Comment le message chrétien, dans son expression dominante, est-il reçu dans une culture « relativiste » ? Mais on peut se demander quel est le contenu exact de ce message lorsqu’il est formulé aujourd’hui en des termes qui dépendent pour une part de l’héritage de la chrétienté et qui, à un certain moment de l’histoire, s’affichent dans le contexte d’une culture occidentale. Ainsi les difficultés et les oppositions dans la réception de ce message appellent une réflexion qui ne soit pas seulement sociologique, mais aussi théologique pour mettre à portée l’inspiration des origines en regard des interrogations contemporaines. Dans un livre intitulé : « L’ébranlement de l’universalisme occidental » (1), le sociologue Gérard Masson traite des « relectures et transmissions de l’héritage chrétien dans la culture relativiste ».
Une culture en mouvement
Tout d’abord, tout en décrivant cette culture « relativiste » qu’on peut également qualifier de « post-moderne » ou d’« ultra moderne », Gérard Masson met en valeur la continuation des valeurs chrétiennes dans notre culture. Simplement, le mode d’expression de celles-ci change. Comme le montre la sociologue britannique, Grace Davie dans son livre : « Europe. The exceptional case » (2), le déclin des églises n’entraîne pas nécessairement un abandon des croyances. On peut croire sans appartenir (« believing without belonging »). Dans son livre : « Le pèlerin et le converti » (3), Danièle Hervieu-Léger met également en valeur la persistance des aspirations religieuses : « La croyance ne disparaît pas, elle se multiplie et se diversifie, en même temps que se fissure, plus ou moins profondément selon les pays, les dispositifs de son encadrement institutionnel » (p 45). Et elle montre la manière dont les croyances sont examinées et réinterprétées dans un contexte « marqué de façon croissante par l’individualisation, la relativisation, le pragmatisme ».
Cependant, les transformations en cours dans notre culture suscitent des réactions très différentes. Certaines se traduisent par une attitude défensive, une crispation dans un retour en arrière vers un passé mythique. C’est le fondamentalisme, et, dans une forme plus modérée, le traditionalisme. En regard, dans un vaste public, une évolution se manifeste progressivement dans l’acceptation et la reconnaissance de la diversité. Gérard Masson met en évidence les représentations nouvelles dans toute leur variété. « Le débat n’est pas seulement et d’abord entre fondamentalisme et relativisme, mais à l’intérieur entre ceux qui affirmant que « tout se vaut », refusent en fait tout dialogue « de fond » et ceux qui, attachés, sans les « sacraliser » à leurs valeurs particulières, marquées par une histoire, s’engagent dans le risque d’une confrontation avec celle des autres, acceptent leur « remise en cause », dans la recherche d’une avancée de la communauté humaine » (p 24). « Entre fondamentalisme, crispation identitaire et individualisme exacerbé, c’est le « cosmopolitisme de l’écoute » (p 24). Les chrétiens participent à l’ambiance de leur temps. Il y a ceux qui « acceptant de vivre avec l’ébranlement des certitudes, pour le moins, s’interrogent sur leur bien-fondé, percevant toute parole humaine comme plus ou moins relative » (p 64). Gérard Masson parle de « croyances modestes » et de « croyants modestes ».
Le parcours des valeurs
Comme l’indique le sous titre de l’ouvrage : « Relectures et transmissions de l’héritage chrétien dans une culture relativiste », l’auteur étudie à la fois la perception actuelle de cet héritage et apporte des propositions et des suggestions pour la transmission de celui-ci dans des formes nouvelles. Gérard Masson décrit ainsi la désacralisation des valeurs à partir de réflexions de philosophes et de sociologues comme André Comte-Sponville, Luc Ferry, Marcel Gauchet, Gianni Vattimo. Si la religion recule, les valeurs qu’elle a accompagnées, sont toujours là. Et par ailleurs, à l’échelle de la société, des références communes demeurent dans l’imaginaire, dans les « rites et symboles médiatisés ». Si chaque individu trace son chemin, « toutes les valeurs collectives n’ont pas disparu » (p 41)
Communiquer le message chrétien ?
