914QuebecDans un pays, le Québec, où la mutation culturelle et religieuse a commencé dès les années 1960 et se poursuit aujourd’hui, Pierre LeBel, coordinateur de Jeunesse en Mission à Montréal, est à la fois observateur et acteur. En effet, son histoire de vie s’inscrit dans cette évolution. Conscient du décalage entre les attentes spirituelles et les propositions des églises, il participe à la recherche pour y remédier et à des initiatives innovantes qui rejoignent les expressions nouvelles de l’Eglise émergente.

 

1 Pierre, pouvez vous présenter vos fonctions et vos responsabilités actuelles dans le contexte de la vie chrétienne du Québec?

Je suis coordinateur de Jeunesse en mission (JEM) à Montréal et membre du Conseil des ministères de 914JEMJEM Québec   **Voir le site ** . De plus, je suis membre de l’équipe des leaders de JEM Canada et de l’équipe des leaders pour les ministères urbains de JEM pour l’Amérique du nord.

Je dirige l’École de formation de disciples Culture urbaine (EFDCU) ** Voir la présentation Vidéo ** , une école unique dans le monde de JEM et dont le principe est l’incarnation. Il s’agit d’une EFD de huit mois qui se déroule dans sa totalité à Montréal et dans laquelle la formation se fait simultanément en classe et sur le terrain.

Je dirige aussi Réseau mondial jeunesse, le bureau québécois de Global Youth Volunteer Network, une ONG fondée par JEM Canada. Global/RMJ envoie jusqu’à 250 étudiants universitaires par année, dont la grande majorité ne sont pas chrétiens, dans les pays en voie de développement. À Montréal, nous concentrons nos efforts présentement à offrir des stages individuels à l’étranger.

Au-delà de JEM, je suis une personne-ressource, un mentor pour ECHAD, une église émergente au cœur de Montréal. Je fais aussi parti d’un petit réseau qui réfléchit sur la question de la postchrétienté et le comment vivre la foi et être église dans la société québécoise actuelle.

2 Dans un bref aperçu, quel est l’état des lieux de la vie chrétienne au Québec ?

Être bref n’est pas chose facile et j’espère ne pas créer de caricature. Mon aperçu est le mien et j’en prends responsabilité. Le contexte québécois est particulier. Nous étions une société catholique romaine pleinement engagée jusque dans les années 60, décennie au cours duquel le Québec a vécu de grands bouleversements pendant ce que nous appelons la Révolution tranquille. L’Église catholique qui avait dominé notre histoire depuis l’époque de la Nouvelle-France a été détrônée et le Québec s’est ouvert à toutes les alternatives possibles. C’est dans cette mêlée qu’arrivèrent les missionnaires évangéliques de toutes appartenances dans les années 70 et que le mouvement connu une croissance assez importante, ce que certains ont appelé le Réveil évangélique. Pour ma part, je ne partage pas cette idée d’un réveil particulier. Le mouvement évangélique est, pour les Québécois francophones, l’unique expression connue du protestantisme contrairement à la France et la Suisse où la Réforme est présente depuis 500 ans. Mais pour beaucoup de Québécois, le mouvement évangélique est suspect à cause de son association avec la droite religieuse américaine dont le fondamentalisme et la politique inquiètent.

Pour sa part, l’Église catholique se cherche et recherche de nouveaux moyens de dialogue dans une société qui se veut laïque. En septembre, je participerai comme auditeur au forum « Une nouvelle évangélisation », organisée par la Faculté de théologie et de sciences des religions en collaboration avec le Diocèse de Montréal.

Le mouvement évangélique a connu une certaine croissance au cours des dernières années,
surtout à cause de l’immigration. Le grand Montréal comprend aujourd’hui plus de 200 églises haïtiennes et autant d’églises hispanophones. À celles-ci s’ajoutent des églises chinoises, coréennes, africaines et d’autres encore. Mais pour ce qui est des « Québécois de souche », les « pures laines » (nom donné aux Québécois d’ascendance européenne associés aux premiers colons), les choses stagnent. Il n’y a aucune croissance depuis le milieu des années 80. Sur les cinq églises (de confessions différentes) qui sont présentes depuis plus de 25 ans au cœur de Montréal et qui à l’origine étaient surtout composées de « pures laines », une a fermé ses portes à deux reprises déjà et une autre dénomination essaye de la relancer pour une troisième fois. Le pasteur d’une autre église me disait l’an dernier que les Québécois de souche ne représente plus que 30% des membres de sa communauté. Dans une troisième, la communauté est à 90% Haïtienne et Africaine.

