’en faire de vrais amis (et non chasser des têtes pour l’église) c’est ça le vrai témoignage. C’est donner accès à l’évangile à des personnes qui nous voient vivre et peuvent discerner Jésus au travers de nous. »

« Bien, mais est-ce que tu admets que l’autre puisse te transformer ? Imagine que tu veuilles faire connaître le Christ à quelqu’un et que tu t’aperçoives que celui-ci, qui ne connaît pas le Christ, peut aussi te changer (pas forcément contre le Christ) Non seulement tu n’arrives pas à le toucher, mais c’est toi qui est transformé ! Tu t’es enrichi, tu connais même mieux le Christ grâce à lui mais lui ne le connaît toujours pas ! Moi je me suis aperçu qu’à force de vouloir expliquer l’évangile aux gens je n’étais plus à leur écoute. »

« C’est vrai. J’ai lu ce témoignage, celui d’un homme qui s’était installé dans un café (ça se passe aux USA) avec une pancarte devant lui disant : « Je vous offre un café si vous voulais bien écouter mon histoire ». Un seul est venu, pour le café gratuit. Alors il a mis une autre pancarte disant : « Je vous offre un café si vous me racontez votre histoire » et là une foule est venue ! »

« Les notions d’objectif, de schéma me gênent. Ce qui compte c’est la communauté, c’est établir des relations durables, profondes avec les personnes, c’est plus que de l’amitié et c’est ça qui fait vivre les groupes. Moi aussi au départ j’avais un objectif, un schéma construit avec des gens qui pensaient comme moi. Mais ça n’a pas fonctionné comme ça. Le groupe s’est constitué spontanément de lui-même et il est très hétérogène et ce qui le fait fonctionner ce sont les relations qui existent entre nous et je ne me pose même pas la question de l’essaimage car je m’aperçois que naturellement les personnes en appellent d’autres et dans mon groupe il y a des gens qui ne sont pas du tout croyants et ce sont parfois eux les meilleurs missionnaires. Ils ne parlent pas du Christ puisqu’ils ne l’ont pas rencontré mais ils disent « Viens voir, c’est très sympa ». On est entre 20 et 25 mais tous ne peuvent pas toujours venir. On se réunit généralement entre 10 et 15 les derniers vendredis du mois. Le ciment entre nous, ce qui permet en particulier de dépasser les différences culturelles ou de situation (certains sont en grande difficultés) c’est la qualité relationnelle, le fait qu’on est content de se retrouver ».

 

3 – « interrogeons les jeunes » 

 

Question de départ : pourquoi des groupes de maison pour les jeunes ? Est-ce une nécessité et comment coopérer jeunes et vieux dans l’église locale.

– Pourquoi des groupes de maison pour les jeunes ? Parce que les jeunes ont besoin « d’entre soi », ils ont des problématiques qui leur sont propres même si les vieux sont aussi en devenir.

Quelles sont les attentes d’un jeune ? (en vrac) :
Une culture entre soi, rencontrer d’autres jeunes qui affrontent les même soucis que lui, les même problématiques, des relations extérieures, l’amitié, qu’on le prenne au sérieux.
Est-ce très différent de ce à quoi aspire un vieux ? Oui car celui-ci n’est plus autant confronté à son devenir.
Le jeune cherche à développer ses capacités, à trouver sa place, son identité, à donner un sens à sa vie, à développer des certitudes, à être utile dans la société, à trouver une écoute, de l’amour tout simplement !

Qu’attend l’église d’un « bon jeune » ? (en vrac) :
Qu’il découvre le Seigneur et trouve sa place devant Dieu, qu’il s’intègre et s’engage. Dans le pire des cas (assez répandu) : qu’il se taise et qu’il écoute ou qu’il ait déjà une sagesse de vieux ! Qu’il baisse le volume, qu’il propose des projets et obtienne des résultats.
Qu’il apporte ce qu’il est, un regard nouveau, un enthousiasme, des projets. Qu’il s’intéresse aux autres, secoue un peu l’assemblée et remette en cause ses habitudes (ça c’est une attente de pasteur)
Réponse spontanée d’un jeune à la question : trop de choses !
On doit distinguer ce qu’on attend d’un jeune dans la société de ce qu’on attend de lui dans l’église. Mais il y a souvent une corrélation entre les deux.

