Dans un précédent article **Lire sur ce site ** , nous avons présenté les intentions des organisateurs des « Etats Généraux du Christianisme » et les objectifs qu’ils assignaient à cette manifestation ayant pour fil conducteur une vaste question : « Notre époque a-t-elle besoin de Dieu ? ». Les « Etats Généraux du Christianisme » viennent de se tenir à Lille du 23 au 25 septembre 2010. On trouvera sur le site du magazine « La Vie » ** Voir le site ** le compte-rendu de cette grande manifestation. En invitant les amis de Témoins à prendre connaissance des ressources qui nous sont ainsi offertes, nous nous bornerons à quelques remarques.
Un grand succès.
Dans la configuration prévue par les organisateurs, cette manifestation apparaît comme un grand succès. Les objectifs sont atteints au delà de ce qui pouvait être attendu.
Ceci vaut pour le nombre de participants : « On attendait 1000 à 1500 participants. Ils furent 3000 à s’inscrire sur internet. Et finalement à l’heure du bilan, les chiffres dépassent les prévisions les plus optimistes. Au total, près de 5000 personnes sont venus aux premiers « Etats Généraux du Christianisme ». À ceci s’ajoute la consultation des vidéos relatant les débats.
Sur le fond, les objectifs ont également été tenus : un dialogue multiforme s’est développé dans une ambiance ouverte, respectueuse, chaleureuse. Nous saluons cette réussite dont l’initiateur, Jean-Pierre Denis, responsable de la rédaction de La Vie, se réjouit dans un éditorial intitulé : « Unité d’âme » : « Durant trois jours, Lille devint la capitale d’un christianisme joyeux et serein, attentif aux enjeux de société et imaginatif… Le plus frappant à mes yeux, demeure l’ouverture de cœur promise et réalisée. Et, chose improbable et pourtant évangélique, cette étape qui consiste à donner un seul corps à tous les désaccords, prendre toutes les sensibilités écorchées, convier toutes les traditions déchirées, pour leur proposer non pas une justification aléatoire ou artificielle, mais une trame de prières et de témoignages, authentique, vivante, une gageure !… En plaçant l’engagement spirituel au cœur des Etats Généraux, nous avons adressé, me semble-t-il, un message d’espérance à notre société… ». Nous n’avons pu nous même participer à cette manifestation, mais nous en avons entendu parler par des amis. Chaque participant a nécessairement un ressenti spécifique de ce qu’il a entendu et vécu. Au cœur de la dynamique de cette manifestation, Jean-Pierre Denis nous fait part de son témoignage et c’est un témoignage crédible !
Vers un élargissement.
Décision a été prise de recommencer chaque année cette expérience. Comment et dans quel sens ? Les organisateurs peuvent s’appuyer sur la dynamique engagée.
Ils pourront élargir encore le public. Un exemple : les excellentes intentions œcuméniques se sont traduites par la participation de quelques personnalités protestantes. Mais réaliser une expression du christianisme, au delà du catholicisme d’ouverture et de sa capacité de dialoguer avec d’autres sensibilités catholiques, requiert un effort plus délibéré. D’autre part, ici la question paraît plus complexe, comment accroître la gamme intergénérationnelle parmi les participants ? D’autres pistes apparaîtront nécessairement, par exemple une ouverture à la dimension internationale et une prise en compte de la recherche en sciences sociales.
D’un grand forum à de véritables « Etats Généraux ».
Le terme lui même : « Etats Généraux du Christianisme » implique, nous semble-t-il, une vision plus large encore, et quelque peu différente du déroulement de cette manifestation, si on veut se reporter à la mémoire des Etats Généraux dans notre histoire nationale. Les Etats Généraux ont été le siège d’une capacité d’auto-critique et d’une volonté de réforme. On ne retrouve pas cette orientation dans la manifestation de Lille. Mais on peut déjà apprécier la capacité qu’ont eu de nombreux catholiques de se rassembler sans dépendance institutionnelle. D’une certaine façon, le christianisme s’exprime ici comme une culture et non comme une religion établie. C’est une approche innovante. C’est aussi un témoignage pour tous ceux qui se situent maintenant hors des cercles institutionnels.
C’est aussi le lieu d’une positivité extrêmement féconde si elle ne rassure pas les acteurs au point de les détourner d’autres questions sur la pertinence des pratiques institutionnelles. La manifestation de Lille a également été un grand forum où le dialogue a occupé une place centrale. Là aussi, cette réalité est très positive, puisque probablement pour la première fois en public, des sensibilités opposées se sont exprimées. Cependant, la disposition même des débats où des thèses innovantes et conservatrices s’affirmaient côte à côte, favorisait une connaissance des points de vue, mais non un mouvement en avant. Pourtant, on voit poindre ici la réalité nouvelle d’un pluralisme, ce qui, à long terme, nous paraît un acquis positif. Mais dans l’immédiat, lorsqu’on considère les ordonnances, les réglementations, les instructions qui descendent d’en haut, en provenance d’un pouvoir institutionnel quasiment autocratique, ce début de pluralisme, s’il réinscrit dans le jeu des éléments traditionalistes, peut apparaître comme un alibi, un faux semblant. Certes, il y a un temps pour tout. C’est une dynamique de dialogue qui a porté le Concile Vatican II. Le dialogue est toujours positif.
