Extrait de l’ouvrage ci-contre ** Lire la présentation **, Simone Pacot nous retrace son cheminement qui aboutit à ” en un instant, un éclair, j’ai su que j’étais arrivée au port, que j’avais trouvé, après tant d’errances et de division intérieure, ce que je cherchais depuis si longtemps. J’ai compris comment l’amour du Père nous amène à un regard de vérité sur notre humanité, remet en ordre l’intégralité de qui nous sommes, pénètre notre entièreté.”
Dieu m’a rejointe dans mon histoire.
Histoire de vie de Simone Pacot.
Je suis née au Maroc et j’y suis restée jusqu’à l’age de trente-trois ans. J’ai grandi dans une famille chrétienne très ouverte mais non pratiquante. J’ai été baptisée et suis allée au catéchisme. J’ai rencontré le Christ pour la première fois à neuf ans, puis à quatorze ans. A partir de ce moment, la dimension spirituelle m’est apparue comme seule susceptible de donner un sens à ma vie. J’ai fait partie de la Jeunesse Etudiante Chrétienne. Plus tard, comme laïque, j’étais très proche des Petites Sœurs de Jésus qui ont eu au Maroc une de leurs premières fondations. Après des études de droit, j’ai commencé à exercer la profession d’avocat. A ce moment s’est produit un tournant dans ma vie grâce à la venue dans ma paroisse du Père Peyriguère, successeur du Père de Foucault, à la veille de l’éclatement des « évènements » qui ont mené à l’indépendance du Maroc. Il nous a interpellé avec vigueur concernant le racisme que la plupart d’entre nous vivaient sans en être conscients. Cela a été une terrible prise de conscience et, avec d’autres chrétiens, nous avons immédiatement fondé un groupe de réflexion, d’échange, d’entraide, composé de musulmans, de juifs, et de chrétiens. J’ai commencé à apprendre l’arabe, à fréquenter les femmes marocaines et, pendant cette période de décolonisation, tant par ma profession que par les circonstances politiques, j’ai cherché vivre ma foi dans une recherche de dialogue, de réconciliation, d’accueil des différences.
Cependant, je souhaitais un engagement plus précis et, à trente-trois ans, je suis entré dans la communauté de l’Arche de Lanza del Vasto. J’ai donc quitté le Maroc. Je me situais dans la perspective d’un don à Dieu, de la méditation, de la prière et aussi d’un partage de vie, de simplicité, de non-violence, de lutte contre le racisme. Grâce à ma formation d’avocat, j’ai participé à la défense des objecteurs de conscience pendant la guerre d’Algérie. Par la suite, je suis partie avec une équipe de l’Arche, en plein désert au Maroc. Nous avons fondé un hôpital. Je me suis occupée de prévention médicale et j’ai créé une école adaptée aux besoins des filles de la région.
J’étais alors toujours entre ces deux pôles, vie intérieure et engagement extérieur, mais je n’avais aucune notion de ma propre unité intérieure. Je méconnaissais totalement la dimension psychologique en moi, le rapport vital de mes trois composantes : le corps, la psyché et le cœur profond.
C’est à cette époque que je me suis trouvée confrontée à un blocage relationnel. Je priais désespérément pour que Dieu me libère de cet enfermement . En vain, rien n’y faisait. Je me suis ouverte de l’état dans lequel je me trouvais à un prêtre âgé de passage chez nous. Il m’a simplement dit : « Ne te centre pas sur le blocage ; l’épicentre de ton problème est ailleurs, cherche-le ». J’ai été incroyablement soulagée, il y avait donc une issue, je n’étais pas condamnée à tourner en rond, j’ai pressenti en moi une terre inexplorée, je suis immédiatement sortie du désespoir.
Un été, en revenant à la communauté de l’Arche, j’ai demandé conseil à un ami médecin. Comme il était spécialisé en psychologie, il m’a proposé de me prendre pendant un mois en psychothérapie intensive. Cela a été une étape décisive car il m’a ouverte à mes propres problèmes psychologiques que j’ignorais complètement.
Ce début de psychothérapie m’a fait prendre conscience que mon identité était mélangée à celle des autres, que je n’étais pas dans la liberté intérieure, que je vivais dans une culpabilité mal située. J’avais des notions tellement fausses de la volonté de Dieu, extérieures à mes désirs les plus authentiques que je ne me donnais pas le droit de laisser émerger l’épaisseur de mon humanité, ma réalité, ma façon de vivre l’incarnation dans ma propre chair. Le fait que j’étais très sportive m’avait caché cette faille en moi.
Je n’arrivais pas à faire la différence entre le don à Dieu et la forme dans laquelle ce don s’exprimait. J’ai pressenti que je ne pourrais retrouver un chemin de vie qu’en partant de l’Arche. Ce que j’ai fait.
Je me suis retrouvée à Paris sans aucune ressource après dix ans d’interruption de travail professionnel. Le 1er octobre 1969, je suis entrée dans un cabinet d’avocats qui cherchaient à unifier leur exercice professionnel et leur engagement de vie. Je me trouvais alors si mal située sur le plan spirituel que j’ai suspendu ma vie de foi. Le trajet psychologique m’apparaissait alors comme le seul terrain sûr.
