« Comment ne pas mettre en doute la parole d’un homme qui affirmerait avoir passé tout un week end en compagnie de Dieu, dans une simple cabane au fond des bois ? » Ainsi s’ouvre, non l’hagiographie d’un saint, mais l’avant propos du roman, fantastique dans tous les sens du terme, de Paul Young : « La Cabane ».
Il commence comme un roman policier, bascule et se noue ensuite en une fabuleuse fiction théologique. Quelle en est la trame ? Le meurtre d’une petite fille de 6 ans par un pervers récidiviste. La police se lance dans une enquête et, à la fin, le meurtrier est évidemment capturé. Mais la chasse au coupable n’est pas le fil conducteur de l’intrigue. Extirper le mal, ici sous les traits abjects d’un assassinat d’enfant, au moyen d’une action judiciaire classique n’apportera pas au lecteur, le livre refermé, ce soulagement momentané et illusoire que l’on éprouve quand « justice est faite » et qu’un « méchant » est mis hors d’état de nuire. Ce n’est pas dans cette voie attendue que nous entraîne Paul Young mais dans un face à face éblouissant entre le père de la victime et Celui qui, sachant et pouvant toute chose, aurait pu faire que ce crime n’aie pas eu lieu.
Le nœud du récit commence quatre ans après le drame, quand, toujours et à jamais broyé par « le grand chagrin » le père de l’enfant reçoit une mystérieuse invitation à se rendre dans la cabane où fut retrouvée la robe tachée de sang de sa petite Missy. Il répond au message et part ainsi à la rencontre de Celui que, au tréfonds de lui, il tient pour le vrai responsable du crime. Sous quelle apparence va t-il rencontrer ce Dieu dit « Tout Puissant » ? Une Voix venue du ciel ? Une Vision grandiose ? Non, sous l’apparence d’une invraisemblable trinité : une femme afro-américaine, un homme au type sémite et une nymphe asiatique. De prime abord ça déstabilise. Les lieux du rendez-vous sont eux, par contre, transfigurés et, passé le premier choc, quel voyage si, comme Alice au pays des merveilles, nous consentons à traverser le miroir ! Nous sommes alors embarqués dans une aventure apte à renouveler, en l’approfondissant, notre vision de l’évangile. Il faut dire que si les trois figures sous lesquelles s’incarne Dieu sont d’une belle audace, leurs dialogues, leurs attitudes, leurs relations sonnent merveilleusement juste, si juste qu’au fil des pages se lève et se déploie la lumière d’un jour d’éternité et que, le temps de la lecture, nous avons le sentiment de vivre dans la plénitude de la grâce.
Cet inoubliable week end s’apparente à un parcours initiatique. Il conduit pas à pas le père de Missy de ses ténèbres intérieures à la clarté de l’amour inconditionnel. Rempli d’événements minuscules ou grandioses, de théologie légère ou percutante, de tendresse joyeuse ce week end « réussi » est un face à face avec Dieu empreint d’une familiarité bon enfant qui bouleverse et laisse des traces dans nos cœurs.
Pour conclure, un dernier mot : ne zappez pas les annexes sur la genèse du livre. Elles en donnent la clef.
Françoise Rontard
La Cabane, Paul Young, éditions Trédaniel 2008.