«Les quatre êtres vivants et les vingt-quatre vieillards se prosternent devant l’Agneau, chacun tenant une harpe et des coupes d’or remplies de parfum qui sont les prières de ceux qui appartiennent à Dieu» (Apocalypse ch. 5, 8).
Toutes nos prières qui s’élèvent vers Dieu sont un parfum pour Lui. Ces prières peuvent revêtir des formes très différentes, de la louange à la supplication. Dans l’Apocalypse, les chrétiens face à la persécution crient à Dieu: «Jusques à quand, Seigneur?» Ailleurs dans les psaumes, nous trouvons d’autres expressions de prière: l’adoration, l’action de grâce, des demandes et aussi des pourquoi, des cris de peur ou de colère. Tous ces mouvements de notre être entrent dans cette coupe présentée à Dieu.
Nous pouvons venir à Dieu avec tout ce que nous sommes. Il aime qu’on se tourne vers Lui. Même nos difficultés à prier ne sont pas à côté de la prière, mais elles en sont déjà une partie intégrante. Toute notre personnalité est concernée: notre pensée, nos sentiments et notre corps. La prière s’effectue dans les différentes dimensions de notre être.
Au psaume 39, verset 4, David s’écrie: «Je m’étais dit: je vais me surveiller pour ne pas pécher en paroles. Alors je me suis renfermé dans un complet silence sans prononcer une parole. Mais ma douleur s’est exaspérée. Mon cœur brûlait dans ma poitrine; mes pensées s’embrasaient en moi. Alors j’ai fini par parler. Et j’ai dit: ô Éternel, écoute ma prière. Sois attentif à mon cri!»
Si je me replie sur moi-même, mes pensées tournent à vide dans ma tête, mes sentiments m’oppressent et je ressens des tensions dans mon corps. Si, au contraire, j’apporte à Dieu cette agitation ou cette confusion, je m’en décharge et la relation avec Lui peut s’établir.
La prière et nos pensées
Les pensées
Lorsque nous commençons à prier, nos activités se rappellent souvent à nous. Pour ma part, un moyen m’aide à les prendre en compte pour les remettre à Dieu: je note par écrit ce qui se présente. Ensuite, je n’ai plus peur d’oublier et ma pensée est libérée.
Un cadre d’entrée
Chacun peut se donner un préambule. Ce peut être une petite phrase, un chant, une prière liturgique… Ce cadre d’entrée facilite le lien avec l’essentiel et nous oriente vers Dieu.
Par exemple, en ce moment, je m’adresse à Dieu qui tient le fil de ma vie, à Jésus qui s’est donné jusqu’au bout pour moi, au Saint-Esprit, mon ami. Je formule en quelques mots un aspect de Dieu qui me touche actuellement.
Résister à la dévalorisation
À certains moments, des pensées négatives peuvent se présenter: «je ne sais pas bien prier, je n’ai pas assez de foi…» Nous pouvons être très durs vis-à-vis de nous-mêmes. Mais Dieu ne nous juge pas selon des critères normatifs: il faut que tes prières soient comme ceci ou comme cela. Il attend que nous venions à Lui tels que nous sommes. Jésus nous justifie et nous accueille. Nous pouvons laisser de côté ces auto-condamnations.
Être à l’écoute de Dieu
Certaines pensées sont inspirées par l’Esprit pour nous encourager ou nous ouvrir des pistes. Le Saint-Esprit peut ainsi faire monter à la surface une question dont je devrais m’occuper ou une pensée pour l’une ou l’autre personne.
Se nourrir de la Parole
Les paroles de la Bible sont là pour me fortifier. «Voici la pensée que je me rappelle à moi-même, la raison pour laquelle j’aurai de l’espérance. Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées. Les compassions de l’Éternel ne sont pas à leur terme. La bonté de l’Éternel se renouvelle chaque matin» (Lamentations de Jérémie ch. 3, 21). Nous pouvons nous nourrir de toutes les promesses qui figurent dans la Bible. Si nous apprenons par cœur certains passages des psaumes ils vont nous imprégner et Dieu va agir en nous à travers sa Parole.
