Deuxième partie — La reconnaissance

Just This : Juste ceci. C’est le titre du livre de Richard Rohr, publié en 2017. La promotion de la prière contemplative est l’une des vocations principales du Centre pour l’action et la contemplation qu’il a fondé au Nouveau-Mexique en 1986[1]. Au lieu de faire une recension du livre, j’ai préparé trois courtes réflexions sur des thématiques clés de celui-ci. Celle-ci est la deuxième.

La reconnaissance

Si le premier fruit de l’observation est l’émerveillement, le premier fruit de la contemplation est la reconnaissance. Par l’observation de ce qui nous entoure, la reconnaissance du contexte particulier où l’on se trouve, nous pouvons nous situer et, encore plus, reconnaître ce qui est attendu de nous, comment nous devons répondre puisque nous avons aussi pris conscience des enjeux. Par la contemplation, nous comprenons que « notre tâche en tant qu’humains conscients est de nous réveiller au plus tôt à la beauté et la bonté inhérente.[2] » À l’instar de Paul qui exprime comment Dieu a pris forme et se manifeste dans l’ensemble de la création, Richard Rohr nous apprend que « tout ce que vous avez vu de vos yeux est le dépouillement infini de Dieu. […][3] » Le fruit de la contemplation est la reconnaissance, la prise de conscience, de l’œuvre de Dieu dans la création du monde.

La contemplation comme méthode d’observation nous permet de reconnaître un sens plus profond à la vie, à notre vie comme à celle des autres vivants au sein du monde magnifique, mystérieux et naturel de la Terre. Par le moyen de la metanoïa[4] qui nous permet de voir différemment, nous percevons « comme dans un miroir[5] » une autre réalité qui nous est reflétée par la première, matérielle, une réalité tout autre, spirituelle, qui se voudrait être à notre portée. Nous sommes doublement émerveillés devant l’une et l’autre de ces réalités qui, dans les faits, se complètent. L’émerveillement nous garde réveillés.

Pour Richard Rohr, « l’acte majeur de la religion est de nous garder pleinement réveillés, attentifs et conscients », car « étant présents, vous connaîtrez la Présence[6] ». Il maintient à nouveau que c’est « l’œuvre suprême de la spiritualité qui [nous] rend possible d’être présent[7] […] ». Dans la réalité matérielle du monde, ce sont nos cinq sens qui nous rendent aptes à l’observation. La contemplation nous propose un sixième sens, celui de regarder à travers le regard de Dieu qui nous habite par son Esprit. « Vous ne regardez pas vers Dieu, là-bas […] vous regardez à partir de Dieu[8] » puisque ce n’est plus vous qui vivez, mais Christ qui vit en vous. Selon Rohr, « la conscience pure n’est jamais juste moi enfermé à l’intérieur du moi. Il s’agit plutôt d’une observation distanciée de “moi”.[9] » Cette distanciation de nous-mêmes, de l’ego à la source du faux moi, le moi malhonnête du paraître, nous permet de « voir avec des yeux plus larges que les nôtres[10] » que nous sommes enfants de Dieu[11] et que nous sommes connectés à toutes choses. C’est ce regard qui rend possible l’espérance de la réconciliation ultime de toutes les réconciliations jusqu’ici partielles, « de réunir toutes choses en Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre. »[12] Enfin, « Dieu sera tout en tous »[13], le projet divin de la création sera enfin réalisé. C’est ce qui nous conduit à la reconnaissance comme gratitude, « car la terre sera remplie de la connaissance de la gloire de l’Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent.[14] »

Afin de percevoir l’œuvre et la présence de Dieu dans le monde, il faut nécessairement aussi le reconnaître en soi. Je vous propose la méditation suivante.

Méditation

Le volume
de la présence
du Christ
en moi
est plénitude

quelles que soient
l’heure
ou les circonstance

que j’en sois
conscient ou non

À moi d’en faire
mon habitation

Pierre LEBEL

[1] Pour mieux connaître Richard Rohr et le CAC, visitez : https://www.temoins.com/richard-rohr-et-le-centre-pour-laction-et-la-contemplation/
[2] Rorh, Just This, p. 36.
[3] Ibid.
[4] « Le terme grec μετάνοια métanoïa est composé de la préposition μετά (ce qui dépasse, englobe, met au-dessus) et du verbe νοέω (percevoir, penser), et signifie « changement de vue » ou « changement de regard » qui voit la pensée et l’action se transformer de façon importante, voire décisive. » https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tano%C3%AFa
[5] Belle expression et image de Paul à la fin de son célèbre texte sur l’amour dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, chapitre 13, verset 12.
[6] Rorh, Just This, p. 31.
[7] Rorh, Just This, p. 33.
[8] Rorh, Just This, p. 52.
[9] Rohr, Just This, p. 53.
[10] Ibid.
[11] Romains 8,16.
[12] Éphésiens 1,10 ; Colossiens 1,20.
[13] 1 Corinthiens 15,28.
[14] Habakuk 2,14.

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