Dans la capitale de Bangui, l’association A9 aide les familles à cultiver des potagers urbains pour favoriser leur autonomie alimentaire.
Découvrons ce projet d’agriculture urbaine en images et à travers le témoignage de Rodolphe Gozegba de Bombembe, fondateur de l’association.
Un mouvement pour l’autonomie alimentaire à Bangui
1 Pourquoi l’autonomie alimentaire dans les villes africaines devient-elle une nécessité vitale ?
Votre question est très intéressante, mais mes compétences ne m’autorisent pas à parler des villes africaines en général. Je préfère porter le débat sur mon pays que je connais bien : la République centrafricaine. Il est effectivement temps que la RCA se préoccupe de son autonomie alimentaire. Elle est actuellement trop dépendante des importations depuis les pays voisins et cette réalité lui a d’ailleurs déjà causé de grandes souffrances, notamment à l’occasion de la coupure par des groupes rebelles des routes d’approvisionnement venant du Tchad ou du Cameroun. La capitale Bangui également directement concerné par ce problème a ainsi frôlé la famine début 2021 et même en 2022.
2 Dans quelles conditions l’initiative entreprise par l’association A9 à Bangui, pour contribuer à la réalisation d’une autonomie alimentaire, s’est elle développée depuis sa création au début de l’année 2021 ?
L’opération « Nourris ta ville en 90 jours » lancée en avril 2021 à Bangui a immédiatement connu un vif succès. A 9 a commencé à faire du porte à porte pour expliquer son action dans les quartiers les plus pauvres de la ville, où nous savons que beaucoup de personnes ne mangent souvent qu’un seul repas par jour, parfois aucun et que les parents ont beaucoup de mal à nourrir leurs enfants.
A9 a donc proposé à ces familles de cultiver les lopins de terre en friche autour de leur habitation. Le rôle de A9 était de leur donner un kit comprenant une bêche, une houe, un arrosoir et des semences, outils indispensables pour se lancer dans le projet puis de les conseiller, de les accompagner et de les suivre dans la réalisation de cette mise en culture
Les intéressés ont été très nombreux. Malheureusement les fonds disponibles pour A9 n’ont pas permis de satisfaire tout le monde.
A9 a donc établi une liste d’attente de familles désireuses de se lancer dans l’action « Nourris ta ville en 90 jours » et leur distribue un kit au fur et à mesure de la disponibilité de fonds.
3 Aujourd’hui peut-on évaluer son apport ?
Actuellement plus de 500 kits ont déjà pu être distribués, améliorant ainsi le quotidien de plus de 3000 personnes. Nous avons de vifs remerciements des familles bénéficiaires suivies et accompagnées par A9. Elles nous montrent avec fierté leur jardin qui regorge de toutes sortes de légumes et nous remercient de permettre à leur famille de s’en régaler. Certaines d’entre elles arrivent même à se créer un petit revenu avec la vente de leur surplus. Nous sommes vraiment contents de ce que nous avons déjà pu réaliser, mais nous évaluons cependant les besoins à plus de 150 000 familles…
4 Pourquoi et comment donner un nouvel essor à cette initiative ?
L’opération « Nourris ta ville en 90 jours « a été lancée en avril 2021. Elle continue. L’équipe de A9 poursuit quotidiennement son accompagnement et le suivi des familles bénéficiaires des kits. Cette partie connaît une activité sans interruption. Seule la distribution de nouveaux kits (valeur d’un kit : 20 euros) dépend de la disponibilité de fonds.
5 Comment et dans quelle mesure, l’action en faveur de l’autonomie alimentaire entreprise par A9 entraine-t-elle les Pouvoirs publics et les Églises ?
A9 vit actuellement majoritairement sur ses fonds propres.Nous n’avons pas à solliciter les églises en Centrafrique car notre objectif est de réunir toute la population quelque soit son ethnie ou sa religion, en est peuple uni. Quant aux pouvoirs publics, ils se réjouissent de notre action, mais ne participent pas financièrement.
6 L’initiative entreprise par A9 pour la réalisation de l’autonomie alimentaire à Bangui s’inspire d’une vision spirituelle. Comme théologien, comment envisages-tu une évolution de la société africaine vers une libération de l’humain dans toutes ses dimensions, ce qui, en d’autres lieux et d’autres circonstances, a pu être évoqué dans les termes : le pain, la paix, la liberté.
Il me semble que pour être disponible pour la spiritualité, ou plutôt pour une spiritualité choisie, l’être humain doit pouvoir satisfaire ses besoins primaires et notamment celui de pouvoir manger à sa faim tous les jours et de pouvoir nourrir correctement sa famille. Il me semble que cette réalité s’applique partout dans le monde. Une femme, un homme, un enfant ne peut pas s’épanouir spirituellement s’il souffre de la faim.
Le projet de A9 est un projet global en 9 actions qui seront développées au fur et à mesure avec l’objectif de faire retrouver à chaque centrafricain, quel qu’il soit et où qu’il habite sa dignité d’être humain dans un corps sain et un environnement social et environnemental sain.
7 Comme théologien, comment envisages-tu la dimension écologique dans ton appel à une harmonisation entre différents registres : de l’humain, du vivant et du divin, et à un nouveau genre de vie où le mouvement pour l’autonomie alimentaire trouve toute sa place.
Le rôle du théologien n’est pas de se perdre dans des théories, aussi belles soient-elles. Il doit se placer au centre de la vie qui l’entoure. Il doit observer ce qui ne va pas ; il doit essayer de comprendre puis donner des solutions pour changer les choses. Sa visée première doit être le bien-être ou plutôt la dignité de l’humain quel qu’il soit et dans toutes ses dimensions.
Dieu veut le bonheur de l’humain sur terre. Il ne veut pas qu’il souffre mais qu’au contraire, il se tourne vers Lui dans la paix et la joie.
Le théologien ne doit pas oublier ce principe essentiel et doit user de son savoir et de son énergie pour aider à changer le monde en ce sens.
8 A partir de ton expérience associative, quel message désires-tu transmettre aux amis et lecteurs de Témoins ?
Je suis heureux de pouvoir partager mon expérience avec eux. Les bénéficiaires des kits me remercient car je me trouve là en face d’eux, mais ils savent bien – et je le sais aussi- que seul je ne ferais rien, que votre soutien, quelle que forme qu’il prenne, nous est essentiel. Je vous remercie donc tous pour l’intérêt que vous portez à A9 et à ses actions. J’espère de tout cœur que vous serez de plus en plus nombreux à nous marquer votre solidarité et que nous pourrons ainsi sauver de plus en plus de familles de la misère.
Rodolphe Gozegba De Bombembe