La question se pose : où sont passés les Québécois de souche ? La question m’a été posée le printemps dernier par une jeune chrétienne haïtienne. Il faut dire que les Québécois de souche et les immigrants ne posent pas les mêmes questions existentielles. Les églises évangéliques, souvent conservatrices, attirent facilement les nouveaux immigrants qui retrouvent une communauté à laquelle ils sont familiers. Mais ces églises conservatrices ne semblent pas savoir comment faire le lien entre foi et culture et comment s’adapter aux nouvelles réalités culturelles. Un nombre important de jeunes quittent les églises car ils ne savent plus comment faire le lien entre leur vie d’église et le monde de l’extérieur dans lequel ils poursuivent leurs études et s’engagent sur le plan professionnel. En septembre se tiendra aussi à Montréal le colloque « Émergence de la foi des 18 à 34 ans ». A cette occasion seront dévoilés les résultats québécois d’un sondage pancanadien de 2011 sur la spiritualité de la nouvelle génération d’aujourd’hui.

La communauté protestante évangélique québécoise étant petite et souvent conservatrice manque de ressources à plusieurs niveaux. En particulier, elle manque de modèles en ce qui concerne de nouvelles expressions de la foi et de l’église. Il n’y a pas de livres et très peu de communautés qui font les choses différemment. Il y a toutefois quelques encouragements. Une nouvelle communauté émergente, 914EchadECHAD, où des jeunes chrétiens repensent leur foi ; un groupe interconfessionnel d’intellectuels chrétiens qui se rencontrent pour confronter leur foi aux philosophes contemporains ; une initiative pour créer une Chaire de recherche en missiologie à l’Université Laval, la Communauté des Deux rives à Québec et quelques autres expressions ailleurs dans la province.

3 Pour mieux comprendre vos activités actuelles et aussi votre approche personnelle, pouvez nous dire quel a été votre parcours jusqu’ici? Quelles ont été les grandes étapes de votre histoire de vie?

Mon père était militaire, et de par son métier nous avons souvent déménagé d’une ville ou province à une autre, de sorte que j’ai surtout fréquenté des écoles anglophones. De retour au Québec à la fin des années 60, comme bien des Québécois, nous avons cessé d’aller à l’église. À 18 ans, j’ai repris la route en tant que hippie avec des hivers en Floride et en Californie, et des étés dans l’ouest canadien ou dans le Vieux Montréal où j’étais artisan.
À l’automne de mes vingt ans, j’ai pris conscience que ma vie ne s’appuyait sur aucun principe, aucune vérité. Je n’avais aucun fondement sur lequel appuyer mes convictions ou pour diriger mes pas.

En 1973, j’ai habité avec des amis chrétiens à la campagne dont le réseau était interconfessionnel. J’ai pu, dans ce contexte, poser mes questions et exprimer mes propres réticences. C’est un soir du mois de juillet, que j’ai pour la première fois expérimenté la présence de Dieu et ceci dans un contexte tout à fait inattendu. Pour la première fois, ma vie avait un sens, une appartenance. Depuis ce jour, mon énoncé de mission personnelle se résume à rendre l’évangile accessible à ma génération.

Avec ces mêmes amis, nous avons ouvert en 1974 un café chrétien, Le buisson ardent, à St. Sauveur-des-Monts, à une heure de Montréal. En 1976, avec ma femme Alice, nous partions pour la Hollande afin de joindre les Communautés Dilaram, un ministère de JEM auprès des hippies sur la route vers l’Inde. C’est pendant ce séjour que se précisèrent deux directives essentielles concernant notre ministère futur : le milieu urbain et le monde francophone. C’est ainsi que nous sommes arrivés à Montréal en 1986 pour fonder le centre de Jeunesse en Mission dans le quartier du Plateau Mont-Royal.

Le Plateau Mont-Royal où se trouvent nos bureaux est un quartier particulièrement important grâce à son influence sur la culture et la politique du Québec. 8% des habitants sont des artistes professionnelles, dix fois la moyenne nationale. Il s’agit d’une communauté effervescente sur tous les plans. C’est dans ce quartier donc, que nous sommes confrontés par les pensées et questions existentielles du jour et auxquelles nous avons à repenser l’articulation et l’expression de notre foi. Au cours des années, nous avons donc travaillé auprès des personnes atteintes du sida, la communauté gaie, les artistes et les milieux universitaires.

914Imago4 Vous avez écrit un livre: " Imago Dei, devenir pleinement humain " (1). Dans quelle intention avez vous écrit ce livre? Quel en est le message principal?