Que lui propose t-on dans l’église (ou le groupe de maison) ?
Pas grand-chose : d’entrer dans un moule, de boucher les trous là où il y a des besoins sans discerner ses goûts ou ses dons, une place de subalterne. Dans le meilleur des cas, dans le cadre du groupe de jeunes, on peut proposer aux jeunes un laboratoire, un lieu pour innover, entre eux avec l’espoir que cela puisse influer sur toute l’église.

Présentation du groupe biblique « dépoussiérant  ** Voir l’article sur ce site ** .

Nous formons ce qu’on nomme un groupe tribu, c’est à dire assez homogène puisque réunissant des jeunes entre 20 et 26 ans.
Qu’y a t-il dans ce groupe que nous n’avons pas trouvé ailleurs et que nous aimerions trouver ?
On se réunit toutes les deux semaines autour d’une étude biblique, d’un film, d’un office différent (ex : la Pâque orthodoxe) ou d’un débat etc. C’est très varié. L’objectif c’est d’être le plus créatif possible. On organise également des week end autour d’un intervenant. Le groupe est cultuellement assez homogène et cela nous pousse à chercher ailleurs des ressources nouvelles. Une fois des catholiques sont venus nous enseigner leur technique de lecture de l’écriture.

A la question : « Que cherche le jeune ? » une personne a répondu : le jeune se cherche lui-même. C’est exact, le jeune est toujours plus ou moins perdu. Il a besoin de construire son identité et il est manifeste que dans le groupe on se cherche vraiment. Un autre a dit : le jeune ne cherche rien. Il agit ou réagit selon ce qu’on lui propose. C’est également vrai et c’est justement de ça que nous avons voulu sortir pour aller voir ailleurs. Cela nous pesait d’avoir seulement à réagir à ce qui nous était proposé. Nous avons eu envie de prendre le contrôle de nos actions et décisions, et ce n’est pas facile dans une institution qui est lourde. Mais des fois il est nécessaire de s’en éloigner pour trouver un peu d’autonomie.

Le groupe a revalorisé l’expérience personnelle car, dans la culture post moderne le vécu compte plus que le dogme ou la doctrine. Il nous était difficile de vivre dans des églises aux réponses toutes faites qui interdisait de réfléchir et de se dire : OK, on a toujours pensé ainsi, mais pourquoi ? Est-ce si logique, si cohérent que ça ? Aujourd’hui on cherche constamment à confronter ce qui est présenté comme vérité biblique à notre expérience. Et parfois on se dit : non, mon expérience n’est pas d’accord et on est tenté de trancher du côté de l’expérience. Dans nos échanges nous pouvons ressentir comme normal de nous interroger sur les miracles de Jésus au lieu d’y croire sans oser poser de question. Alors que les générations précédentes étaient très attachées aux questions de doctrine, la nouvelle génération, pour qui tout est dans le vécu, explique le texte en fonction de ce qu’elle vit aujourd’hui. Il y a une vraie opposition culturelle à ce sujet et dans notre groupe on s’est clairement positionné dans la post modernité, c’est-à-dire, sans écarter la doctrine, pour la priorité au vécu.

Qu’attendons-nous des vieux ?
Le groupe a balayé toute figure d’autorité. On se considère tous au même niveau. Dans la mesure où celui qui parle du haut de son savoir est l’image même du vieux opposée à celle du jeune qui écoute, il n’y a pas de vieux chez nous. On exprime les choses comme on les sent, librement, en se contredisant etc. Du coup, si on souhaite inviter un intervenant, soit on en invite un qui accepte cette règle, soit on n’invite personne. Si maintenant, face à une question difficile on estime important d’inviter quelqu’un de compétent, capable d’apporter des réponses, on aura comme critère qu’il sache aussi écouter. On rencontre beaucoup de gens qui adorent parler, qui sont d’excellents professeurs de cours magistraux mais ceux qui nous intéressent sont les intervenants qui savent nous écouter avant de vouloir nous enseigner, qui comprennent qu’une question en cache souvent une autre et que derrière celle avancée se pose souvent celle de notre identité.
On attend du vieux qu’il soit une personne ressource, qu’il partage aussi sa différence, qu’il assume sa culture et puisse montrer ses faiblesses car les jeunes  ont aussi besoin de voir que les vieux doutent, sont aussi en devenir, cherche leur vocation et à leur âge c’est parfois plus dur.

