Dans une ville de la région parisienne, en banlieue sud, à Antony, depuis cinq ans, des chorales chrétiennes se rassemblent chaque année dans un concert de plus en plus fréquenté.
Ainsi, le 12 novembre 2017, le cinquième concert : « Ensemble, chantons notre espérance » a rassemblé près de 600 personnes et 12 églises protestantes d’Antony et de sa région à l’espace Vasarely.
Une vidéo rend compte de cet évènement, nous en indique le sens et nous en montre la portée (1).
Ainsi, l’inspirateur de ces rencontres, Pascal Colin, directeur général d’Initiatives, exprime l’intention : « Dans ce monde qui change, qui bouge, qui se transforme, il est nécessaire que des chrétiens puissent témoigner de leur espérance, de leur joie et de leur foi ».
Cependant, ce concert n’est pas seulement une expression spirituelle, c’est aussi un espace de rencontre. En effet, une concorde interreligieuse s’exprime à cette occasion par la présence de représentants de différentes communautés religieuses. Et, manifestement, leurs déclarations sur la vidéo témoignent d’une sympathie conviviale. Parce qu’il manifeste et crée des liens entre les communautés et renforce ainsi le tissu social, ce concert est également apprécié par les instances politiques locales. Ainsi le maire d’Antony manifeste sa satisfaction. Et la députée, également présente, apporte un soutien qui n’a rien de convenu. Ce concert suscite un consensus positif.
Ce consensus va-t-il de soi dans une société où les divisions abondent ? il nous parait le fruit d’un processus où des liens se sont peu à peu tissés. Et déjà à l’intérieur de l’univers chrétien protestant avec ses particularités et dans sa diversité, il a fallu se reconnaître et s’entendre. Plus largement, l’œcuménisme a élargi l’audience.
Cependant, la forme de l’évènement a été elle-même un facteur décisif de la réussite. En effet, c’est le chant, c’est la musique qui exprime la transcendance dans un commun qui rassemble. Oui, le chant, la musique correspondent aux aspirations spirituelles qui se manifestent aujourd’hui. A cet égard, la réussite des chorales Gospel est particulièrement significative (2). Dans le chant se manifeste à la fois la fraternité et un sens que l’on rejoint et où on se rejoint. Ce sens, cette signification sont bien exprimés dans le titre du concert : « Ensemble, chantons notre espérance ». Cette espérance porte une dynamique qui ouvre un horizon.
On sait qu’il y a actuellement dans notre société un excès de défiance (3). Cette situation est cause de préjudice. Et c’est le cas aussi dans l’exercice de la citoyenneté. Aussi tout ce qui peut accroitre la confiance est bienvenu. On comprend pourquoi les instances politiques locales accueillent positivement cet événement. Il génère la confiance. Cependant, il y a là aussi une conjoncture locale favorable. Car, en France, cette concorde ne va pas partout de soi. Dans le registre du religieux, il y a une mémoire conflictuelle, celle de deux camps opposés au XIXè siècle. La loi de 1905 a créé les bases d’un compromis pacificateur en assurant la séparation des églises et de l’état, la neutralité du pouvoir politique. Cependant, il a fallu ensuite des décennies pour que cette laïcité puisse se réaliser dans une forme apaisée. Le développement en France d’une nouvelle composante religieuse, la religion musulmane, a réveillé les antagonismes. Ainsi, dans certains milieux, demeure une méfiance vis à vis du religieux qui se traduit par une volonté de le réduire à la dimension de la vie privée. Ainsi doit-on réaffirmer que la laïcité signifie la neutralité de l’état et non la neutralisation de la société et de l’espace public. C’est une conception pluraliste qui s’inscrit dans la mondialisation et dans l’unification européenne (4). Le concert organisé à Antony participe à cette conception de la laïcité.
Aujourd’hui, le pouvoir politique prend conscience de la nécessité de promouvoir une société de confiance. Toutes les dimensions de la vie sociale sont concernées. Sur le plan religieux cela implique la reconnaissance de l’apport des composantes religieuses et spirituelles à la vie commune. Le récent « discours des voeux du Président de la République aux autorités religieuses » (5) apporte à cet égard un bel éclairage : « Nous savons bien ce que notre nation doit au cours de son histoire aux multiples apports religieux et philosophiques et, le dire, ce n’est pas renoncer au pacte laïque, mais plutôt reconnaître cette aspiration qui continue d’animer nombre de nos contemporains à une forme de transcendance que Jaurès décrivait en ces termes : « Il serait mortel de comprimer les aspirations religieuses de l’âme humaine. Dès lors qu’il aura réalisé la justice, l’homme s’apercevra qu’il lui reste un vide immense à remplir ». Ce vide immense à remplir, certains voudraient le combler par des discours de haine ou en développant des perspectives mortifères… Vous avez votre part de responsabilité dans ce vide immense à remplir. Nous avons notre part de responsabilité dans la reconnaissance de votre rôle et la possibilité de traduire justement cette action avec confiance et bienveillance ». Il nous paraît que le concert : « Ensemble, chantons notre espérance » est une initiative pionnière qui s’inscrit dans cette voie.
Jean Hassenforder
(1) Vidéo You Tube : Ensemble, chantons notre espérance : https://www.youtube.com/watch?v=cjnyXQAe4ZM&feature=youtu.be
(2) Les chorales Gospel se sont multipliées en France. Sur ce site, la dynamique de « New Gospel Family » : https://www.temoins.com/new-gospel-family-le-19-octobre-2013-a-lolympia/
(3) « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » (Yann Algan, Piere Cahuc, André Zylbergerg. La fabrique de la défiance) : http://www.vivreetesperer.com/?p=1306
(4) Sur ce site : « Les rapports entre le politique et le religieux » : https://www.temoins.com/les-rapports-entre-le-politique-et-le-religieux/
(5) « Transcription du discours des voeux du Président de la République aux autorités religieuses » : http://www.elysee.fr/declarations/article/transcription-du-discours-des-v-ux-du-president-de-la-republique-aux-autorites-religieuses/