« Cheval de guerre » avant d’être un film magnifique, aujourd’hui sorti en DVD, réalisé par Steven Spielberg, est un beau roman écrit par Michael Morpurgo. Quel en est le fil conducteur ? L’épopée d’un cheval qui témoigne de la puissance de la bonté et de la vie face au déchaînement du mal.
Cheval de guerre est un des nombreux romans de Michael Morpurgo traduits en français dans la collection folio junior (1). Lorsqu’un auteur qui a du cœur et du talent écrit pour la jeunesse, son œuvre atteint également les adultes. C’est le cas pour Michael Morpurgo et cela apparaît dans la reprise de cet ouvrage sous forme d’un film destiné au grand public.
Dans les livres de Michael Morpurgo la communion avec la vie se manifeste fréquemment à travers la présence d’un animal et ses relations avec les hommes. Dans des situations très diverses, en particulier la confrontation à des épreuves collectives comme la guerre, on y voit la force de l’amitié et une noblesse d’humanité. Face au mal, quelque part, une lumière brille. Et lorsque la bonté se révèle ainsi dans les épreuves, elle suscite une émotion qui peut se manifester jusqu’aux larmes. On se réjouit que le grand cinéaste qu’est Steven Spielberg ait décidé de réaliser un film à partir d’un roman de Michael Morpurgo (2). Il a su reconnaître la beauté et la grandeur de cette œuvre.
« Cheval de guerre » c’est une histoire. A la veille de la première guerre mondiale, le jeune Albert mène une existence paisible dans une ferme anglaise avec son cheval Joey. Mais le père d’Albert décide de vendre Joey à la cavalerie britannique et le cheval aboutit bientôt sur le front français. L’officier britannique qui le monte est tué dans une charge de cavalerie et le cheval se retrouve employé dans l’armée allemande. Dans un épisode meurtrier, il s’échappe et échoue entre les deux lignes de front. Une trêve s’instaure brièvement et il est récupéré par un jeune soldat britannique et retrouve ensuite Albert, son ancien maître et ami qui s’est engagé avec l’arrière pensée de rencontrer à nouveau ce cheval tant aimé.
En comparant un film à l’œuvre écrite qui lui a donné naissance, on éprouve parfois un malaise. Personnellement, dans ce cas, je n’éprouve pas du tout cette impression, car l’image sobre et belle enrichit la trame, et les aménagements dans l’intrigue vont de pair avec une puissance d’évocation. Il y a bien sûr dans ce film un déroulement qui tient en haleine, mais à travers le héros qui est ici le cheval Joey, il y a de plus, quelque part, un souffle épique.
Cependant, ce qui fait la profondeur de ce film qui nous émeut et se grave dans notre mémoire, c’est la relation entre l’animal et les êtres humains, nombreux et divers, avec lesquels il va se trouver en relation.
Bien sûr, une puissance de vie se manifeste dans ce cheval. C’est un cheval qui suscite l’admiration des connaisseurs et l’estime qu’on lui porte, s’accompagne d’affection. Un courant passe entre l’homme et l’animal.
Ce cheval met en évidence la diversité des comportements de l’homme à son égard. Il est parfois soumis à des brimades, à des maltraitances ou, tout simplement, à l’indifférence humaine. Mais, en regard de cela, combien il suscite chez beaucoup de l’empathie, de la bonté et, pourrait-on ajouter parfois, un sentiment d’amitié. Son jeune maître et compagnon, Albert, a su l’apprivoiser à travers une communication intuitive. Par la suite il va rencontrer, dans les différents milieux où il va évoluer, des hommes de cœur depuis l’officier britannique qui le monte au départ jusqu’à ces soldats anglais et allemands qui se détachent du lot en prenant soin de lui et jusqu’à ce grand-père et sa petite-fille qui l’accueillent un moment dans une ferme française.
L’épisode dans lequel Joey se retrouve entre deux lignes de front prisonnier des barbelés est particulièrement émouvant car il montre, de part et d’autre, chez les allemands comme chez les britanniques, un sentiment d’humanité qui s’éveille à la vue de ce cheval perdu, une forme de tendresse qui surgit dans la barbarie ambiante. Cette conscience humaine se manifeste à travers deux hommes qui se lèvent et vont à sa rencontre malgré tous les dangers. On sait aujourd’hui que cet épisode est plausible parce qu’il y a eut, dans cette guerre, des essais de fraternisation (3).
Cette grande guerre a été un massacre collectif, un enfer et dans plusieurs de ses livres Michael Morpurgo en a dénoncé les horreurs. Dans le film, une scène symbolise la puissance du mal : l’énorme canon hissé sur une colline au prix de la souffrance de nombreux chevaux et qui envoie à l’horizon le feu de la mort. En regard, il y a tout ce que Joey révèle en éveillant des sentiments d’humanité dans cet enfer, et, en fin de parcours, la solidarité qui porte des soldats britanniques à venir à son aide.
Le film témoigne de ces vertus que sont l’empathie, la bonté, l’humanité, la solidarité en contraste avec le déchaînement des forces du mal. Quelque part, il révèle la puissance du bien. Nous avons besoin de ce message et la manière dont il nous est proposé suscite une émotion profonde. Merci à Michael Morpurgo et à Steven Spielberg !
Jean Hassenforder
Cet article est initialement paru sur le blog "Vivre et Espérer" ** Voir ce blog **
(1) Morpurgo Michael). Cheval de guerre. Gallimard Jeunesse (Folio junior). Edition originale : War horse (1982)
(2) Le film : « Cheval de guerre » est d’abord sorti en anglais : « War horse ». On peut aujourd’hui l’acheter en DVD.
3) En évoquant la bonté que beaucoup ont manifesté vis à vis du cheval Joey, ce film peut éveiller le désir de lire le livre de Jacques Lecomte sur la bonté humaine. On y trouve une description de la fraternité dans les tranchées durant la guerre 1914-1918 (La fraternité dans les tranchées p 97-101. Lecomte (Jacques). La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, mars 2012 ** Lire sur le blog une analyse de ce livre **