Ensuite, une fois en tribu et ressourcé on a fait la démarche inverse : aller vers les autres générations. Et que nous ont appris les vieux ? A découvrir la joie et l’importance du processus, qu’il est souvent plus intéressant de se poser les questions que d’avoir les réponses ! Mais ce n’est pas très facile à comprendre pour les vieux qui ne veulent pas que les jeunes répètent leurs erreurs ! Certes il est des erreurs qui ne sont pas à refaire, pour d’autres l’expérience est inévitable, on a besoin de toucher la flamme pour apprendre que ça fait mal. C’est pourquoi, dans nos choix d’intervenants, on a privilégié les personnes qui posaient les bonnes questions à celles qui donnaient les bonnes réponses.
Maintenant on vous renvoie la balle : à votre idée, comment peut-on avoir des relations intéressantes, pétillantes entre générations ? Qu’est ce que les unes peuvent apporter aux autres ? Dans quel contexte un dialogue intergénérationnel est-il possible dans un groupe de maison ou dans l’église ?

Témoignage :
« Dans une communauté évangélique au fin fond de la France profonde, j’ai participé à un culte dit «  culte projet » organisé justement par toutes les générations : musique animée par des ados et des jeunes adultes, pièce de théâtre jouée par des séniors etc. C’était génial car tous habitaient le même projet et on sentait une réelle homogénéité. Il me semble donc que réaliser des projets très précis ensemble permet de se rapprocher de se découvrir, d’initier des échanges et des dialogues. »

« On peut aussi faire lien en partageant des vécus. Par rapport à un vécu il n’y a pas de contestation possible. Quand les gens parlent de ce qu’ils vivent, de leur expérience de foi ça aide les jeunes comme les vieux dans leur processus car selon moi, un bon vieux comme on dit ici, c’est un vieux qui est encore dans un processus. »

«  En tant que vieux, on est tous le vieux de quelqu’un, est ce que vous avez l’impression d’apparaître comme encore en processus, pour les jeunes ? »
« Certes, mais je pense qu’il faut prendre les choses dans l’autre sens : tout change tellement vite aujourd’hui dans la société que les adultes ont probablement plus à apprendre des jeunes que l’inverse. »

« Jeune ou vieux, ça dépend de la perception de chacun. La notion de jeunesse n’est pas forcément liée aux nombre des années mais au caractère, à l’ouverture d’esprit. Il est des gens de 40 ou 50 ans avenants et pleins d’humour que je ne perçois pas comme vieux et quelques autres de 35 ans qui ont l’air de vrais pépés dans leur manière de penser. Quand on dit « le jeune » j’ai l’impression en fait qu’on parle des ados plutôt que de jeunes adultes. »

« Dans les églises évangéliques je perçois une différence énorme entre des jeunes depuis toujours dans l’église avec leurs parents et des jeunes venus d’ailleurs qui ne sont pas là avec leurs parents depuis toujours. De nombreux jeunes chez nous sont plus mûrs spirituellement et parfois mentalement que beaucoup de vieux. Le clivage jeune/vieux pour moi n’est pas pertinent. Par contre, particulièrement en matière de louange, non seulement les jeunes sont acteurs mais ils apportent de l’air frais. Jeune, si ça correspond à quelque chose c’est à du neuf, du nouveau, du frais. Un jeune qui n’est pas curieux de la vie n’est pas un jeune. Il faut relativiser. »