J’ai voulu écrire ce livre pour la génération québécoise actuelle et non pas principalement pour la communauté chrétienne. J’ai voulu soulever la question de notre identité humaine en tant que porteurs de l’image de Dieu et demander à mes contemporains de reconsidérer le cadre que nous offre la foi judéo-chrétienne une dernière fois avant de le balancer. Avant de jeter un cadre, il faut voir l’image que celui-ci contient. Même si  le cadre nous paraît désuet, l’image vaut peut-être la peine d’être conservée. J’ai utilisé le latin Imago Dei en souvenir de notre passé catholique et, afin de faire un certain rapprochement, je l’ai joint à la quête psycho spirituelle contemporaine qui vise la quête de croissance personnelle, c’est à dire comment devenir des êtres pleinement épanouis.

J’ai aussi voulu écrire dans un principe d’incarnation. La majorité des livres chrétiens sont écrits pour les chrétiens avec le patois des chrétiens et sont en général peu intéressants pour les non chrétiens. Peu d’efforts sont consacrés pour transmettre un message accessible et sensible en vue de répondre aux questions de nos contemporains. Pourtant, nous croyons que l’Évangile est un message de vérité et d’amour pour toute l’humanité. L’incarnation signifie que c’est depuis l’intérieur d’une culture particulière et dans un dialogue avec celle-ci que nous explorons notre foi dans un langage et avec un vocabulaire qui nous sont communs. J’espère que d’autres suivront l’exemple et feront mieux que moi.

5 Au long des années, vous avez découvert un écart entre les propositions des églises et les attentes et aspirations spirituelles de beaucoup de gens.  Un écart aussi entre ces propositions et ce que nous pouvons percevoir personnellement du message de l’Evangile. Bien sur, cet écart varie et prend des formes différentes selon les contextes. Pouvez-vous expliquer comment s’est effectué cette prise de conscience?

Déjà à ma propre conversion en 1973, j’étais conscient de la distance qui existait entre l’église et le monde et je savais que la mission de l’église demandait que des chrétiens apprennent comment entrer en relation avec ce monde. Dans l’ensemble, l’église a un message qui met l’emphase sur le sortir du monde. Le monde est déchu, vous êtes tous perdus, il n’y a pas d’espoir pour le monde, venez vous asseoir quelques années dans nos « églises salles d’attentes » jusqu’à ce que Jésus revienne. Les églises ne semblent avoir aucune vision pour le monde sauf de créer d’autres églises salles-d’attentes. Jésus nous a bien dit d’aller dans tout le monde, mais comment faire ? Il a dit : « Comme le Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie dans le monde ». Avec Jésus, il n’y a pas de « sortir du monde ». C’est un aller dans le monde et cet aller dans le monde n’est pas un abandon de sa part ni un compromis de notre part.

En règle générale, la mission des églises est de reproduire leurs propres cultures religieuses autour du monde (c’est aussi ce que font des organismes comme Jeunesse en Mission). Mais ce n’est pas ce que l’incarnation nous enseigne. D’ailleurs, arriver dans un nouveau pays ou au sein d’une nouvelle communauté avec une idée préconçue de ce à quoi l’église doit ressembler est une imposition culturelle, une forme de colonialisme religieux.

Le message des églises est souvent réductionniste. Nous avons réduit la rédemption au salut de nos âmes individuelles pour aller au ciel et avons oublié la prière que Jésus nous a enseignée : « Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Nous avons oublié que la rédemption concerne toute la Création (Romains 8,19-21). Jésus est médiateur pour tout ce qui est dans les cieux et sur la terre (Eph. 1.9, 10 ; Col. 1.19,20). L’évangile est encore plus vert que les écologistes. Elle se préoccupe aussi de la justice sociale. Et pourtant, l’église ne semble avoir aucune voix pour les questions que se posent les gens. Nous ne savons pas comment entrer en conversation avec le monde.

La culture de nos églises est peu attrayante pour nos contemporains et le message peu convaincant. Et je dis ces choses non pas dans un esprit de jugement mais avec beaucoup d’affection pour mes frères et sœurs. Mais je dois les dire !

6 Cette prise de conscience rejoint les recherches qui mettent en évidence un manque de pertinence (en anglais: "relevance") de l’offre de nombreuses églises. Pour vous, à partir de l’exemple du Québec, quels sont les principaux aspects de ce manque de pertinence?

Je crois que la théologie chrétienne a oublié des dimensions importantes. Ce qui me semble manquer est une théologie de la Création. Si les églises avaient eu une théologie de la Création (et non pas une théologie créationniste), celles-ci auraient été à l’avant-garde des mouvements écologiques et de l’agriculture biologique !