Questions pour l’avenir.
La question pour l’avenir est donc celle-ci : En quel lieu et selon quelle dynamique, un dialogue participatif, informé par les sciences sociales pourra-t-il interpeller l’institution sur la pertinence de ses pratiques et favoriser la mise en œuvre de réformes ?
Il y a dix ans, Georges Hourdin, le fondateur de « La Vie », publiait son « testament spirituel » dans un livre intitulé : « Le vieil homme et l’Eglise » (1). Et il osait regarder la réalité en face en écrivant : « L’Eglise n’est plus à la page ». Qui pourrait dire que ce déphasage s’est réduit depuis 1998 ? Ce livre a un caractère prophétique et il serait bon de ne pas l’oublier.
Cependant, en regard du déclin de l’institution, de son effritement, de sa relative incapacité à répondre aux aspirations nouvelles, il y a l’apparition de nombreuses innovations, la multiplication des initiatives, la croissance de petites communautés. Comme dit Jésus : « Là ou deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mat. 18.20). Bref, là où il y a décomposition, il y aussi recomposition. Regardons aux germinations et aux pousses nouvelles. Dans la mutation culturelle qui caractérise notre époque, le déphasage des institutions affecte, plus ou moins, les différentes églises, évidemment davantage celles où les structures de pouvoir sont archaïques. Mais, en contre point, des formes nouvelles se développent . Elles élaborent des représentations et produisent des pratiques qui donnent sens à la vie d’aujourd’hui. Elles empruntent des acquis positifs aux différentes églises.
Le mouvement est général. En France, à l’initiative des Réseaux du Parvis, un grand rassemblement est organisé à Lyon, le 11 et 12 novembre 2010 sur le thème : « Le temps est venu de montrer l’actualité de l’Evangile pour le monde d’aujourd’hui » (2). À l’échelle internationale, le courant de l’église émergente (3) se développe depuis une décennie, particulièrement présent dans des pays où se manifeste une nouvelle culture. Voici un horizon à découvrir.
Une référence pour les cœurs et les intelligences.
À chaque jour, son ressenti. Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir des moments de bonheur qui ont été vécus à Lille par des milliers de participants, ce que traduit Jean-Pierre Denis par le titre de son éditorial : « Unité d’âme ». Nous pouvons apprécier les questionnements et les cheminements concernant la présence du christianisme dans notre société. Mais encore, nous pouvons tirer parti de ce qui s’est dit à travers le remarquable effort d’enregistrement des débats au travers des vidéos (lien). Ces vidéos sont pour nous une précieuse ressource, non seulement par ce qu’elles nous rapportent des propos des intervenants, mais aussi parce qu’elles nous font connaître des personnalités qui les expriment dans le contexte de leur histoire de vie. Oui, il y a là une ressource précieuse parce qu’en terme de communication, on y perçoit un mouvement de vie.
Jean Hassenforder
(1) Hourdin (Georges). Le vieil homme et l’Eglise. Desclée de Brouwer, 1998.
(2) En milieu catholique, des groupes militent pour le développement d’une autre manière de faire Eglise. Ainsi, en 2005, « Droits et Libertés dans les Eglises » et « Hommes et Femmes en Eglise » organisent une journée d’étude sur le thème : « Faire Eglise autrement. Un monde autre. Des communautés autres » ** Lire l’article **. Un travail préparatoire a permis la collecte de monographies de communautés innovantes. Les actes sont publiés dans « Les réseaux des parvis. Hors Série. N° 13, 1er semestre 2005. Temps Présent ». **Lire **. Aujourd’hui, dans la même perspective, on annonce la parution d’un livre : « Du neuf chez les cathos. Des communautés se libèrent » réalisé par une équipe de personnalités à la fois compétentes et proches des réalités de terrain, qui analysent les obstacles et proposent des voies nouvelles. À l’initiative des « Réseaux du Parvis », un rassemblement aura lieu à Lyon, le 11 et 12 novembre 2010, sur le thème : « Le temps est venu de montrer l’actualité de l’Evangile pour le monde s’aujourd’hui ». Le ton sera donné par quelques grandes interventions : « Dieu dans les quêtes spirituelles de nos contemporains » (Lytta Basset) ; « Spiritualité avec ou sans Dieu » (Gabriel Ringlet) ; « Le christianisme et les fondements de la vie commune » (Denis Pelletier)** Lire un commentaire ** ; « Pour aujourd’hui, quel Dieu ? » (Raphaël Picon ). Les participants seront conviés à participer à une trentaine d’ateliers et à écrire leurs pensées et leurs souhaits dans des « cahiers d’espérance » à partir desquels une ligne d’orientation et de proposition pourra ainsi se dégager. Cette manifestation est soutenue par Témoignage Chrétien et par Golias. On trouvera toutes les informations sur cet événement ** Voir le site **
(3) ** Voir sur ce site : Le courant de l’Eglise émergente. Dix ans de recherche **. Depuis dix ans, Témoins met en valeur et soutient le courant de l’Eglise émergente.