Charlotte a dix ans. A la table du dîner, Charlotte profite d’un silence et annonce : « je veux être baptisée ». Stupeur et tremblements. Deux ans plus tard, Charlotte, dûment catéchisée(évangélisée ?) reçoit le baptême et communie, entourée d’une famille et d’amis prêts à faire la fête, mais moyennement concernés par le côté religieux de la journée.
Très profonde joie de l’arrière grand-mère. Je te passe le flambeau, Charlotte comme aux jeux olympiques. Tu seras moins seule que moi, déjà ton père et ton frère t’accompagnent. La tradition dans ma famille à moi, c’était la franc-maçonnerie pure et dure chez les grand-parents, édulcorée chez mes parents : on était baptisée , communiée et mariée à l’église pour vivre en société. J’ai été placée dans une école laïque et priée de limiter ma piété à une communion. J’allais seule à la messe, pas de petit catéchisme. L’Evangile fut ma seule évangélisation.
Chère Charlotte, ne laisse pas les gens d’Eglise te gâter la foi , c’est une plante fragile qu’il faut sans cesse cultiver : « Dieu est un grand oiseau timide qui se pose à distance, n’avance pas ,tu l’effrayerais ». Longtemps en France, le églises ont été pleines de ces gens qui se disent catholiques, mais n’attachent à leur foi qu’une importance limitée. Où sont-ils partis ? Leur croyance était semblable à ces petits ballons que les enfants retiennent par une ficelle : on ouvre les doigts et ils s’envolent. Maintenant ils font de la figuration aux mariages et aux enterrements. Ce sont ces gens que vous voulez évangéliser ? En plus de leur ignorance plus ou moins complète des bases de la foi chrétienne, il y a la pesanteur et l’archaïsme qui perdurent souvent dans nos cérémonies catholiques. Il y a bien des manières de perdre la foi : l’excès des malheurs et des souffrances dont nous sommes témoins, l’angoisse existentielle d’un univers toujours plus vaste, etc…
Comment réévangéliser ? Peut-être la proximité de chrétiens que l’on a envie de rejoindre à cause de leurs qualités humaines. L’admiration des foules pour Sœur Emmanuelle, Mère Térésa ? Le plaisir de se révolter avec l’Abbé Pierre ,ou l’évêque d’Evreux ou bien d’autres exemples ?
Charlotte et moi nous avons ramassé la Bonne Nouvelle quelque part et nous la portons comme un étendard. Nos familles agnostiques nous respectent. Autour de nous, nous voyons pratiquer par certains toutes les valeurs évangéliques de bonté, de justesse, d’amour, de dévouement, de courage et d’espérance. C’est avec sérénité que je les confie au Seigneur.
Evelyne
(texte intitulé « le baptême de Charlotte » extrait de la revue Aujourd’hui des chrétiens, n° 254 de Décembre 2006)