Dans ce contexte, comment le message chrétien peut-il être communiqué ? La démarche de Gérard Masson est bien exprimée dans le titre suivant : « Dans la remise en cause des dogmatisme, la croyance reconsidérée » (p 17). En effet, tout au long de ce livre, l’auteur attribue, pour une bonne part, la défiance vis-à-vis du message chrétien à l’absolutisme dans lequel il a été exprimé par l’Eglise et les représentations de Dieu qui vont de pair. « L’image globale du christianisme dans le grand public qui perçoit la religion à travers le discours médiatisé de ses responsables les plus « autorisés » (En France, celui de l’Eglise catholique » reste celle d’un message de certitudes absolues, indiscutables, éternelles qui s’appuie sur une image correspondante de Dieu… ». Cette absolutisation du discours religieux ne se retrouve pas seulement dans quelques grandes déclarations officielles. Elle peut apparaître aussi dans la prédication habituelle… La référence « fondamentaliste » se retrouve encore en négatif, dans des descriptions du monde moderne de certains responsables religieux pour lesquels une société qui conteste ou ignore les certitudes de jadis ne peut qu’être livrée au règne du « relativisme absolu » (p 71). Si cette allergie vis à vis d’une absolutisation du discours s’exerce principalement vis à vis de l’Eglise, elle se manifeste également vis à vis du dogmatisme qui perdure dans des idéologies aujourd’hui en perte de vitesse comme celles qui avaient sacralisé le progrès, la raison, la science.
Dès lors, pour une partie de la population, c’est dans l’écoute de la différence et de la diversité que se joue « la capacité du christianisme de participer, comme vision cohérente, vivante, célébrante au dialogue de ceux qui cherchent à trouver un chemin d’humanité après l’ébranlement d’une vérité fondée sur l’imposition de certitudes absolues » (p 76).
Réexprimer le message chrétien.
Réexprimer le message chrétien dans le nouveau contexte culturel requiert un changement majeur dans le discours « de et sur la religion ». Gérard Masson explicite ce changement dans un chapitre intitulé : « Du fondement absolu à l’enjeu espéré : un autre chemin du sujet croyant » (p109) jalonné par les propositions suivantes : « Partir de Dieu… partir du sujet croyant : d’une conception « métaphysique » à une « approche anthropologique » (p 109-111) et « Du Dieu éternel et tout puissant, « grand horloger » à l’absolu comme enjeu espéré » (p 112-118). La question religieuse se constitue à partir de la conscience de l’homme. Elle ne peut plus se développer à partir d’une conception de Dieu dans laquelle celui-ci apparaît comme s’imposant de l’extérieur.
Manifestement, le déphasage entre l’affirmation religieuse traditionnelle et la démarche nouvelle de l’homme appelle une réflexion théologique. Et, sur ce plan, Gérard Masson esquisse quelques pistes :
« Relire le message biblique et la spécificité chrétienne dans la perspective anthropologique de ce nouvel univers mental dessinant « un sens inhérent à l’existence qui se réalise dans le devenir même du parcours humain » (p 116).
« S’appuyer sur l’annonce de Jésus comme « image de Dieu à travers l’événement pascal, selon la lecture transmise par St Paul en Philippiens 2. 5-11 « Lui qui était en condition de Dieu… s’est vidé lui-même prenant la forme d’un esclave… ». Etre chrétien, c’est alors reconnaître Dieu dans ce visage… et c’est le suivre dans une voie de dépouillement… » (p 116).
« Relire l’alliance de Dieu avec l’homme dans l’histoire biblique qui nous montre un Dieu relationnel, ce qui justifie la thèse de Luther selon laquelle l’objet de la théologie n’est pas Dieu, mais Dieu et l’homme » (p 117).
« Reconnaître la dimension eschatologique de la foi dans le Dieu d’Abraham et de Jésus, une foi qui, s’appuyant non sur un fondement absolu, mais sur une œuvre déjà commencée et à poursuivre dans notre expérience humaine, est essentiellement espérance » (p 118).
Une incitation à la réflexion
Ce bref aperçu du livre de Gérard Masson est une invitation à lire cet ouvrage à la fois dense et accessible. Cette lecture nous incite à exprimer quelques réflexions en guise de commentaire. Ce texte, bien étayé et argumenté, nous renvoie personnellement à l’œuvre de sociologues que nous fréquentons dans notre travail de recherche. Dans l’analyse des processus, si les accents peuvent être différents, il y a beaucoup de points communs entre leurs analyses et celles de Gérard Masson. Notre questionnement portera davantage sur les interprétations théologiques que l’auteur propose en regard.