La prière et nos sentiments
La joie
Un matin, en ouvrant mes fenêtres, je me suis mise à respirer l’air du dehors. Un élan de gratitude m’a remplie: quelle grâce d’exister! Quelle grâce d’être en lien avec Toi, Dieu créateur de l’univers!
Quand nous sommes en contact avec la joie, la prière jaillit dans la reconnaissance et la louange. Dans les psaumes, David partage souvent avec ses frères et ses sœurs cet élan qui le pousse vers Dieu.
La colère, la tristesse, la peur
D’autres sentiments comme la colère, la tristesse et la peur sont plus difficiles à gérer. Et pourtant, nous n’avons pas besoin de les refouler. Combien de fois, David exprime sa colère dans les psaumes. Il a vécu des situations très différentes et il remet à Dieu avec authenticité ce qui l’habite. La prière n’est pas une espèce de «langage pieux». C’est confier à Dieu ce que nous ressentons.
Le blocage
Si nous n’arrivons pas à prier, peut-être n’osons-nous pas admettre qu’il y a en nous des doutes, des questions, des révoltes. Alors quand nous prions, nous avons l’impression que notre prière tourne à vide. Si Dieu ne semble pas répondre, serait-ce parce qu’Il attend que nous nous branchions sur nos sentiments sous-jacents et que nous les Lui apportions?
Le sentiment de vide
À certains moments, nous pouvons avoir l’impression d’être confrontés à une barrière. L’image du brouillard peut nous éclairer. Nous savons qu’au delà, il y a le ciel, le soleil. Même si nous croyons qu’il n’y a que les nuages au-dessus de nous, les promesses de Dieu restent vraies. Sa proximité ne dépend pas de ce que nous ressentons. Sa présence est réelle, même si nous ne la percevons pas affectivement. Dieu nous appelle à persévérer en nous appuyant sur sa Parole.
Culpabilité
S’il y a en moi un péché, cette situation va être un obstacle à la prière. «Purifie-moi de mes péchés même cachés, de mes fautes, même inconscientes» (Ps. 19). Dieu vient vers nous. Il nous donne généreusement sa grâce. «Venez à moi, vous tous qui êtes accablés sous le poids d’un lourd fardeau, et Je vous donnerai du repos» (év. Matthieu ch. 11, 28).
Lâcher prise
Nous pouvons demander à Dieu qu’Il nous délivre de certains sentiments: peur, tristesse ou colère… Lorsque nous les remettons à Dieu, ils ne nous appartiennent plus; nous n’avons plus à y revenir. C’est comme si l’on jetait un objet dans un fleuve; il disparaît une fois pour toutes.
La prière et notre corps
Notre corps est le temple du Saint-Esprit. Nous en avons besoin pour prier. Si nous sommes fatigués ou malades, nous réalisons mieux son importance. Les Pères du désert reliaient la respiration physique à la prière, respiration de l’âme. Dieu a déposé en nous son souffle divin et c’est ainsi que nous existons devant Lui.
Être présent à soi-même dans son corps, cela veut dire aussi: prendre conscience des tensions dans telle ou telle partie de notre corps. Nous pouvons alors revenir aux pensées et aux sentiments qui en sont la cause et les apporter à Dieu pour les dénouer. Se recueillir, c’est être là entièrement devant Dieu.
Un style de vie
Ainsi, la prière c’est vraiment entrer en relation avec Dieu de tout mon être. Toute notre vie y participe. Alors nous accédons à cette rencontre authentique avec Dieu. Ce face à face dans sa présence Le réjouit et nous ouvre à d’autres dimensions: Il peut partager avec nous ce qui Lui tient à cœur. (1)
Nelly Sinclair
Strasbourg (67)
(1) Extraits d’une conférence revus par l’auteur.
tous mes fardeaux, toutes mes peines,
ce qui m’angoisse et qui m’enchaîne
et le souci du lendemain.
J’ai tout remis entre tes mains:
ressentiments, haines amères,
les luttes et toutes les guerres,
ce qui sépare les humains.
J’ai tout remis entre tes mains,
que ce soit la joie, la tristesse,
la pauvreté ou la richesse,
ombre ou lumière du chemin.
J’ai tout remis entre tes mains,
que ce soit la mort ou la vie,
la santé ou la maladie,
le commencement ou la fin.»
M. Henrioud