Hors les murs d’une église, d’une communauté ou d’une institution, comment demeurer en communion ? L’aventure de Saint Merry Hors les Murs à Paris, peut aider à préciser la question, à défaut d’y répondre. En particulier elle souligne le rôle positif et créatif d’Internet au service de la communion spirituelle.
Le Centre pastoral Saint Merry
Fondé en 1975 par le cardinal archevêque de Paris, François Marty, le centre pastoral Saint Merry répondait à un besoin : ouvrir des chemins nouveaux pour l’Église et marier foi chrétienne et art contemporain. Avec des bonheurs divers, cette communauté catholique a tenté de relever ce défi. Accueil inconditionnel, attention spéciale à la création artistique contemporaine, liberté liturgique inventive, co-responsabilité entre clercs et laïcs, solidarité avec les plus démunis ici et à travers le monde,… autant de pistes pour stimuler l’ambition de partager à tous et toutes la Bonne Nouvelle chrétienne.
En 2021, l’archevêque de Paris interdit à cette communauté, sans la moindre discussion préalable, de se réunir et de célébrer la messe dans cette belle église. Ainsi commençait une vie spirituelle hors les murs, hors du bâtiment–église. Tout en nourrissant le désir de ne pas se couper de l’Église, au sens large. De demeurer en communion avec ses membres et leurs projets. Ne pas construire un programme communautaire dans le ressentiment à l’encontre d’une décision hiérarchique inexpliquée. Par contre, se donner les moyens de rester fidèles à une Parole et une Présence, qui ne semblent pas avoir besoin de murs matériels pour vivifier chaque membre et nourrir son témoignage d’espérance.
L’outil numérique
C’est alors qu’entra en scène un personnage auquel je n’accordais pas beaucoup d’importance pour construire une communauté : le Numérique.
Très rapidement notre nomadisme fut enrichi par l’usage de l’Internet. Avec la création d’un site vivant et ouvert sur le monde (SaintMerry-Hors-les-Murs.com), la proposition, chaque dimanche à 11 h, d’une rencontre autour de la Parole, d’un débat-Visio régulier sur des questions diverses, des rencontres en petits groupes de travail ou d’échange, une assemblée générale rassemblant plus de 150 membres,…
Certes, tous les membres de la communauté n’utilisèrent pas ce nouveau moyen technique permettant la rencontre. D’un autre côté, nombre de personnes, y compris d’un âge certain, novices à l’égard de ce procédé moderne, l’adoptèrent et l’utilisèrent.
Je suis frappé par la qualité et la profondeur des échanges autour d’un texte d’évangile, alors que nous sommes réunis sur la fragilité d’une hypothétique « toile ». La technologie, assumée avec plus ou moins de facilité, n’oblitère pas, bien au contraire, la rencontre. Voir les visages, entendre les voix, laisser à chacun le temps de sa parole, s’enrichir de présences multiples et parfois inespérées, laisser sa place au silence, accueillir chaleureusement de nouvelles têtes venues de toute la France, voici les ingrédients pour une féconde rencontre.
Faire communauté ?
Alors se pose la question de la place que peut prendre cet outil dans la manière de vivre la communauté. Certes, il représente une aide technique pour faciliter les échanges entre des personnes éloignées les unes des autres, ne pouvant se déplacer ou tout simplement privées d’un endroit pour se retrouver. Mais au-delà de cet apport pratique, c’est toute la démarche communautaire, et son esprit d’accueil et de partage, qui peuvent être mis au crédit de cet outil nouveau aux usages très divers.
Il ne dispense pas, bien sûr, de l’existence de murs entre lesquels la vie d’une communauté peut se dérouler. Saint Merry Hors les Murs, est stimulée par une Lettre de mission du nouvel archevêque de Paris, vantant le bon usage du Numérique : « Pour mener à bien votre mission, votre présence sur les réseaux sociaux et votre site internet sont des outils précieux ». Elle, attend qu’un lieu nouveau lui soit proposé. Mais, dans tout projet communautaire, voire ecclésial, il me semble important de ne pas cantonner le Numérique au rôle de simple robot de secours. Il peut être un outil de communion au sens le plus incarné et le plus profond du terme.
Il manifeste bien le besoin de notre époque, de réaliser des moments de présence/distance qu’exige la rencontre lorsqu’elle veut être respectueuse de la personnalité et de l’état d’esprit de chacun.
Surtout le Numérique permet de rejoindre, là où elle se trouve, une partie de la population. Tout spécialement les jeunes, les femmes et hommes vivant en périphérie de l’institution ecclésiale, celles et ceux que les murs d’une église semblent condamner en raison de leur statut matrimonial, leur pratique sexuelle ou leurs anciennes relations tumultueuses avec l’Église. Or aller à la rencontre de ces personnes aux périphéries n’est pas une option pour ceux et celles que la vie et le message de Jésus ne laissent pas indifférents. Le Numérique, parce qu’il est un rendez-vous pour nos contemporains l’est aussi pour une communauté chrétienne.
Accueillir la modernité
Cette aventure, en tout cas en ce qui me concerne, montre combien nous n’avons pas à rejeter la technologie moderne en elle-même, dans le cadre du développement de nos aventures communautaires. Un outil nouveau n’est pas que cela. Sa nouveauté invite à explorer toutes les possibilités qu’il offre au service de la convivialité et de la véritable fraternité. Alors jaillit notre responsabilité : au service de qui, de quoi, voulons nous mettre la nouveauté technologique ? Celle-ci nous « impose » heureusement l’effort de la réflexion éthique et de la prise en compte de la complexité humaine au cœur de la modernité numérique. Nous voici, plus que jamais, conviés aux rendez-vous de l’humanité.
Guy AURENCHE