Une perspective internationale.
Nous voulons nous situer dans une dimension historique et une perspective internationale. Comme Gérard Masson, il nous paraît que les comportements de l’Eglise hérités des siècles de chrétienté ont engendré et engendrent encore, en réaction, une recherche de liberté par rapport à une doctrine étroitement liée à un appareil hiérarchique. Aujourd’hui, nous ne sommes pas seulement dans une période post ou ultra moderne, mais aussi, comme l’a montré le beau livre de Stuart Murray : « Post-Christendom » (4), nous sommes entrés dans une période de post-chrétienté qui requiert de notre part un inventaire et une invention.
Aujourd’hui, dans des contextes géographiques différents, le même problème se pose. Comment exprimer la foi chrétienne aujourd’hui ? Pour élargir notre horizon, il est bon d’aller au delà de ce qui se vit et se déclare actuellement dans le contexte français. Et, puisque cette évolution se développe à l’échelle internationale, quelles sont les variantes dans les analyses et les approches ? Ainsi, on ira voir de ce qui se joue actuellement dans le courant de l’Eglise émergente (5). Et nous interrogerons le livre récent de Harvey Cox : « The future of faith » (6). Sociologue et théologien américain, Harvey Cox a couvert plusieurs décennies dans son œuvre depuis son livre sur « la cité séculière » au début des années 60 jusqu’à celui sur « le retour de Dieu. Voyage en pays pentecôtiste » publié en 1995. Ces deux titres témoignent d’une évolution très importante dans la perception du religieux dans la seconde moitié du XXe siècle et ce, à l’échelle internationale. Le mouvement se poursuit.
Dans les observations de Gérard Masson, il y a effectivement des invariants comme la relativisation de l’héritage religieux de la chrétienté tel qu’il est encore plus ou moins présent dans les institutions religieuses et leurs discours. Mais, au cours des dernières décennies, il y a eu aussi des changements importants dans les mentalités, et notamment, à l’échelle internationale, une montée des aspirations spirituelles et des préoccupations religieuses. On doit s’interroger sur les facteurs qui interviennent dans ce changement. Si la puissance de l’absolutisme s’effrite, alors le rejet du religieux diminue parallèlement. Y aurait-il un début de recomposition après la décomposition ?
La place croissante de l’expérience.
Surtout, de nouvelles approches s’affirment. C’est l’importance croissante accordée à l’expérience, jusqu’à une véritable primauté de celle-ci comme le montre Harvey Cox. Alors, la question religieuse se pose de moins en moins en terme de débat intellectuel. Ici la vérité n’est plus la résultante d’une démonstration soumise à un doute qui puisse lui être opposée dans un contexte relativiste. Si le dialogue est toujours en nécessité vitale, il se déplace et, nous semble-t-il, ne nécessite plus des mises en garde comme la nécessité de « croyances modestes ». Dans le registre de l’expérience, la vérité est de l’ordre de la conviction personnelle. Cette conviction se communique en terme de proposition et non de démonstrations. La forme du témoignage est privilégiée. Mais, dans le même mouvement, l’expérience spirituelle requiert un éclairage. Elle appelle une recherche sur les représentations qui peuvent éclairer cette expérience, souvent dans un dialogue avec des pairs qui permet une validation. C’est là que peut se situer l’apport de la théologie.
En France, nous sommes maintenant bien entrés dans cette ambiance nouvelle. Au cours de la dernière enquête sur les valeurs des européens (7), en réponse à une question nouvellement introduite, 47% des français ont déclaré « avoir leur propre manière d’être en contact avec le divin sans avoir besoin des églises ou des services religieux ».
Aujourd’hui, le visage du christianisme est ainsi en pleine transformation. Au cours des dernières décennies, à travers les mouvements pentecôtistes et charismatiques, mais aussi des formes plus contemplatives, une nouvelle manière de vivre la foi est apparue.
Ainsi Harvey Cox n’hésite pas à dire qu’après un Age de la Croyance (« Age of Belief »), nous sommes entrés dans un Age de l’Esprit (« Age of spirit ». En regard, on a besoin d’une théologie de l’expérience, d’une théologie de l’Esprit (8).
