Les questions européennes ont défrayé la chronique en France ces derniers mois, dans le cadre du débat portant sur la Constitution européenne soumise à référendum. L’opinion publique s’était rarement autant investie dans les discussions précédant une échéance électorale. Cette Europe construite politiquement par les représentants de ses pays, en prise par les médias, est devenue finalement un signe encourageant, s’agissant de la capacité des citoyens à réinvestir la « chose publique ». Elle les a contraints quelque part à s’intéresser de plus ou moins prêt à la politique.
Mais qu’est-ce que la politique ? Comment se positionner face à elle ? Nous pourrions l’envisager selon un rapport singulier de forces angulaires agissant sur les objets de la cité : C’est l’agir dans la communauté, la ville, la cité. Mais c’est aussi initier et créer. De quoi s’agit-il ? Nous pourrions dire que c’est quelqu’un qui commence une action sur quelque chose de nouveau dans le monde ; un quelque chose a priori quelconque. Il introduit de l’inattendu dans l’imbrication des événements, de l’inconnu dans le connu. Il fait émerger du non donné, sur le fond d’un donné, et cela, sans avoir forcément un but représenté. Il n’y a pas de stratégie dans cet agir. Il ne vise aucun but, ne met en joue aucun ennemi.
En considérant ces flux politiques initiés par les différents registres d’expressions (diplomatie, médias, échanges),… Nous pourrions être tentés de dire que cette politique, démocratique, est une bonne avancée. Elle l’est, si la liberté qui émane de l’action politique produit une cité rayonnante, utile à l’homme qui est son poumon. En effet, la liberté – et cet agir, qui est politique, n’est que la pratique de cette liberté -, est précisément cette capacité d’aller vers ce qui n’est pas encore, c’est dégager un chemin qui ne se proposait pas comme tel, c’est aussi être capable d’imaginer.
L’important ne serait-il pas que notre engagement dans la cité cultive en nous cet “acte politique” sain, engagé et, pour lui donner une tonalité nouvelle dans ce monde troublé, la saveur d’un « sel politique » évangélique, le sel du Christ. Cela me semble intéressant, puisqu’il pourrait provoquer des ouvertures dans le champ chrétien. En tant que personne, le chrétien a souvent du mal à concilier dans sa vie en société la spiritualité avec la politique, entendue comme ce processus concret, utile pour le devenir collectif culturel qui nous est proche. Je conçois bien la spécificité de chacun des domaines. Cependant, le mur virtuel – mais bien réel – que l’on dresse entre eux ne me semble pas utile. Il suffirait plutôt de construire des passerelles. Cela demande d’initier des actes propres à la vie de la cité, de notre cité, de notre région. Initier des actes participant aux intérêts vitaux et fonctionnels de nos concitoyens. J’ose dire que le rôle de la prière, en adéquation avec la Parole de Dieu intégrée dans notre époque et notre culture, sera le moteur de ces actes initiateurs. Ce qui veut dire que nous ne voulons pas initier pour initier, mais initier parce que le Saint-Esprit déchiffre en nous et pour nous les hommes, le chemin de ces initiatives – je dirai, de ces offensives.
J’en ai eu expérience au sein d’un centre social qui veut s’engager auprès des citoyens locaux. Son projet veut inciter et accompagner les habitants à s’engager d’eux-mêmes par toutes sortes d’actions qui permettent de concrétiser l’utopie d’un meilleur vivre ensemble. C’est cette utopie « réaliste » qui est le moteur de ses actions. En tant que coprésident de ce centre, il a fallu propulser la vision par un engagement politique local, auprès de la ville, en soutenant le projet au côté des professionnels. Ce témoignage « politique » a permis à plusieurs politiques, professionnels, habitants de prendre au sérieux ma position chrétienne et ma fonction de Pasteur. Certains viennent d’eux-mêmes poser des questions sur la foi, la vie chrétienne. Leurs interrogations partaient de ce que nous vivions ensemble et s’ouvraient pour recevoir quelques réponses tirées de l’évangile. C’est là que l’agir spirituel prend sa place, presque naturellement. Et nous avons besoin de l’assistance du Christ pour que l’agir spirituel porte son fruit au travers de l’agir politique.