« Pour favoriser l’échange jeunes/vieux parfois, au culte, nous demandons à un jeune de prêcher ou d’animer et c’est super. Il n’y a pas ceux qui donnent et de l’autre ceux qui reçoivent. La question est : prenons nous les gens au sérieux ? Les valorisons-nous ? Se sentent-ils valorisés. Trop souvent on donne aux jeunes un petit rôle sans grande valeur pour les impliquer mais au fond ce n’est pas vraiment sérieux. Osons les mettre au centre de temps en temps, ça peut secouer mais c’est une façon de dire que chacun à sa place.
Parrainage mais pas paternalisme. »

Témoignage :
« Je reste reconnaissant à l’église qui m’a permis d’animer mon premier culte à 15 ans ! Quand l’église fait confiance à quelqu’un pour animer un culte ça le fait grandir. Or il me semble que nous vivons dans une culture qui veut amuser les jeunes, leurs offrir une foule de divertissements mais qui ne les  responsabilise pas. »

« Nous les vieux avons-nous pensé à la relève ? Rapidement il faut s’entourer de personnes plus jeunes et différentes pour un jour être relayé dans ce que l’on fait. Le mauvais vieux c’est celui qui ne lâche pas son bébé. Le bon vieux c’est celui qui dès le démarrage pense déjà à transmettre ses responsabilités, son œuvre, celui qui se dit : je vais travailler avec des plus jeunes pour que ça puisse continue un jour sans moi.
Il faut aussi être vrai avec les jeunes comme avec les vieux. Moi qui suis une demi-vieille je vais être aussi vraie avec les plus âgés qu’avec les plus jeunes. Il faut avoir de vraies relations. Chacun dans la saison de sa vie, j’aime beaucoup cette expression, vit des choses dures et un jeune peut autant être encouragé par un vieux qu’un vieux par un jeune. En tant qu’humain on cherche d’abord des relations et on doit les vivre dans l’église, pas forcément de façon formelle en faisant prier ensemble un jeune et un vieux mais en permettant les initiatives comme, par exemple, d’imaginer un jeune qui s’approche d’une vieille dame, lui propose de prier pour elle, lui demande s’il peut faire quelque chose pour elle et qu’en retour elle dise moi je vais prier pour toi, pour tes examens. Vivons quelque chose de naturel, de spontanée, sans barrière. »

Et vous les jeunes vous attendez quoi des vieux ?

Pour certains qu’ils soient des personnes ressources, pour tous qu’ils partagent aussi leurs différences, qu’ils assument leur culture et puissent montrer leurs faiblesses car les jeunes ont aussi besoin de voir que les vieux doutent, sont aussi en devenir, cherche leur vocation et à leur âge c’est parfois plus dur.
Et puis la jeunesse c’est un état d’esprit. Les bons vieux sont les vieux qui sont jeunes. Un vieux qui pense tout de suite à la relève et ça nous plaît beaucoup. Mais un bon vieux c’est aussi un vieux qui sait douter et montrer ses faiblesses. Cela nous rassure de voir qu’ils ont aussi des faiblesses. Et puis pour conclure  je vais vous lire ce qu’est un bon vieux selon Cor 13 :
Le bon vieux est patient etc….! »

4 – « Explorons la Bible avec des techniques visuelles »

   ** Voir les VIDEO de Henri Bacher **
** Voir le site Logoscom **

 

 

 Bilan final après la mise en commun des ateliers :

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« La rencontre est inter confessionnelle. On partait de l’a priori que le chrétien, quelque soit son étiquette, avait ce désir d’aller vers l’extérieur et moi qui suis pasteur avec une vue réformée – car, dans l’église réformée de France, les pasteurs doivent travailler avec les personnes qui sont croyantes mais qui ne le disent qu’au pasteur et souvent pas le dimanche matin- donc pour moi c’est un choc de découvrir ici un autre type de chrétiens que ceux avec qui je travaille majoritairement. Cela provoque en moi plus de confiance et m’a encouragé. »

« En étant attentif à l’atelier sur l’essaimage je ressens que l’église ou le groupe de maison ça n’est pas la panacée. On pense que si l’église instituée soignait son leadership, son rapport avec l’autorité, son respect des différents groupes, tout irait bien. Or ce qui est en contrepoint, on l’a entendu dans l’histoire des groupes de maison qui se sont mal passés : des gourous s’y sont installés, il y a eu ceci et cela et au fond c’est vraiment la relation évangélique qui est à maintenir. Le regard des frères, des rencontres comme aujourd’hui devraient permettre à chacun de se dire : tiens, ne serais-je pas coincé quelque part, pourquoi est-ce que je n’avance pas etc. »