Une conscience collective
Le changement s’opère également aujourd’hui sous un autre aspect : une interrelation croissante entre des réalités jusque là séparées. En relation avec la mutation des moyens de communication, dans le mouvement de la globalisation du monde, on observe un abaissement des barrières et une intensification des relations et des connexions.
Comme l’écrit Pierre Lévy, dans son livre : « World philosophie » (9), « Depuis la fin du XXè siècle, l’humanité unit ses capacités de perception et de création en constituant progressivement une seule intelligence collective interconnectée dont la communauté scientifique internationale, le marché mondial, l’expression du cyberspace, et la compréhension croissante du caractère universel des religions sont les meilleurs signes. De plus en plus de gens deviennent des chercheurs associés ».
Cependant, cette évolution est une étape dans une évolution à long terme. Dès 1950, dans une vision, prophétique, Teilhard de Chardin (10) énonçait comme un « phénomène », le développement d’un processus d’unification de l’humanité : « Autour de nous, en quelques générations, toutes sortes de liens économiques et culturels se sont nouées, qui vont se multiplier en progression géométrique. Un grand corps est en train de naître… » . Et, sous le terme de « noosphère », Teilhard de Chardin annonçait une collectivité harmonisée des consciences équivalente à une sorte de superconscience… ». Aujourd’hui, cette vision commence à se réaliser dans le cyberspace.
Ce grand mouvement de communication et de rapprochement intervient également dans le domaine intellectuel. On assiste au développement d’approches systémiques et holistiques. Science et foi commencent à dialoguer comme des approches de recherche de sens, distinctes, mais complémentaires (11). Il y a bien relativisation de savoirs passés, mais de nouvelles synthèses s’élaborent. Si l’universalisme occidental est ébranlé, un nouvel universalisme s’esquisse, incluant les apports de celui-ci.
Primauté de la relation.
Dans cette évolution, on prend de plus en plus conscience de l’importance de la relation. Ainsi a-t-on pu définir la spiritualité comme une « conscience relationnelle » avec Dieu, avec la nature, avec les êtres humains, avec soi-même (12). Et de même, on perçoit un désir croissant de convivialité. Celui-ci s’exprime par exemple dans la recherche des gens engagés dans l’Eglise émergente et dans les cours Alpha. Ce mouvement requiert une autre vision de l’Eglise telle que nous la propose Dwight Friesen dans son livre : « The kingdom connected » (13). Cet ouvrage s’appuie sur le nouveau paradigme qui inspire notre compréhension de la société et de la culture nouvelle en train d’apparaître aujourd’hui : « Nous voyons », écrit-il, « avec une force poignante que la séparation et la division ne sont pas la vérité la plus profonde de la vie. Au contraire, nous commençons à voir que, sous l’apparence de la division, il y a une connexion encore plus profonde qui ne peut être interrompue. Cette connexion profonde relie ensemble toute l’humanité et même toute la création au sein de son créateur… Certains appellent cette réalité le « tissu de la vie ». Jésus nous la révèle comme le « Royaume de Dieu ». Le renouvellement de la pensée sur « Dieu trinitaire » comme un Dieu relationnel, communion d’amour, accompagne ce mouvement sur le registre théologique.
La vision écologique.
L’approche écologique témoigne de ce mouvement d’unification. On y prend conscience que l’humanité s’inscrit dans la nature et qu’elle doit la respecter. On découvre comment une certaine conception de Dieu, de l’homme et du monde a engendré l’exploitation des ressources naturelles et une oppression du vivant. En regard, une théologie nouvelle de la création est apparue. Dans le « Rire de l’Univers » (14), Jean Bastaire nous propose un recueil de textes de Jürgen Moltmann comme « un traité de christianisme écologique ».
Une nouvelle approche théologique.