Cependant, tout en gardant une distance très prudente, j’ai commencé à fréquenter un groupe du Renouveau. Je suis allé à un séminaire sur la guérison intérieure animé par George et Victoria Hobson. J’ai vécu lors de ce séminaire une libération profonde qui m’a fait comprendre quel pouvait être le rapport vital entre le corps, la psyché et l’esprit. George Hobson a parlé du lien qu’entraînaient certaines promesses faites dans l’enfance. J’étais encore, en fait, toujours liée (même si j’en avais parlé en thérapie) par une promesse faite dans l’enfance : intellectuellement je savais qu’elle était chemin d’aliénation, de destruction mais elle était toujours là, je n’arrivais pas à être libérée. J’appris que ce genre de promesse ne relevait pas seulement du domaine psychologique mais que le fait de se lier de cette façon, de demeurer sous l’emprise d’un être humain au lieu d’être docile à la Parole de Dieu, aux mouvements de l’Esprit, s’appelait « l’idolâtrie » et que l’idolâtrie était un péché dénoncé dans toute la Bible. J’ai compris que ce genre de lien empêchait le don à Dieu, la relation juste et féconde avec l’autre. Par la suite, j’ai également pris conscience du fait qu’un lien de cette sorte était une transgression à une loi de vie fondamentale : « Deviens toi-même, va vers toi , tu es créé unique ».
J’ai entendu l’orateur dire : « Au nom du Christ, je déclare que tous ceux qui sont liés par des promesses inconsidérées n’auront pas à les tenir ». J’ai sur le champ déposé cette promesse, j’en étais capable puisque j’obéissais à un ordre du Christ et que je ne voulais plus demeurer dans l’idolâtrie. J’ai été immédiatement et totalement libérée.
En un instant, un éclair, j’ai su que j’étais arrivée au port, que j’avais trouvé, après tant d’errances et de division intérieure, ce que je cherchais depuis si longtemps. J’ai compris comment l’amour du Père nous amène à un regard de vérité sur notre humanité, remet en ordre l’intégralité de qui nous sommes, pénètre notre entièreté. J’ai retrouvé sur le champ une foi vivante plus vraie, plus humble, enracinée, plantée dans ma terre, mon histoire. Dieu m’avait rejointe au cœur de mon histoire. Je me suis formée en psychologie et me suis replongée dans la Parole de Dieu. J’ai découvert la trame si simple du chemin de conversion, de libération, de guérison : l’appel à nommer ce qui m’est arrivé, mes blessures, la prise de conscience de ce que j’en ai fait, du chemin de mort que j’ai pu prendre pour éviter de les traverser, la compréhension de la Parole de Dieu, vivante, vitale, incarnée, l’obéissance au Christ qui me demande de renoncer au chemin de mort, de quitter le tombeau pour poser un pas de Vie. Si aucune de nos trois composantes n’a à se mélanger à l’autre, se confondre, il n’y a plus entre elles de division, de morcellement. J’ai commencé à saisir l’importance et la signification de l’incarnation et comment Jésus le Christ nous sauve en retraversant avec nous notre humanité, et non en la fuyant ou la mettant de côté.
J’ai pris conscience de mes limites, de mes besoins, et je les ai acceptés, ce qui a été un pas de vérité considérable. Mais, en même temps, j’ai osé croire que Dieu ne me rejetterait pas pour autant, que je serais toujours aimée de lui quelque soit mon état. Cette étape a été une des conversions les plus essentielles de ma vie et je vois que, dans les sessions de guérison intérieure, la découverte que l’on est aimé de Dieu au travers de ses limites que l’on apprend à nommer et à accepter, est le premier pas de l’accueil de la visitation du Christ dans toutes les zones de son être.
Après mon départ à la retraite, j’ai circulé un peu partout pour animer des week-ends. Une équipe s’est constituée en France. Une psychanalyste a enseigné avec moi pendant plusieurs années dans les sessions et nous a donné les bases psychologiques indispensables. Une psychothérapeute forme et suit les accompagnateurs qui sont responsables d’un groupe de partage en cours de session et assurent un suivi des participants pendant et entre les sessions. Bien entendu, ces psychologues professionnels sont chrétiens et tout à fait partie prenante de ce chemin de guérison intérieure. Notre équipe de base s’est fortifiée, agrandie et elle est demeurée essentiellement œcuménique.
Simone Pacot
« Itinéraires. Des chrétiens témoignent ». p. 51-56
Dans le même ouvrage, deux autres textes de Simone Pacot : « La Parole, chemin vers la vie » ; « Laisser jaillir la Vie ». Sur le présent site on lira avec intérêt un autre article du même auteur ** Voir l’article “Chemins de libération” **.
Depuis la parution de cette histoire de vie, un itinéraire pionnier, Simone Pacot a poursuivi son chemin. Elle a publié plusieurs livres : « L’Evangélisation des profondeurs », « Reviens à la vie. L’Evangélisation des profondeurs II », « Ose la vie nouvelle », « Ouvrir la porte à l’Esprit ». ** Voir le site des éditions du Cerf **.
Une association, « Béthasda », organise des sessions pour une guérison intérieure dans l’esprit de ce que Simone Pacot vient d’évoquer. ** Voir son site ** .