Une approche de Brian McLaren dans son livre, ‘Life after Doom’

Pionnier de l’Église émergente, puis d’un ‘nouveau genre de christianisme’, Brian McLaren (1) aborde dans un nouveau livre : ‘Life after Doom’ (2), une question vitale : l’avenir de l’humanité menacée par un effondrement écologique et social et la manière de faire face à cet immense péril.

« ‘Life after Doom’ est une sobre analyse de la situation où nous nous trouvons en présence d’un effondrement potentiel du climat, de la société et de l’économie C’est une exploration profonde et perspicace concernant une manière de bien vivre, de maintenir une résilience, et de grandir en sagesse, amour et espérance, en face des nations, des écosystèmes, des économies, des religions et des autres institutions en désarroi » (page de couverture).

Jusqu’ici, Brian McLaren nous avait fait part de son chemin de foi (3), inspirant le courant des églises émergentes, répondant aux questionnements spirituels, proposant un mouvement rassemblant des chrétiens pour répondre, à l’échelle internationale, aux grands défis de notre temps (4). Le voici engagé dans un champ nouveau, la crise écologique qui s’allie à une crise sociale, un phénomène qui menace l’avenir de l’humanité et donc un enjeu à nul autre pareil. L’auteur aborde cette question à partir de toutes les ressources disponibles et s’engage dans un grand questionnement pour ouvrir une voie de réponse au plan spirituel et au plan chrétien.

Ce livre se déroule selon le plan suivant : en quatre grandes parties : laisser aller : un chemin de descente (a path of descent) ; laisser être : un lieu de prises de conscience ( a place of insight) ; laisser venir : un chemin de résilience (a path of resilience) ; se mettre en liberté : un chemin d’engagement agile (a path of agile engagement). Dans chaque partie, certains chapitres sont particulièrement éclairants. La première partie traite de l’état des lieux. La survie de l’humanité est en jeu. Quelles sont les idéologies religieuses et économiques délétères ? La deuxième partie nous apporte des perspectives et des éclairages comme la prise en compte des sagesses autochtones et, en conséquence, une manière nouvelle de lire la Bible. Dans la troisième partie, la recherche porte sur les manières de mieux supporter et de faire face. Enfin, dans la quatrième partie, l’auteur nous propose des horizons d’élévation, de l’émerveillement à une vision de la lumière.

Une historienne américaine, très engagée dans la vie du christianisme aux Etats-Unis et y mettant en évidence les chemins nouveaux qui s’y esquissent, Diana Butler Bass, dont nous avons présenté certains de ses livres, fait l’éloge de cet ouvrage de Brian Mclaren :

« Un livre d’une rare sagesse, authentiquement profond, en profondeur et en champ ».

« Naturellement, ‘Life after Doom’ porte sur l’effondrement – et les changements massifs inévitables qui se dérouleront en conséquence. D’une manière réaliste, le livre explore quatre scénarios potentiels pour l’avenir : (a) l’évitement de l’effondrement, (b) effondrement/renaissance, (c) Effondrement/survie, (d) Effondrement /extinction. Pratiquement, ils portent tous sur l’effondrement. Mais Brian McLaren explore aussi un quadruple chemin d’espérance, joie, foi, beauté et amour, au milieu de ces réalités déstabilisantes. De nombreuses manières, une conception radicale de l’espérance est le premier pas vers une vie pleine de sens à une époque déstabilisante » (4).

Dans ce livre, Brian McLaren aborde le thème d’une humanité aujourd’hui menacée sous différents aspects que nous couvrirons par ailleurs. Cependant nous présenterons ici son approche de la culture des peuples premiers. Il met l’accent sur l’oppression exercée, pendant des siècles de conquête et de colonisation à l’encontre des peuples autochtones. La violence manifestée envers eux va de pair avec la violence qui entraine la dégradation de la nature et du climat. A l’inverse, on peut constater, chez les peuples autochtones, une conception de la vie en phase avec le vivant et la nature. Cette conception de la vie s’exprime dans une sagesse. Brian McLaren met en évidence cette sagesse et il nous montre comment les Écritures Bibliques ont été formulées dans le contexte d’un peuple, le peuple hébreu, qui s’inscrit dans les caractéristiques d’une culture autochtone. Avec lui, nous allons apprendre à lire la Bible selon la culture des peuples premiers.

