« Il se trouve que j’ai toujours vécu en dehors des paroisses : baptême catholique mais pas de catéchisme puis communion à 16 ans dans une école libre, suivie par une participation à un groupe d’exégèse : c’est alors la découverte d’une étude exigeante des textes qui interrogent aussi notre présent. A l’époque, je ne cherche pas dans une paroisse l’accès aux pratiques contemplatives ni aux réflexions spirituelles car je les y crois réservées aux personnes engagées (seule l’action sociale m’y semble ouverte aux chrétiens de base). Je trouve un autre angle chez les bouddhistes tibétains ; mais les années qui suivent sont une plongée dans le monde « en apnée spirituelle », jusqu’au malaise.
Je sors de cette crise par la pratique de la méditation, l’étude des textes zen et la réintroduction de la poésie. Et je m’attèle à la question suivante : comment conserver ma conscience « spirituelle » en éveil au long des diverses routines et activités d’une journée. Pour voir comment les moines chrétiens abordent cette problématique, je passe à Taizé puis au mont Saint-Michel (Fraternités monastiques de Jérusalem). Une surprise m’y attend : j’entends (enfin) les psaumes.
Quelques mois plus tard, en séjour aux Sables d’Olonne, je suis invitée à participer à une lecture de l’Evangile avec «Mer et Bible» **Lire l’article sur ce site ** : j’apprécie vivement la traversée à plusieurs voix des différents niveaux de lecture, l’examen critique des interprétations courantes et la qualité de présence qui anime le groupe. Par chance, des membres de «Bible et Psychanalyse» (association ni communautaire ni confessionnelle) sont présents et m’invitent à rejoindre leur atelier laïque de lecture biblique en région parisienne, près de chez moi.
Drôle de parcours pour une baptisée : après avoir été accompagnée par les trésors de la voie bouddhiste pendant mes années difficiles, c’est à présent au travers de l’étude laïque à plusieurs de l’Ancien et du Nouveau Testament que je trouve ma nourriture. Enfin, pour poursuivre mon cheminement avec la Parole, je rythme l’année en me réservant une ou deux retraites en milieu monastique.
Agnès
Pour en savoir plus :** Voir le site Mer et Bible **
Qu’est-ce que «Bible et Psychanalyse» ?
« L’Association « Ateliers Bible et Psychanalyse » a été fondée le 31 mai 1993 à la demande de lecteurs du “Sacrifice interdit” (1) qui désiraient rejoindre des ateliers de lecture biblique. D’emblée l’Association a eu pour objet de “favoriser la formation et la rencontre d’ateliers de lecture psychanalytique de la Bible”.
La démarche initiale a d’abord été portée par l’intuition puis par la découverte que nombre d’interprétations de ces textes faisaient écran à d’autres significations, à d’autres messages possibles. Ainsi est né le désir d’explorer la Bible autrement.
Après 17 années d’existence et les questions posées dans l’Association quant à la place de la psychanalyse, la spécificité de nos lectures, le fonctionnement des ateliers et de l’Association. Nous avons souhaité rendre compte des fondements de notre travail. Nous avons donc constitué un groupe de réflexion composé d’une dizaine de personnes, des délégués d’ateliers pour la plupart.
Ce texte résulte de nos échanges :
« Notre lecture se situe dans un champ ouvert par l’expérience de la psychanalyse et la découverte de l’inconscient ; sa spécificité est de prendre en compte notamment l’importance :
– des mots, de la parole…
-du rapport homme/femme, de la filiation…
-du désir…
-de la dimension symbolique ainsi que des mécanismes de défense et des projections…
-de l’avènement du sujet…
Cette lecture laïque se fait à plusieurs : les lecteurs se laissent traverser et travailler, chacun et ensemble, par ces textes fondateurs (notamment de nos lois -droits de l’Homme…). Ils constituent les sources premières et souvent inconscientes de ce qui, dans nos cultures, fonde l’humain dans son rapport à l’autre.
Nous nous rassemblons pour nous confronter à ces textes tels qu’ils se présentent dans leur langue d’origine (hébreu, grec) (2), pour les défricher, les labourer, les creuser ensemble jusqu’à ce que d’autres sens puissent émerger. Briser nos premières lectures ouvre à l’inexploré, à l’inconnu ; un cheminement qui nous fait passer bien souvent d’une lecture du surmoi à une lecture du sujet.
Cette expérience nous conduit à parler de lecture relationnelle. Nos échanges s’appuient sur la reconnaissance de l’altérité, l’accueil et l’écoute de la parole de chacun. La prise de parole ne se fonde pas sur le savoir : notre recherche n’a pas d’objectif prédéterminé. Intuitions et associations d’idées ouvrent différentes portes d’accès au texte, dans un questionnement toujours vivant.
Chacun peut être amené à ressentir que le plus singulier, voire le plus intime, peut correspondre à ce que l’on a en commun.
L’Association ne s’immisce pas dans le fonctionnement autonome et libre des ateliers. Elle n’a pas vocation à intervenir sur la fréquence des réunions, leurs modalités et le choix des textes. Il incombe à chaque atelier de s’autoréguler.
Nous espérons que ce rappel des fondamentaux de notre démarche, dont nous avons expérimenté la richesse et la fécondité, permette à ceux qui le souhaitent de participer en connaissance de cause. »
NOTES
(1) Marie Balmary (Grasset, 1986)
(2) Comparaison des traductions, retour au grec et à l’hébreu dans la mesure du possible en atelier, et toujours nouvelle traduction à l’occasion des séances plénières.