La série sur « L’origine du christianisme » présentée par ARTE ce printemps a suscité des réactions mitigées. Il eu été certes intéressant, mais cela n’a pas été possible d’en trouver, de faire connaître ici l’opinion d’un incroyant. A défaut, voici les points de vue, un peu similaires, d’Odile H. et d’Alain B.
Le regard d’Odile
En décidant de regarder les deux premières émissions du film « L’origine du christianisme », je pensais m’instruire. Je lis la Bible depuis plus de trente ans et je pensais que l’enseignement de spécialistes allait m’apporter un éclairage que je pourrai approfondir par la suite en me rapportant aux textes bibliques.
J’ai été assez déçue. J’ai compté qu’à la première question, dix personnes en quelques minutes au total, donnent leur opinion qu’elles n’ont pas le temps de développer ni de justifier. Sur d’autres questions, les auteurs (une voix off !) ne présentent que quatre ou cinq interviews. De toute façon, ces interviews me font penser à des pièces d’un puzzle qui n’arrivent pas à se mettre en place pour former un tout. Et de plus, des morceaux manquent car j’ai pensé à beaucoup de textes dont il n’est fait aucune mention.
Ainsi, la Pentecôte n’entre pas parmi les hypothèses du changement d’attitude des disciples de Jésus. De même, lorsqu’il est dit que le christianisme s’est éloigné de la figure juive de Jésus, dans son existence terrestre, on omet de mentionner la remise en cause par Jésus du système religieux de l’époque. Il n’est pas non plus mentionné que la résurrection ouvre la porte sur un nouveau dynamisme, une nouvelle représentation de la mission de Jésus.
Quel est le but recherché ? Que peut-on comprendre de cette émission si l’on n’a aucun
pré-requis et pour ceux qui ont déjà une culture chrétienne n’attendent-ils pas autre chose de plus construit ?
Au total, c’est une impression de confusion qui prévaut. Cette émission en miettes met souvent en valeur les contradictions. Elle ne permet pas à avoir accès à des raisonnements construits et par là, elle développe un relativisme qui pour beaucoup risque d’induire ou de
confirmer le scepticisme.
Bien sûr, pour certaines personnes, ce montage peut susciter la curiosité et la mise en route d’une recherche. L’Esprit Saint peut agir dans toute situation. Comme le dit Jésus à ses disciples : « Quand l’Esprit de vérité sera venu. Il va vous conduire dans toute la vérité »
(Jean 16.13).
Odile Hassenforder.
Le regard d’Alain
Remarque préliminaire : en fait, je n’ai visionné qu’une partie d’une des émissions de cette série, dont j’avais lu une très bonne critique dans une revue de télévision vantant l’étude approfondie des textes bibliques, l’utilisation des recherches récentes et le choix d’une présentation « ouverte », faisant participer des intervenants provenant de plusieurs « bords », apportant chacun un éclairage particulier censé laisser aux téléspectateurs la possibilité de se faire lui-même une opinion et de construire, en quelque sorte, son savoir personnel sur la question.
Au vu d’une de ces émissions (la 3éme de la série) mon impression a été, en fait, assez différente ! Voici, sans nier à priori, bien sûr, l’intérêt d’une telle démarche, mes principales critiques :
– D’abord le choix de cette présentation, qui semble décousue, et dont l’incohérence rend en fait toute synthèse personnelle (à mon avis) difficile ; chaque « spécialiste » semble émettre une opinion fondée, on a l’impression que l’on va avoir du mal à se déterminer pour telle ou telle option si l’on n’est pas soi-même un bibliste averti.
– Ensuite le contenu lui-même : je n’ai pas la prétention d’être moi-même un spécialiste de ces questions mais certaines « hypothèses » retenues sérieusement dans cette émission me font sourire : d’abord en tant que chrétien, et là je suis bien sûr conscient du fait que l’on pourrait dans ce cas m’opposer ma subjectivité ! Mais quand l’un des intervenants envisage sérieusement la possibilité que Jésus a peut-être eu effectivement l’idée d’établir un « royaume » politique sur terre, on ne peut s’empêcher de penser que cette personne n’a pas pris connaissance de certains versets, dont le plus connu serait peut-être le célèbre : « mon royaume n’est pas de ce monde » ! Sans parler du regard que l’on ne peut qu’avoir par rapport à l’enseignement de Jésus dans ce domaine, quand on en prend connaissance dans son ensemble, que l’on soit chrétien ou pas, me semble t-il !
Ce n’est qu’un exemple, bien sûr, mais il me semble assez révélateur de l’ensemble. Il y a dans cette série d’autres éléments qui me semblent poser problème sur un plan purement logique : par exemple un participant développe l’argument suivant : on ne peut se fier aux Actes des Apôtres, écrits, de plus bien après les lettres de Paul, si on les met en parallèle avec ces dernières : où Paul aurait-il trouvé le temps d’accomplir toutes ses pérégrinations à travers la méditerranée, si l’on songe au temps qu’il a du passer à écrire toute cette correspondance ?
De plus (d’après un auteur tout aussi sérieux que j’ai eu l’occasion de consulter par ailleurs) il semble que les Actes des Apôtres soient en fait plus fiables que prévus ! Par exemple : ils donnent de façon précise les différents titres des administrateurs romains, qui variaient en fait suivant l’époque et la région de l’empire ! (Pilate n’était pas en fait un procurateur, il avait le titre de préfet de Judée : le titre de procurateur n’apparaît en Judée que plus tard, et le texte biblique le mentionne bien).
En conclusion, mon impression est donc plutôt partagée par rapport à cette série : une bonne idée au départ (informer un large public sur les derniers résultats de la recherche biblique, sans lui imposer un point de vue particulier qui serait influencé par tel ou tel choix théologique), mais une réalisation qui, dans la pratique, ne tient pas vraiment ses promesses, faute d’une présentation adéquate et d’une prise en compte réelle de l’ensemble du contexte biblique.
Alain Bourgade