 

Conscient de l’oppression exercée dans l’histoire à l’encontre des peuples premiers, apprécier l’apport de la sagesse tutélaire des peuples premiers

Comment Brian McLaren en est-il venu à accorder une importance majeure à la sagesse des peuples premiers ? Il nous raconte l’évolution de sa pensée, étape après étape. Tout d’abord, quelle était la tonalité dominante de l’enseignement lorsqu’il était enfant et adolescent ? De fait, on y exaltait les figures marquantes de l’expansion européenne sans évoquer le revers de la médaille. « J’ai grandi dans les années 1950 et 1960, et, en commençant par l’école élémentaire, on nous introduisait à Christophe Colomb, Hernan Cortez, François Pizarre comme des grands héros à admirer. Nous les appelions explorateurs. Dans la foulée, ils furent suivis par ceux que nous appelions ‘pionniers’ ou ‘colons’. Les mots : ‘conquistadors’ et ‘colons’ étaient approximativement synonymes de ‘vainqueurs’. C’était la bonne version de l’histoire à laquelle nous étions fiers d’être associés » (p 121).

Ensuite, devenu jeune adulte, Brian a évolué. Il a commencé à considérer toutes les réalités coloniales avec un nouveau regard. Il a appris graduellement et puissamment à voir le colonialisme davantage du point de vue du ‘colonisé’. Ses anciens préjugés étaient balayés. Cependant, « des concepts comme ‘développement’, ‘progrès’ et ‘civilisation’ étaient largement non contestés dans ma pensée. Ce fut seulement quand je suis arrivé au seuil de ma pensée sur l’effondrement que j’ai enlevé mes lunettes capitalistes avec une vision en rose » (p 122). Brian en est venu à voir le vol des terres et l’exploitation dont les peuples autochtones ont été victimes et l’écocide de la Terre. Les responsables sont « un groupe de gens qui se voient eux-mêmes comme exceptionnels supérieurs, choisis et suprêmes… Pour le dire sans détour, notre civilisation, c’est le colonialisme et le colonialisme, c’est notre civilisation…» (p 122). Certes, avec Brian McLaren, on peut se demander si on peut trouver une civilisation idéale. Peut-être y a-t-il eu dans le passé une civilisation plus soutenable.

Quoiqu’il en soit, « pour nous guérir de notre myopie et pour commencer à imaginer une civilisation écologique, nous aurons besoin de visions, de valeurs et de perspectives venant de l’extérieur de notre civilisation industrielle et coloniale » (p 123)

Et où pourrons nous trouver ces consultants et ces guides qui n’aient pas été déformés par nos préjugés ? « La réponse naturelle serait d’aller chercher des personnes parmi les peuples autochtones qui ont vécu sur leurs terres pendant des millénaires sans dépassement, ni effondrement ». Mais on peut se demander si, après tant de persécutions, la sagesse autochtone a survécu. Et sommes-nous prêts à écouter vraiment les sages autochtones sans esprit de supériorité ou d’appropriation ? « Pour des gens comme moi, nous commençons à voir ce qui nous était autrefois invisible et à honorer et chérir le peuple que nos ancêtres ont méconnu et maltraité sans merci » (p 124). Brian McLaren nous appelle à l’humilité. D’après son expérience, si nous nous approchons de ces sages avec un esprit honnête et humble, nous serons souvent reçus avec une compassion inattendue et une grande miséricorde. « Ils savent (de leur sagesse), que nous sommes tous relations et que nos futurs sont intertissés dans une toile de vie » (p 125).

 

Comment dans un esprit renouvelé, Brian McLaren s’est-il engagé dans une manière nouvelle de lire la Bible ?