Et pour ce qui est de la justice sociale, les églises sont peu présentes. Plus souvent, ils vont créer un ministère dont ils sont en contrôle et qui se placera en compétition avec les organismes communautaires déjà présents. Pourquoi les églises n’encouragent-elles pas leurs membres à faire du bénévolat avec ces organismes ? N’est-ce pas là une expression concrète de l’amour du prochain ?

7 En regard, des innovations se développent sous des formes différentes. Parmi celles-ci figure le courant de l’Eglise émergente. Quels sont les mouvements prometteurs d’avenir que vous percevez actuellement? y a-t-il au Québec quelques expériences en ce sens?

Mon contexte est limité car je vois les choses depuis le centre-ville de Montréal. En ville, ce sont surtout des églises d’autres cultures qui existent et le plus souvent traditionnelles. Les églises québécoises sont surtout en banlieue ou dans les petites villes de la province. En règle générale, ces nouvelles initiatives sont surtout urbaines.

Au cours des douze dernières années, j’ai connu quatre nouvelles initiatives que l’on pourrait appeler émergentes. L’une me semble plus tenir de rencontres bien que les membres soient toujours en réseaux, les relations et les amitiés étant un facteur prédominant dans ce genre de communautés. Une autre, Curieux, existe depuis plus de dix ans. Curieux était pendant plusieurs années très active et créative de part leurs réunions et leur emploi des arts. Maintenant, avec des jeunes familles, ils se retrouvent régulièrement mais ne sont plus qu’un petit groupe quoique très dévoué. L’ECHAD, le dernier, existe depuis deux ans et tiendra ses réunions dans la salle de réception d’un bar jazz dès le mois de septembre. Ces expressions n’ont jamais la stabilité d’une église traditionnelle mais ce qui est important est leur réflexion et leur désir de vivre leur foi sur le terrain. Je crois que c’est la raison pour laquelle les nombreuses communautés « Jesus people » des années 70 ont été récupérées par les dénominations au cours des années. À chaque génération ou deux, il y aura des jeunes qui se lèveront pour questionner et repenser la foi et la mission de l’église dans le monde. C’est dans ces moments que nous voyons les dimensions de l’incarnation le plus profondément s’exprimer.

Il y a aussi d’autres expressions de l’église émergente au Québec. Je pense à la Communauté des Deux Rives à Québec (ville) qui a trois groupes maisons et qui se retrouve pour un culte une fois par mois. Il y a aussi à Montréal des amis qui ont développé avec leurs voisins et amis un réseau de plus de 100 adultes qui font, quelques fois par an, un week-end de camping ou d’autres activités. Seulement une quinzaine de personnes de ce groupe sont chrétiennes et ils se rencontrent un soir de semaine dans une maison. Tous savent qu’ils sont chrétiens et que c’est eux en grande partie qui assurent la continuité du groupe, mais ils se sentent aussi respectés dans leurs personnes.

Mon espoir n’est pas tellement dans un mouvement ou une forme particulière, mais surtout dans des personnes qui sont prêtes par amour pour leur prochain à explorer de nouvelles formes gardant en priorité le respect des autres.

8 Cette situation suscite également une réflexion auquel vous prenez part. Dans quel contexte, dans quelles conditions, cette réflexion est-elle apparue et se développe-t-elle actuellement au Québec?

Je ne peux partager que ce que je connais et ce à quoi j’ai été associé. Je suis sûr qu’il y a d’autres initiatives dont je ne suis pas familier. C’est là la richesse du corps du Christ !
Pour ma part, mes réflexions ont été nourries par diverses personnes avec lesquelles j’ai entretenu une relation personnelle au cours des années. C’est souvent dans des rencontres individuelles que les partages sont profonds et significatifs. Je suis reconnaissant pour ces personnes qui ont été pour moi des mentors et des collaborateurs, au sein comme à l’extérieur de JEM.