« Oui, moi non plus je n’imaginais pas que l’église institutionnelle et les groupes de maison étaient si impliqués l’un dans l’autre. Je réalise que l’un ne va pas sans l’autre et je pense que même si je ne suis ni ecclésiastique et ni intimement lié à une église, j’ai besoin d’elle si je veux faire un groupe car la dérive est possible. On a besoin les uns des autres. Les groupes de maison et l’institution sont les deux facettes d’une même identité. Il faut tendre des ponts entre les deux. »

« Cette complémentarité, serait-ce là un idée à creuser ? »

« Oui car dans les groupes de maison les gens ont à réaliser les valeurs et les apports possibles des institutions, et les institutions doivent comprendre que les groupes de maison ne sont pas des sectes. Il y aurait aussi des pistes de recherche à réaliser avec la notion de leader des deux côtés ».

« Depuis longtemps je me dis que les groupes de maison sont une chose importante car l’église institutionnelle a tendance à se replier, se fermer sur elle-même, non seulement dans l’organisation (sa structure) mais aussi dans le domaine de la foi elle-même. Je suis donc venu avec cet arrière fond et ce qui m’a frappé, auquel j’ai été le plus attentif, ce sont les limites des groupes de maison, en particulier la question du leadership. J’en retiens une question : qu’en est-il de la transmission des groupes de maison ? Et, au-delà, je m’interroge sur le type de formation à proposer et sur qu’est-ce qu’un leader ? »

« Ce qui est dit là me rejoint et m’encourage. Nous sommes plusieurs ici de l’église réformée et de l’église catholique et nos institution ont toutes deux un passé, une histoire, une tradition et parfois leur incapacité à évoluer désespère. Et pourtant, en tout cas dans ma communauté, pointent des signes encourageants. Je vois une dynamique. Tout n’est pas en train de changer mais, dans le domaine institutionnel, on n’est pas dans une opposition pure et dure entre ceux qui mènent une réflexion sur l’innovation et d’autres qui seraient réactionnaires. Dans nos institutions on sent une ouverture mais il faut prier pour nous car ce n’est pas évident. Et je trouve encourageant le degré de tolérance entre ce que j’entends aujourd’hui et ce que je ressens dans mon église, même si la pratique de petits groupes est peu développée chez les réformés. Il y a une ouverture et un désir de bouger. »

« Mon expérience d’évangélique est qu’il y a 20 ans cette ouverture vers l’extérieur n’existait pas. Les évangéliques étaient très contents de faire venir les gens dans leurs églises mais l’idée que les petits groupes pouvaient aussi témoigner et servir la communauté leur était assez étrange, en tout cas dans le milieu que je fréquentais Un réel changement  existe. Et dites-vous que les évangéliques aussi ont leur institution, leur histoire, même si elle est plus courte, et leur tradition ! Je suis donc très heureux de l’interconfessionnalité et de l’ouverture que nous représentons ici. »

« Je suis content de voir que nous avons fondamentalement les même questions, et souvent les mêmes réponses, en étant catholique, réformé ou membre d’une église évangélique et que Jésus nous appelle, non à être catholique, réformé, ou évangélique, mais à être chrétien. C’est une source de joie pour moi. Seule réserve : les ateliers étaient trop courts. »

« Oui, j’ai ressenti cette frustration résultant de notre choix de ne pas faire de cette journée un laboratoire où l’on creuse un sujet mais un lieu où les gens se croisent et se rencontrent. Maintenant nous devrions aller vers une deuxième couche plus pointue, une demi-journée sur un seul sujet, un seul atelier traité en petits groupes suivis d’un partage en grand groupe. Je vous soumets l’idée. »

Remerciements à tous ceux qui ont travaillé dans l’ombre, à ceux qui ont apporté le fond du travail de réflexion, et à ceux qui nous ont soutenus spirituellement.

Françoise Rontard

 

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