Brian McLaren évoque la parole de Jésus concernant les doux qui hériteront la terre (Mathieu 5.5). N’est-ce pas affirmer qu’en fin de compte les arrogants perdront la partie ? « Lorsque les civilisations arrogantes se seront détruites, les doux – ceux avec une sagesse autochtone, ceux avec un esprit sage et humble, ceux qui recherchent un bien commun profond plutôt qu’un bonheur individuel étroit – auront la possibilité de vivre, selon une vision différente, des valeurs différentes et un récit différent » (p 126).

« Je ne serai pas surpris que Jésus voit les choses de cette manière. Après tout, c’était un homme autochtone, faisant partie d’un peuple enraciné dans une terre, et qui avait résisté à des tyrans arrogants et à des civilisations colonisatrices depuis Pharaon. Depuis l’enfance, il avait été élevé d’après les histoires de l’origine des douze tribus d’Israël. Il connaissait leurs larmes versées en Égypte et à Babylone, leurs périples en terre sauvage, et là, leurs rencontres avec le Créateur. Il avait été formé par les histoires de buisson ardent et les quêtes de vision, de tentes de rencontre et de rituels de purification, de ses ancêtres, de leurs grands exploits, de leurs grandes erreurs et de leurs grandes récupérations. Il apprenait aussi l’histoire récente de son peuple, comment, vague après vague, des envahisseurs colonisaient, déshumanisaient, opprimaient, et exploitaient son peuple et sa terre » (p 126).

Brian McLaren revient ici sur son parcours de pasteur, une grande part de sa carrière. Et il nous dit que, toute sa vie, il a enseigné la Bible. « Pendant plus de cinquante ans, j’ai été un étudiant de la Bible. Pendant plus de quarante ans, j’ai enseigné et prêché la Bible. C’est vraiment étrange que ce soit seulement en écrivant ce livre que j‘ai senti que je commençais à voir que la Bible est et a été en fait le journal collectif d’un peuple autochtone qui a vu le mal que la mentalité de colonisateur faisait à l’humanité, à la terre et à ses créatures » (p 126). Brian McLaren lit maintenant la Bible comme la chronique d’un peuple autochtone opprimé. « Si nous enlevons nos lunettes d’interprétation qui nous ont été données par les colonisateurs, nous commençons à voir que la réelle Bible autochtone a dit, tout le temps, qu’essayer de vivre comme des dieux mène à la ruine. Vivre par l’amour de l’argent et par celui des armes mène à la ruine. Vivre en prenant davantage qu’on ne donne mène à la ruine. Vivre sans prendre soin de la terre et de la vulnérabilité mène à la ruine. Vivre selon l’éthique d’une civilisation dominatrice mène à la ruine » (p 128). Brian McLaren nous parle ensuite de l’espérance en l’attribuant aux doux et aux opprimés. La libération est inséparable de la défaite ou de l’effondrement de la civilisation des oppresseurs. Dans le Magnificat, il est dit que Dieu a comblé les affamés, mais a renvoyé les riches les mains vides » (Luc 1.53).

 

Lire la Bible d’une manière nouvelle dans le registre de la sagesse autochtone

Brian McLaren nous annonce d’emblée « qu’il aimerait nous emmener dans une visite guidée du trésor de la sagesse autochtone, écologique, accessible à nous dans une source inattendue, la Bible, si nous avons les yeux pour le voir » (p 134). Il est bien entendu qu’il n’est pas question de marquer une supériorité sur la sagesse autochtone, mais de situer la sagesse tribale du peuple hébreu dans le registre cette sagesse autochtone.