Je vous partage néanmoins une expérience. Au début des années 2000, un ami missionnaire américain a créé « la cohorte ». Une fois par mois, des jeunes leaders, principalement anglophones, se retrouvaient dans un café du centre ville pour deux heures de discussion sur l’église, la foi, les arts et la culture. Il y avait à l’occasion des invités, sinon quelqu’un apportait une réflexion et puis la discussion partait. Après trois ans de ces rencontres, j’ai suggéré qu’il serait important d’avoir une cohorte francophone. Pendant les trois années suivantes, nous nous sommes retrouvés au Café l’Utopique à proximité de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Nous étions en moyenne une dizaine de personnes. Dans ce groupe, plusieurs d’entre nous ont suivi sur plusieurs mois le « Séminaire foi et culture » avec le pasteur Gilles Marcoulliers. Ce séminaire nous a conduit dans une réflexion sur l’église au Québec depuis le début de notre histoire jusqu’à présent. À la fin du séminaire, nous nous sommes demandés quoi faire de ce que nous avions appris. Ce fut le début de ce que nous avons nommé le Forum québécois sur la Post-chrétienté. Pendant deux ans, nous avons tenu des réunions à l’École de théologie évangélique de Montréal (ETEM) et à l’Université Laval à Québec pour discuter de la question de la foi et de la mission de l’église dans le Québec laïque et postchrétien d’aujourd’hui. Bien que nous étions protestants évangéliques, nous avons invité des acteurs catholiques à se joindre à nous car la post-chrétienté nous appartient à tous.
De ces quelques rencontres et réflexions, à l’automne 2011, un dialogue a été entrepris avec l’Université Laval concernant la création d’une Chaire de Leadership en Missiologie au sein de la Faculté de théologie et des sciences de la religion. Les premières étapes furent jusqu’ici positives bien qu’il reste encore du chemin à faire pour la réalisation de ce projet, surtout sur le plan financier. Mais si le projet tient la route, la Chaire devrait être inaugurée d’ici 2015.

9 Vous avez un projet d’écriture en ce domaine. Quelles sont les orientations que vous comptez y proposer?

Le titre (provisoire) du livre en dit déjà beaucoup : Les quatre temps et mouvements de l’incarnation : repenser la rédemption (sortie prévue en 2013 ou 2014). La mission des chrétiens trouve son sens dans le mandat de Jésus : « Comme le Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie dans le monde ». Le thème de l’incarnation est essentiel si nous voulons enraciner le message de l’évangile dans le monde. En relevant les principes de l’incarnation que nous découvrons dans la vie de Jésus, je veux explorer autant le contenu que les méthodes employés par les églises pour accomplir leur mission et les remettre en question. Pour l’instant, je trouve en grande partie une église désincarnée et non présente dans le monde. Le sel et la lumière sont absents. Dernièrement, je veux surtout considérer notre mission dans le monde urbain et postchrétien occidental, celui qui a tourné le dos à l’église. Je veux lancer un appel à la ré-incarnation de l’église dans le monde présent.
L’incarnation est coûteuse tout comme le mourir à soi, mais il n’y a pas de raccourci pour rendre l’évangile palpable et saisissable pour nos contemporains.

10 Depuis des années, cette recherche se développe à l’échelle internationale? Quelles pistes suggérez-vous pour la poursuite de cette réfexion dans l’univers francophone?

La recherche d’une église émergente (et non préconçue) est forte dans les milieux anglophones. Je pense seulement à Fresh Expressions, une initiative de l’Église d’Angleterre, mais aussi à bien de nouvelles initiatives. Il existe d’ailleurs une littérature abondante autant aux USA qu’au Royaume-Uni. En 2010, un ami québécois, pasteur, a écrit un mémoire pour l’obtention d’une Maîtrise en théologie et qui portait sur le besoin d’une théologie évangélique postmoderne dans notre contexte québécois. Sa bibliographie contenait plus de cinquante livres anglais et seulement quatre articles en français !

Depuis plusieurs années, je suis à la recherche sur internet d’initiatives et de ressources émergentes francophones, autant en Europe qu’au Québec. Je désespérais vraiment, en découvrant surtout des sites qui s’y opposaient. Malgré tout, j’ai trouvé Henri Bacher en Suisse romande qui en fait la promotion. Mais ma soif fut comblée surtout par le site témoins.com que j’ai trouvé par hasard en faisant une recherche sur Stuart Murray, me demandant si son livre sur la postchrétienté avait été traduit en français. On était en 2010. Stuart Murray venait de faire une conférence à Montréal et son auditoire fut plus que comblé. Ce que je découvrais sur le site témoins.com était un article par Jean Hassenforder qui faisait un résumé détaillé du livre. . . en 2004 !! Pour l’instant, je ne trouve aucun autre site qui offre autant de ressources que celui-ci. Il demeure un grand besoin pour des auteurs francophones d’écrire des livres pertinents pour l’église qui doit émerger autant en Europe qu’au Québec.
Il faudra par la suite des praticiens qui iront sur le terrain pour mettre en chair cette vision.

Interview de Pierre LeBel par Jean Hassenforder


(1) " Imago Dei : devenir pleinement humain " :  Pierre LeBel : EDITIONS LA CLAIRIERE  novembre 2006 ** Lire la présentation de l’ouvrage et eventuellement télécharger l’introduction **

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