Nous venons d’évoquer un ensemble de transformations profondes qui ont modifié et continuent aujourd’hui à transformer la société et la culture dans un mouvement de fond à l’échelle internationale. Dès lors, les représentations et les comportements se transforment. Comment les chrétiens peuvent-il témoigner de leur foi dans cette nouvelle conjoncture ? Nous avons vu que l’empreinte négative d’un certain héritage du passé, celui de la chrétienté dans son visage impérial et hiérarchique exerçait un rôle très négatif dans la communication du message de l’évangile. Dans les dernières décennies, l’écart entre l’univers religieux et le mouvement de la culture s’est poursuivi, voire accru. Mais en même temps, des horizons nouveaux apparaissent. Les lignes bougent. Et, par là, certains thèmes de contestation n’ont plus la même actualité. Par exemple, si telle institution religieuse reste empêtrée dans son passé, elle subit les effets de son inadéquation. Son pouvoir et son influence diminuent, et donc, en même temps, ses effets de nuisance. Et on constate de plus en plus par ailleurs qu’une spiritualité nouvelle est en train d’apparaître dans le sillage de changements sociaux et culturels. Nous pensons au développement d’une approche expérientielle, à l’importance accrue portée aux relations, à la convivialité, à la montée de la conscience d’une réalité qui nous dépasse et d’une harmonie qui nous appelle, à une redécouverte de la nature… Pour que ces réalités soient parfaitement exprimées dans le message chrétien, de nouvelles approches théologiques sont nécessaires, des approches qui rompent avec certains héritages qui ont perverti le message évangélique, et qui, à partir de la parole biblique, permettent de donner une pleine signification aux représentations qui émergent aujourd’hui, à notre sens, dans la mouvance de l’Esprit. Nous trouvons cette démarche dans la pensée originale et novatrice d’un grand théologien : Jürgen Moltmann (15). Moltmann nous aide à voir Dieu, non comme un potentat, mais comme un Dieu trinitaire, relationnel dans une communion d’amour réciproque et partagée, dans une présence à la fois transcendante et immanente, un Dieu à la fois présent dans la création suscitée et animée par Lui et dans l’histoire de l’humanité comme libérateur et partenaire, source d’une dynamique d’espérance. En ce Dieu là, l’Esprit donne la vie. En Christ ressuscité, nous entrons dans un mouvement vers un univers nouveau où Dieu sera tout en tous.
Autour du livre de Gérard Masson : un dialogue.
La lecture du livre de Gérard Masson sur ‘Relectures et transmissions de l’héritage chrétien dans une culture « relativiste »’ nous a ainsi permis de développer une réflexion sur le parcours du message chrétien dans la France et dans le monde d’aujourd’hui. Cet ouvrage intervient à un certain moment de la conjoncture. Il répond aux interrogations d’un milieu qui ressent encore la pression d’une institution marquée par les séquelles du passé et qui cherche des voies pour exprimer le message chrétien dans un univers nouveau. Dans ce contexte, il ouvre des voies à de nouvelles formes de communication.
À partir d’un cheminement intellectuel nourri par une dimension chrétienne interconfessionnelle, une ouverture internationale et une expérience professionnelle dans les sciences sociales, après avoir montré l’apport substantiel du livre de Gérard Masson, nous avons cherché à apporter des éclairages complémentaires dans cette réalité plurielle toujours en mouvement à laquelle nous sommes confrontés. Au delà d’un contexte à la fois marqué par la défiance engendrée par le discours « absolutiste » d’une institution hiérarchique, du trouble qu’elle engendre ainsi par son déphasage chez beaucoup de chrétiens catholiques, du climat relativiste qui prévaut, il nous paraît que, dans une perspective plus large, la dynamique qui est apparue dans les dernières décennies, ouvre des voies nouvelles pour une expression de convictions en phase avec les questionnements de nos contemporains dans la réciprocité d’un dialogue. C’est une vision habitée par l’espérance.
Jean Hassenforder
(1) Masson (Gérard). L’ébranlement de l’universalisme occidental. Relectures et transmissions de l’héritage chrétien dans une culture « relativiste ». L’Harmattan, 2009 ** Voir la liste des publications de Gérard Masson **
(2) Davie (Grace). Europe, the exceptional case. Parameters of faith in the modern world. Darton, Longman and Todd, 2002. ** Lire une présentation sur ce site ** « Le christianisme en Europe. Quelles perspectives ? »
(3) Hervieu-Léger (Danièle). Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement. Flammarion, 1999. Publié il y a déjà une décennie, constamment réédité, ce livre continue à nourrir puissamment notre regard et notre analyse. La mise en évidence de deux démarches, celle du converti et celle du pèlerin reste tout à fait pertinente. L’analyse de Gérard Masson s’applique à la population des pèlerins. ** Lire un interview de Danièle Hervieu-Léger sur ce site ** « L’autonomie croyante. Questions pour les église ».