Brian Mclaren commence par une interprétation de la Genèse. Dans la Genèse, « l’icône de la dignité, de la liberté et de la bonté humaine n’est pas un prêtre offrant des sacrifices, un pharaon sur son trône, un conquérant à cheval dressant son sabre, mais un couple d’autochtones nus vivant dans un jardin en harmonie l’un avec l’autre, avec toutes les créatures en compagnonnage et avec la terre elle-même… Ils n’ont même pas eu un jour spécial de création pour eux : ils ont été créés le même jour avec « les créatures vivantes selon leur espèce : le bétail, les créatures qui se meuvent sur le sol, et les animaux sauvages, chacun selon son espèce » (Genèse 1.24). Ils sont faits de terre. En fait, le mot Adam signifie : ‘enfant de la terre rouge’. Ces enfants de la Terre sont une belle espèce sauvage parmi d’autres ». (p 134). Brian McLaren poursuit en posant la question de la spécificité humaine.

« Oui, les enfants de la Terre se voient donné le ‘souffle de vie’. Oui, ils se voient donné la domination (‘dominion’), un mot risqué assurément (Genèse 1.28) ; mais pourquoi laisserions-nous les colonisateurs définir ce mot à leur image ? Pourquoi assumerions-nous que domination dans la Genèse signifie un permis de tuer, d’exploiter et de mener à l’extinction ? Pourquoi n’assumons pas que la domination signifie « exercer le même soin tendre, aimant, responsable que met en œuvre le Créateur comme les porteurs de l’image du Créateur ? A cette lumière, le texte suggère que ces humbles enfants de la terre ont une dignité royale et la responsabilité de prendre soin du bien-être de chaque créature dans le royaume qui leur a été confié » (p 135). Cette interprétation écologique est renforcée quelques versets plus loin (Genèse 2.15), quand, à la place de ‘exercer la domination’, les humains se voient demandés de ‘cultiver le jardin et d’en prendre soin’.

Dans ce contexte, intervient le premier interdit. ‘Vous êtes libre de manger des fruits de chaque arbre du jardin, mais vous ne devez pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal’ (Genèse 2.16-17). A travers cet interdit, les humains jouissent d’une grande liberté (manger du fruit de chaque arbre), mais ils doivent aussi vivre dans des limites. « Refuser d’honorer cette unique limite, c’est, en quelque sorte, refuser de vivre comme des enfants de la Terre, refuser de respecter sa niche écologique. Demander à sucer davantage de ressources que le jardin puisse fournir… Le nom de ‘l’arbre du bien et du mal’ suggère son objectif : suivez cet interdit et vous connaitrez le bien, et si vous le violez, vous connaitrez le mal… Pouvez-vous voir combien vouloir saisir une connaissance et un pouvoir semblable à Dieu pourrait être un moyen de rejeter notre place de créature humaine qui doit vivre comme une partie de l’environnement, à l’intérieur de ses limites ? Pouvez-vous voir combien refuser de vivre à l’intérieur de limites, jouant le rôle du Créateur plutôt que celui de la créature, mènerait à une civilisation dominatrice comme celle que nous connaissons ? » (p 135-136). Brian McLaren apporte une interprétation en phase avec notre problème écologique actuel. ‘Si vous en mangez, vous mourrez’, n’est-ce pas la conséquence de quitter notre place de créature aimée dans une création sacrée ? C’est ne plus être en phase avec l’environnement.

Brian McLaren évoque ensuite les genres de vie qui ont suivi la rupture : chasseurs-cueilleurs, agriculteurs, citadins. Le pouvoir débouche sur la violence. Puis Brian McLaren évoque l’histoire d’Abraham, une personnalité majeure de la Bible. Citoyen d’une grande ville, Ur, Abraham a un songe – une force de guidance répandue dans la culture autochtone, qui l’inspire de quitter la civilisation et de devenir nomade, un pas plus bas dans l’échelle de l’avancement social selon les critères civilisés. Il recherche ce que tous les autochtones chérissent : une terre qui puisse être un berceau pour les générations à venir, une terre à cultiver et protéger, une terre à laquelle appartenir. Abraham a d’autres songes qui, ensemble, engendrent une vision cohérente pour ses descendants, non pour être les membres d’une civilisation et d’un empire, mais pour être les membres d’un peuple, d’une tribu, enracinée d’une manière soutenable dans une terre avec sa propre langue et sa propre culture. Cette nouvelle tribu d’Abraham ne sera pas une menace pour d’autres nations, mais au contraire une bénédiction à leur intention. « Cette vision anti-coloniale, anti-impérialiste, d’une profonde identité tribale, d’une soutenabilité écologique et d’une solidarité intertribale devient un des grands cadeaux d’Abraham à l’humanité » (p 138).