(4) Murray (Suart). Post-christendom. Church and mission in a strange new world. Paternoster, 2004. À partir d’une analyse historique, ce livre permet de comprendre comment la culture de la chrétienté, dans son écart avec le message évangélique, influence encore non seulement les structures, mais aussi les représentations (par exemple de Dieu) et les pratiques, provoquant un déphasage avec les gens d’aujourd’hui.** Lire une présentation sur ce site **« Faire église en post-chrétienté »
(5) Depuis dix ans, le groupe de recherche de Témoins étudie et fait connaître le courant de l’Eglise émergente. Un article récent ** Lire sur ce site ** esquisse un bilan des travaux sur l’Eglise émergente : « Le courant de l’Eglise émergente. Dix ans de recherche »
(6) Cox (Harvey). The future of faith. Harper one, 1999. A partir d’une expérience et d’une recherche qui s’étend sur un demi siècle, Harvey Cox présente une perspective historique : L’âge de la Foi, l’âge de la Croyance et aujourd’hui, un grand tournant : l’âge de l’Esprit. ** Lire une présentation sur ce site ** : « Quel horizon pour la foi chrétienne ? The future of faith »
(7) Bréchon (Pierre), Tchernia (Jean-François), dir. La France à travers ses valeurs ; Armand Colin, 2009. ** Lire une présentation sur ce site ** : « L’émergence d’un nouveau paysage religieux en France. Croire sans appartenir ».
(8) Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999.
Ce livre a ouvert notre regard et apporté une vision. ** Voir le blog sur la pensée de Moltmann **
(9) Lévy (Pierre). World philosophie. Odile Jacob, 2000. Le développement d’internet a engendré une nouvelle culture. Sur ce site : ** Lire une présentation sur ce site ** « Les chrétiens et internet. Une nouvelle dimension »
(10) Teilhard de Chardin (Pierre). Le phénomène humain. Seuil, 1955
(11) En France, un pionnier de cette nouvelle approche, Jean Staune, a écrit des livres majeurs. Notamment : Staune (Jean). Notre existence a-t-elle un sens ? Une enquête scientifique et philosophique. Presses de la Renaissance, 2007.** Lire une présentation sur ce site ** « Notre existence a-t-elle un sens ? »
(12) Hay (David). Something there. The biology of human spirit. Darton, Longman, Todd, 2006. À partir d’une enquête par interview auprès d’enfants, David Hay et Rebecca Nye font émerger cette définition de la spiritualité comme « conscience relationnelle ». L’attention portée à la relation rejoint la place centrale de l’amour dans le message de Jésus. Par ailleurs, le livre de David Hay met en évidence la réalité des expériences spirituelles et la montée des aspirations spirituelles dans la société d’aujourd’hui. ** Lire une présentation sur ce site ** Sur ce site : « La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. Une recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui ».
(13) Friesen (Dwight J). Thy kingdom connected. What the church can learn from Facebook, the internet and other networks. Baker books, 2009. « Thy kindom connected apporte le paradigme interrelationnel d’un Royaume de Dieu connecté qui nous permet de mieux voir Dieu, l’humanité et toute la création en connexion ».** Lire une présentation sur ce site ** « Le royaume de Dieu. Un univers interconnecté »
(14) Moltmann (Jürgen). Le rire de l’univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie réalisé et présentée par Jean Bastaire. Cerf, 2004. À partir de textes extraits de « Dieu dans la création », « Trinité et Royaume de Dieu », « Jésus, le messie de Dieu », « La venue de Dieu » (Cerf)
(15) La vie et la pensée de Jürgen Moltmann à travers son autobiographie : « Une théologie pour notre temps », ** Voir sur ce site ** Un exemple de la pertinence de la pensée de Motmann : en réaction contre une conception de Dieu à l’image des empereurs et des rois de l’antiquité, avec un accent sur la toute puissance, on note un rejet chez des auteurs contemporains comme Luc Ferry, André Comte-Sponville, Jérémie Rifkin. Jürgen Moltmann rend possible un dialogue sur de nouvelles bases, car sa représentation de Dieu met l’accent sur l’immanence tout autant que sur la transcendance de Dieu. Ainsi l’œuvre de Dieu peut être perçue dans l’humanité et dans la nature. Sur la pensée de Moltmann, ** Voir le blog **