Comme le livre de la Genèse se termine, les descendants de la tribu d’Abraham s’installent en Égypte comme des réfugiés climatiques. Finalement, ils y sont réduits en esclavage. « Après des siècles d’esclavage, la saga du grand Exode se déroule comme une histoire suprêmement anti-impérialiste ». Dieu n’est pas impressionné par la pompe et les pyramides d’Égypte. Dieu entend les gémissements et les cris des esclaves et il bouleverse l’empire pour libérer sa sous-classe opprimée.

Brian McLaren envisage les années passées ensuite dans le désert comme un temps d’apprentissage écologique dans le retour à la terre. Avant d’être autorisés à s’installer de nouveau, ils reçoivent des lois qui protègent à la fois les gens et la terre de l’exploitation. « Dans la Torah, spécialement le Lévitique et le Deutéronome, nous voyons des instructions détaillées sur : laisser les champs retourner en jachère, ne pas détruire les forêts, respecter les droits des animaux, annuler les dettes, prendre en charge sérieusement l’hygiène et le traitement des déchets, empêcher la concentration de la richesse et du pouvoir dans les mains de quelques-uns » (p 139). De même, les dix commandements peuvent être interprétés comme un manuel pour une société soutenable. (p 140). Si le retour dans la Terre promise s’accompagne de violence, néanmoins un certain nombre d’exigences leur sont rappelées : bien traiter les réfugiés, ne pas négliger la veuve et l’orphelin, ne pas opprimer les pauvres.

« Quiconque a lu les récits fondateurs et portant sur la création d’autres peuples autochtones reconnaitra beaucoup d’éléments littéraires en partage avec la Genèse, l’Exode et d’autres textes de la bibliothèque hébraïque. Les résonances sont impressionnantes : Le jardins d’Eden, le bannissement en raison d’une mauvaise action, de longues migrations, la réception de lois ou de règles pour vivre, la montée de grands guerriers et de grands prophètes, des promesses d’espoir » (p 141).

« Comme l’histoire biblique continue à se dérouler, la souple coordination des tribus hébraïques centralise graduellement le pouvoir et devient un royaume. Peu après, le roi Salomon bâtit un énorme temple en employant un travail d’esclaves montrant que même la compréhension de Dieu comme libérateur d’esclaves peut se dévoyer en une théologie conventionnelle de l’empire avec un Dieu qui légitime l’esclavage. Les leaders d’un mouvement connu comme les prophètes se lèvent pour repousser cet écart et d’autres tournants dangereux. En même temps que leurs avertissements, ils partagent un large éventail de visions (un autre élément caractéristique de la littérature autochtone), inspirant les gens à imaginer un meilleur genre de vie. Tristement, prévisiblement, les prophètes sont le plus souvent victimes de moquerie, d’emprisonnement, de bannissement ou d’assassinat » (p 141-142). « En quelques générations, le royaume expérimente la guerre civile et se voit conquis par une série de superpuissances : les assyriens, les babyloniens, les perses, les grecs, les syriens, les romains.

C’est dans cette séquence que Jésus s’est élevé dans la tradition des prophètes avant lui… Quand Jésus apparait, il parle d’une civilisation alternative qui opère avec des valeurs radicalement différentes. On peut voir dans son expression des analogies avec certaines images autochtones : les oiseaux, les fleurs sauvages, les semences… Il appelle les gens à une résistance non violente contre les pouvoirs violents impériaux. Brian McLaren met l’accent sur la mise en garde de Jésus vis-à-vis de l’argent (Matthieu 6.24). « Pour Jésus, l’argent est la monnaie de la civilisation romaine qui opprime les pauvres et les gens vulnérables. L’argent est la langue symbolique de l’empire par lequel il forme les gens à vivre selon des valeurs injustes et insoutenableLa civilisation de Jésus opère selon une différente monnaie : l’amour. Ce que Dieu aime a de la valeur, des fleurs sauvages aux moineaux, jusqu’à l’humain le plus oublié, marginalisé et vulnérable. Être aimé par Dieu (pas la richesse, le statut social, la religion, le genre ou la citoyenneté) confère une valeur sacrée. Si vous apprenez à aimer, vous entrez dans la civilisation, la famille ou l’écosystème de Dieu… Pour Jésus, la civilisation de Dieu est une civilisation de l’amour où l’amour est premier. D’abord vous aimez Dieu qui pourrait être défini comme une présence aimante transcendante par laquelle chaque créature est aimée » (p 103). Brian McLaren poursuit en rapportant les avertissements de Jésus lorsqu’il constate un attachement à la civilisation dominante. Il évoque un effondrement. Il pose des gestes hardis de désobéissance non violente. Il sait que ses actions vont le mener à l’emprisonnement, à la torture et à la mort.

Brian McLaren évoque ensuite l’œuvre de l’Esprit, le message de Paul, le mouvement de Jésus, les premières communautés chrétiennes. « A l’intérieur de l’empire et de ses structures de domination, ceux qui suivent ce nouveau genre de vie établissent de petites tribus où ils reprennent une approche autochtone. Ils vivent dans une profonde simplicité, solidarité et humilité » (p 145). Paul écrit que toute la création est en train de gémir, en attendant le nouveau jour où les êtres humains cesseront de détruire la terre et commenceront à se comporter comme de vrais êtres humains, de vrais enfants de Dieu. Dans la même lettre (Romains 9), il parle de Jésus comme d’un nouvel Adam, un second « enfant de la Terre rouge ». On pourra lire ensuite l’interprétation de l’Apocalypse par Brian McLaren.

Au total, Brian nous présente une alternative à la manière conventionnelle de lire la Bible, et cette lecture alternative « conduit vers une orthodoxie alternative (comme mon ami et collègue Richard Rohr l’appelle, ou un nouveau genre de christianisme comme je l’ai appelé…). Cette approche alternative enracinée dans les valeurs autochtones, et racontée du point de vue de ceux qui sont opprimés et marginalisés par une civilisation d’exploitation, pourrait aider à créer les conditions dans lesquelles nous pourrions imaginer un nouvel arrangement social, une société post-coloniale et écologique, une nouvelle communauté bien aimée qui apprenne ce que l’ancien arrangement ne voulait ou ne pouvait accepter » (p 147).

Parce qu’au cours d’une évolution personnelle progressive, Brian McLaren est parvenu à une forte prise de conscience de la menace d’effondrement qui pèse sur l’humanité, il en est venu également à analyser et à condamner un système politique et économique. A ce sujet, on peut certes percevoir la complexité de la situation d’une manière un peu différente. Mais, cette démarche débouche sur la valorisation des peuples premiers qui suscite aujourd’hui un consensus croissant et il en résulte une interprétation particulièrement originale de la Bible, un nouvel éclairage qui vient nourrir un regard de communion, un esprit de découverte, mais aussi un engagement.

J H

    1. Brian McLaren. Wikipedia The free encyclopedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Brian_McLaren
    2. Brian McLaren. Life after Doom. Wisdom and courage for a World falling apart. Hodder and Stoughton, 2024
    3. Une théologie pour l’Église émergente. Qu’est-ce qu’une orthodoxie généreuse ? https://www.temoins.com/une-theologie-pour-leglise-emergente-quest-ce-quune-qorthodoxie-genereuseaampqu/
    4. La grande migration spirituelle https://www.temoins.com/la-grande-migration-spirituelle/

 

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